Conflit d’intérêts : Un préfet mis à la botte de Juppé

Charlie Hebdo du mercredi 20 avril – Laurent Léger

 

Drôle de pays ! Quand on est à la fois ministre et maire, on peut exiger d’avoir « son » préfet à la tête du département, et personne ne dit rien. Les citoyens ne sont-ils pas pourtant en droit d’exiger un Etat impartial ? 
Alain  Juppé, ministre des Affaires étrangères et toujours maire de Bordeaux, a ainsi obtenu le 8 avril que soit nommé préfet de Gironde l’un de ses plus proches conseillers, Patrick Stéphanini.
Ce dernier a beau être préfet de la République, en titre et en règle, il fut aussi un collaborateur zélé, un proche parmi les proches, de Juppé-patron du RPR ou encore de Juppé Premier ministre, de 1995 à 1997. Cette année là, après la dissolution, Alain Juppé laisse sa circonscription, la 18ème de Paris, au même Stéphanini, qui est battu par un socialiste. Pour parfaire le tableau, notre homme a même eu l’insigne honneur d’être condamné aux côtés de son célèbre patron au cours de l’affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris, à douze mois de prison avec recel de prise illégale d’intérêt au tribunal de Nanterre ; une peine ramenée à dix mois un peu plus tard par la cour d’appel de Versailles. Rien à voir, donc, avec un préfet lambda…
 
Et pourtant, Stéphanini entre dans la préfectorale : en 2009, il est nommé préfet du Puy-de-Dôme, puis ce début avril « préfet de Région Aquitaine, préfet de la Gironde ». C’est un conflit d’intérêts éclatant, dégoulinant d’abus de pouvoir.
A quoi va servir ce super-fonctionnaire de la République, droit dans les bottes de Juppé et à sa botte ? Le site France.fr résume son rôle : « Par rapport au Conseil régional, il assure le contrôle de la légalité, avec la même autorité sur les directeurs régionaux qu’un préfet de département sur les directeurs départementaux. Il dispose également d’un pouvoir de direction sur l’ensemble des services régionaux de l’Etat, et assure la coordination nécessaire à la mise en œuvre des politiques nationales, en matière d’aménagement du territoire, de développement économique et social de la région. »
De plus, il a la haute main sur la sécurité, distribue les crédits nationaux et européens, veille à ce que le maquis réglementaire européen soit respecté. Son rôle de représentant de l’Etat face aux collectivités territoriales est majeur.
 
Bref, il fait bon quand on est élu d’avoir son préfet dans la poche. A Bordeaux, Juppé en fera ce qu’il voudra. Si la mairie prend des mesures illégales, ira-t-il l’assigner au tribunal administratif ? Osera t-il même téléphoner à son ancien patron pour lui contester ses pouvoirs ? On peut en douter.
On est même sûr que non. 
 
Qui est Patrick Stéphanini ? (extrait de Wikipédia)
Ancien élève de l’ENA, il en sort en 1979 administrateur civil au ministère de l’Intérieur. Membre du RPR, il devient ensuite chef de cabinet de Robert Pandraud, ministre délégué chargé de la sécurité, avant de prendre en charge la sous-direction des étrangers et de la circulation transfrontière au ministère de l’Intérieur.
Directeur de la campagne présidentielle de Jacques Chirac en 1995, Patrick Stefanini a brigué à plusieurs reprises des mandats électifs, connaissant à chaque fois l’échec.
Il est nommé directeur adjoint du cabinet du Premier ministre Alain Juppé (1995-1997)[1], poste duquel il dirige notamment l’évacuation de l’église Saint-Bernard en 1996, qui se situe dans l’arrondissement où Alain Juppé est élu.
Patrick Stefanini intègre le Conseil d’État en 1998. En mai 2005, il est nommé à la tête du comité interministériel de contrôle de l’immigration. Il est ensuite l’un des artisans de la création en mai 2007 du nouveau ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Il est nommé secrétaire général de ce ministère en janvier 2008 et apparaît comme le principal inspirateur de la politique d’immigration française. Toutefois, sa mésentente avec le nouveau ministre Éric Besson entraîne son départ du ministère où il aurait reclassé « les éléments les plus durs » du service des étrangers de la Préfecture de police de Paris.
Il est nommé préfet de la région Auvergne, préfet du Puy-de-Dôme, par décret du 29 avril 2009, jusqu’au 7 avril 2011 où il est nommé préfet d’Aquitaine, préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest, et préfet de la Gironde.

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