NUCLEAIRE: LA PATATE CHAUDE DE LA POLITIQUE

Via Françoise SIMPÈRE.

En 1977/78, le débat battait son plein sur le nucléaire. Pour la Gueule Ouverte », hebdo écolo, j’avais fait une série d’interviews de responsables politiques qui, de la gauche à la droite, répondait en substance: « On ne peut pas se passer du nucléaire à l’horizon 80, nous avons besoin d’énergie. Mais à l’horizon 2000, on peut envisager que les énergies renouvelables représentent 15 à 20% de nos besoins, et que les économies d’énergie réduisent notablement ces besoins. Alors on pourra réduire, et peut-être même arrêter le nucléaire. »

Nous sommes en 2011, aucune de ces promesses n’a été réalisée. Les politiciens nous demandent de patienter 20 ans… pour passer la patate chaude à leurs successeurs et les laisser se dépêtrer avec une énergie dont chacun sait qu’elle n’est sûre que s’il n’y a aucun imprévu. 1) C’est impossible. 2) pour réduire le risque d’imprévu, le nuclaire implique une surveillance, un quadrillage et un secret sinon Défense au moins d’Etat qui expliquent le slogan des seventies: « Société nucléaire, société policière » (ou sécuritaire) Et tous les articles que j’ai écrit il y a plus de 30 ans restent d’actualité.

En 78, donc, pour le magazine ELLE, j’étais allée passer trois jours à  Fessenheim juste avant qu’un des réacteurs de la centrale ne soit mis en marche. Premier reportage: une nuit sur un pylône occupé par des écologistes, puis j’avais demandé à visiter la centrale. Après un refus, et devant mon objection « Auriez-vous donc des choses à cacher? », on m’avait laissée entrer. De cette visite j’avais fait un papier de quatre pages dont voici quelques extraits (cliquer pour agrandir) :

Doc nucléaire

Par parenthèse, quelle époque bénie du journalisme où lorsque je disais à Daisy de Galard, rédactrice en chef de ELLE: « Je vais enquêter à Fessenheim », elle répondait »Si c’est intéressant, allez-y » et au retour, me demandait si l’article valait un, deux, ou quatre pages. Et si l’on répondait « Aucun intérêt », nulle obligation de rédiger un papier pour rentabiliser le déplacement et les frais. Aucun sujet n’était tabou, de la révolte des viticulteurs à l’avortement en passant par la peine de mort ou ce qu’il y aréellement dans les cosmétiques,, on n’avait pas peur de faire fuir les annonceurs en faisant de bonsreportages… et ELLE vendait chaque semaine 700 000 exemplaires, contre 400 000 aujourd’hui pour cet hebdo devenu essentiellement trendy fashion.

Souvenir qui me revient après avoir posté ce billet:: en me raccompagnant, l’ingénieur qui m’avait guidée me demanda si j’étais parfaitement rassurée sur les mesures de précaution prises dans le nucléaire. « Presque, lui dis-je, mais pas tout à fait, parce que vous avez oublié quelque chose. – Qu’est-ce que j’ai oublié? -Vous ne m’avez pas demandé si j’étais ou non enceinte. Or c’est une question importante, puisque l’accès à l’intérieur d’une zone irradiée est interdit aux femmes enceintes. Rassurez-vous: je ne le suis pas, mais cet oubli montre qu’on a beau faire, l’erreur humaine est toujours possible. »  Onze ans plus tard, l’accident de Tchernobyl, succession de défaillances humaines et de défaillances des systèmes de sécurité le prouvait…

Françoise Simpère

A propos Frédéric Baylot

MÉDITACTION, BANDE DESTINÉE & POLÉTHIQUE « Fer senzill i lleuger, per més serenitat i alegria. » http://frederic.baylot.org/
Cet article, publié dans Débats Idées Points de vue, Energie, est tagué , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.