Japon – Les « liquidateurs » de Fukushima

L’avenir du Japon, et peut-être même davantage encore, se joue actuellement à Fukushima.

 Témoins « oculaires » de ce qui se passe dans cette centrale nucléaire située à 250 km au nord de Tokyo, les caméras de la chaîne de télévision japonaise NHK scrutent en permanence les enceintes de confinement des trois réacteurs. Munies de puissants téléobjectifs, elles ont pu ainsi filmer les explosions d’hydrogène qui ont détruit les toitures des réacteurs 1, 2 et 3. Pour le reste, hormis quelques photos des enceintes de confinement prises, elles aussi, au téléobjectif, rien. Pas une image de l’intérieur de cette centrale ; pas une photo des hommes qui, depuis quatre jours, risquent leur vie pour tenter d’éviter une catastrophe nucléaire.
Le 26 avril 1986, un homme avait réussi à photographier la centrale de Tchernobyl. Quelques heures après l’explosion, Igor Kostine, un reporter-photographe de l’agence de presse Novosti, avait survolé le site. La radioactivité était alors si forte que toutes ses pellicules étaient devenues noires. Une seule photo sera sauvée, la seule qui date du jour même de l’accident. D’un aspect granulé dû au niveau de radiation élevé, on y voit Tchernobyl totalement détruite. Lui-même irradié, Igor Kostine décidera de rester sur place et, vingt années durant, de photographier la centrale et la zone qui l’entoure. Dans son livre, Tchernobyl, confessions d’un reporter (Les Arènes, 2006), il témoigne de manière bouleversante, en photos et par les mots, du courage des 800 000 « liquidateurs » qui se succéderont sur le site de la catastrophe. « J’ignore si tous ces gens étaient vraiment volontaires, écrit Kostine. Sans même en avoir conscience, ils ont accompli l’inimaginable. Sur toute la surface de la Terre, des petits et des grands peuples leur doivent leur survie. Sans leur sacrifice, les conséquences de l’accident de la centrale auraient été bien pires. Pires en Ukraine et en Biélorussie, mais pires aussi dans toute l’Europe, dont la moitié de la population aurait dû être déplacée et dont la moitié de sa superficie n’aurait pu être cultivable. »
Ce que tentent les techniciens de Tepco, l’opérateur de la centrale de Fukushima-Daiichi, est du même ordre. Lundi après-midi, un porte-parole de la firme faisait état de plusieurs blessés parmi les personnes travaillant sur le site. Il est à craindre que d’autres le seront encore, sans parler de tous ceux qui, immanquablement, seront irradiés. Impossible de lire le livre de Kostine sans penser à eux. Impossible de regarder les photos de ceux qui furent chargés de « liquider » – horrible mot – l’accident de Tchernobyl sans avoir une pensée pour tous ces hommes qui, jour et nuit, à Fukushima, tentent l’impossible pour éviter au monde l’une des pires catastrophes de son histoire.
Franck Nouchi (Chronique) Article paru dans l’édition du 16.03.11

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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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