Jean-Louis Borloo – La truite et le président

Jean-Louis Borloo occupe une place à part dans le casting politique français : le sympathique ambitieux par intermittence. Le genre de type dont on se dit qu’il fut un bon maire, un bon ministre, mais qu’il est incapable d’accéder à la fonction suprême. « Je ne vais pas nommer Gainsbourg à Matignon ! », aurait dit Nicolas Sarkozy à son propos avant la présidentielle de 2007. « Borloo est un zozo », aurait confié François Fillon à l’un de ses ministres.
Jeudi soir 7 avril, lors de l’émission « A vous de juger » sur France 2, le « zozo » s’est rebiffé. Annonçant qu’il quittait l’UMP et qu’il allait créer « une alliance républicaine, écologiste et radicale », il a précisé que ce nouveau parti avait « vocation à avoir un candidat à la présidentielle ». Avant d’ajouter : « Je suis convaincu que nous allons gagner ! (…) Si j’y vais, c’est pour gagner. »
Sous-entendant qu’il n’était pas convaincu que Nicolas Sarkozy se représente, il a expliqué que « l’UMP allait avoir du mal à être une alternative au PS en 2012 ». En clair, le seul à avoir une chance de battre le candidat socialiste, c’est lui, et non pas Nicolas Sarkozy. Selon Jean-Louis Borloo, « deux lignes politiques » s’affrontent à l’intérieur de l’actuelle majorité : celle de ceux qui ont « peur de l’autre » et celle de ceux qui « n’ont pas peur de l’autre, qui considèrent, au contraire, que l’autre est une extraordinaire richesse ».
Peut-être Jean-Louis Borloo se souvenait-il alors de l’instant où il avait appris la reconduction de François Fillon à Matignon. La scène est rapportée par Franz-Olivier Giesbert dans son savoureux M. le Président. Scènes de la vie politique, 2005-2011 (Flammarion, 288 pages, 19,90 €). Jusqu’au dernier moment, Nicolas Sarkozy avait fait croire à son ministre de l’environnement que rien n’était joué. Quand, enfin, il se décide à lui avouer qu’il gardera Fillon, il propose à Borloo « un grand ministère de l’économie, avec l’emploi, le budget, les technologies, tout ce que tu veux ». Borloo explose : « Vous m’avez tous pris pour un con ! Je suis le couillon du gouvernement ! »
Il est des cicatrices en politique qui, parfois, ne se referment jamais, des humiliations qu’on ne parvient à surmonter qu’en contre-attaquant.
Voilà donc le « zozo » face à Nicolas Sarkozy. Selon Giesbert, il lui aurait dit un jour : « Tu ne pourras jamais changer ta façon de gouverner ! Avec toi, il faut toujours que tout remonte toujours jusqu’à l’Elysée, ça crée des embouteillages dingues, ça retarde les décisions, ça déresponsabilise tout le monde. »
Rien ne dit pourtant qu’il ira jusqu’au bout. Alain Duhamel expliquait jeudi matin sur RTL que Borloo est non seulement « sympathique et souriant », mais également « vif et agile ». « C’est une truite, ajoutait-il. Pour le saisir, il faut vraiment avoir la main agile. » Ce n’est, a priori, pas l’exercice dans lequel Nicolas Sarkozy est le plus malhabile…
Franck Nouchi (Chronique) Article paru dans le Monde édition du 09.04.11

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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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