Sinistres assurances : Comment nous sommes virés

On n’aime jamais trop recevoir un avis de lettre recommandée. C’est rarement une bonne nouvelle. On redoute l’erreur dans ses impôts ou le vieux PV oublié qui va nous coûter trois fois plus cher. On laisse traîner quelques jours l’avis de passage, on finit par se rendre au guichet de La Poste et le premier réflexe est de regarder le nom de l’expéditeur : trois lettres, celles de l’assureur automobile. Un changement de tarif à l’horizon ? Non, il vous vire : contrat résilié et inscription dans le fichier central des assureurs. Sans autre explication. Comment disait-elle déjà, la publicité ? Ah oui, « Zéro tracas, zéro blabla », « le bonheur assuré », avec de jolis dessins de Geluck. Mais que se passe-t-il ?
« Deux sinistres en deux ans dont un responsable », explique l’agent d’assurance. On fouille dans ses souvenirs pour retrouver… une rayure sur un pare-chocs en 2009. « En cinq années d’assurance, un seul sinistre en responsabilité, cela semble peu », tente-t-on d’argumenter. Mais c’est sans compter sur la moulinette de la statistique. « Nous, on ne peut rien faire ; c’est au niveau central, vous êtes passée dans le système informatique, c’est automatique. » Le conseiller, tout sourire il y a cinq ans lorsqu’il vous vendait votre contrat, n’a plus rien à vous dire.
Le « niveau central » est inaccessible par téléphone. C’est pire que les fichus numéros 0800. Il faut écrire au service des réclamations. Mais on vous fait bien comprendre que ce sera peine perdue. Le verdict est simple : vous n’êtes plus un client « rentable ». Pourtant, il n’y a ni accident grave ni cabossage à répétition, juste le quotidien d’un automobiliste qui érafle un pare-chocs et se fait abîmer sa voiture en stationnement. Vérification faite auprès du « service technique », le sinistre de 2009 n’a coûté que des « frais de gestion », la partie adverse n’ayant jamais rien réclamé.
Alors on va se réconforter sur les forums Internet en lisant les coups de gueule de tous ceux qui sont tombés des nues d’être virés par leur assureur, de tous ceux qui pensaient bêtement que la franchise et le malus permettaient aux compagnies d’assurance d’amortir les sinistres. L’assureur est dans son droit. Il peut résilier un contrat – sans en indiquer la raison – en prévenant l’assuré deux mois avant la date d’échéance du contrat par lettre recommandée.
Il a raison, le médiateur de la République : nous vivons dans une société déshumanisée, où ceux qui prennent les décisions sont comme des fantômes, où tout ne dépend plus que de logiciels d’ordinateur. Assurez-vous, c’est obligatoire, mais, surtout, qu’il ne vous arrive rien. Et puis, méfiez-vous des slogans publicitaires !
blanchard@lemonde.fr
Sandrine Blanchard (Chronique « Vie moderne ») Article paru dans Le Monde édition du 31.03.11

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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