Atomic Sarkozy espère surfer sur la vague nipponne

Le Canard Enchaîné du 16 mars 2011 

Sarkozy jugeait trop coûteuse la sûreté de l’EPR. Après le désastre de Fukushima, le président-VRP du nucléaire veut en faire un argument de vente.

 

Pauvres japonais qui n’ont pas eu la présence d’esprit d’acheter du nucléaire made in France et qui assistent avec terreur à l’explosion de leurs centrales !

La catastrophe pourrait faire le bonheur de la filière française, foi d’Henri Guaino, conseiller très spécial de Sarkozy : « ça devrait plutôt favoriser notre industrie nucléaire par rapport aux industries d’autres pays où la sécurité est passée un peu au second plan », s’est-il félicité, le 13 mars, sur RTL, au moment même où les Japonais commençaient à absorber des becquerels…

 

« Si on a perdu des marchés et des appels d’offre, c’est parce qu’on est les plus chers. Et, si on est les plus chers, c’est parce qu’on est les plus sûrs ! » s’est vanté Sarkozy en personne, le 14, lors de la réunion à huis clos des dirigeants UMP à l’Elysée. Une allusion à la claque reçue, fin 2009, aux Emirats arabes unis, où la filière nucléaire française s’était fait piquer par un groupe sud-coréen le « contrat du siècle » de 20 milliards de dollars portant sur quatre centrales.

 

Comme quoi tout le monde ne pleure pas sur le tsunami. Au pays de Sarkozy, on n’a pas de pétrole mais on vante l’EPR, la centrale dernier cri qui a bien du mal à sortir de terre en Finlande et en France. Notre industrie de l’atome est à la pointe de la modernité, d’une sûreté inégalée et ne connaît pas de faille, dixit Sarkozy, son premier VRP en chef.

 

 

 

Mission planétaire

A peine rentré à l’Elysée, il avait convoqué les écolos à un Grenelle de l’environnement où il était interdit de parler du nucléaire – ce que les Verts et les Associations avaient accepté. Et le président technico-commercial avait alors entamé une tournée mondiale pour semer l’atome français aux quatre vents. Avec ce grand dessein : libérer la planète de l’effet de serre. « La France est prête à aider tout pays qui veut se doter de l’énergie nucléaire civile. Il n’y a pas une énergie de l’avenir pour les pays occidentaux, et des pays d’Orient qui n’auraient pas le droit d’y avoir accès » disait-il.

 

En juillet 2007, le nouveau président démarre sur un coup d’éclat en signant avec la Libye un accord qui prévoit la fourniture d’un réacteur destiné officiellement à alimenter une usine de dessalement de l’eau de mer. Avec un client de marque comme le Colonel, Atomic Sarkozy est lancé. A l’automne 2007, il signe un accord de partenariat avec l’Algérie. Au printemps 2008, il paraphe avec ben Ali un protocole. Avec le Maroc, il est question d’une centrale près de Marrakech. Et Sarkozy annonce au quotidien égyptien « Al-Ahram » qu’il est prêt à coopérer avec Le Caire. Qui dira le rôle de l’atome français dans la chute des dictatures arabes ? Et de bien d’autres, peut-être.

 

Avec la Chine, Sarkozy n’obtient-il pas la signature d’un partenariat de grande ampleur ? « Nous avons décidé de travailler sans limite à une collaboration stratégique » lance t-il au président Hu Jintao. L’Europe n’est pas oubliée. « Nous voulons développer une énergie propre avec vous » chante Atomic Sarkozy à Berlusconi, en février 2009, à l’occasion de la signature d’un accord cadre avec l’Italie, portant sur la construction d’au moins quatre EPR. La péninsule avait abandonné le nucléaire en 1987, par référendum, un an et demi après Tchernobyl. C’était compter sans Berlu, toujours soucieux d’irradier.

 

Las, l’agité du neutron a connu un échec particulièrement cuisant à Abu Dhabi. Il a alors piqué une grosse colère et accusé Areva de vendre son EPR trop cher car trop sécurisé. Voilà Sarkozy le sécuritaire contre la sécurité !

 

Du coup, il a réorganisé la filière et nommé son fidèle Proglio à la tête d’EDF. Pour appuyer les thèses du rayonnant président, François Roussely, ancien patron d’EDF, reconverti dans la banque Suisse et ami de Proglio, s’est vu chargé de rédiger un rapport.

Ce rapport est resté secret, seule une synthèse en a été publiée, le 16 juin dernier. On y trouve cette perle : « La question du risque nucléaire acceptable (…) est un débat de société à part entière pour lequel la ou les réponses à donner sont naturellement du rôle du politique (…) La seule logique raisonnable ne peut pas être une croissance continue des exigences de sûreté » Autrement dit, prière de construire des centrales moins sûres pour que Sarkozy arrive à les vendre. On comprend qu’avec de telles conclusions, le rapport soit resté secret…

 

Un autre rapport pondu en janvier dernier par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques (Opecst), et signé par son président, un certain Claude Birraux, député… UMP de Haute-Savoie, aurait dû, lui aussi, rester secret, car il critique sévèrement la politique de Sarkozy : « L’énergie nucléaire est une technologie trop sophistiquée pour faire l’objet d’un prosélytisme universel : seuls les pays en mesure d’effectuer un investissement matériel et humain considérable sont en mesure de maîtriser suffisamment les conditions de sûreté pour la déployer. » 

 

Il faudrait ajouter : les pays sans tremblement de terre, sans tsunamis, sans inondations, sans terroristes…

 

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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