Qui n’a pas pesté contre les  » tapez 1 « ,  » tapez 2 « ,  » dièse  » ou  » étoile  » : Recherche interlocuteur désespérément

Face à l’automatisation croissante des services publics, les usagers réclament des humains au bout de la ligne
Marion Bellecourt part en vacances. Elle appelle la SNCF pour réserver son billet pour Royan (Charente-Maritime). Hélas !, son voyage commence par un serveur vocal. Le 3635 lui répond :  » Bonjour, après le bip, l’appel est facturé 34 centimes la minute, plus un coût depuis un mobile. Le détail des prix est disponible au 3008. La prochaine fois, appuyez sur dièse pour ne pas écouter ce message… «  Comme elle ne connaît pas le mot-clé de son choix, la même voix lui propose de dire  » billet « ,  » trafic «  ou bien  » horaires « 
Ainsi défile à son oreille tout le sommaire, avant qu’elle puisse exprimer son choix. Et là, mauvaise pioche ! Le serveur vocal n’a pas compris. Elle n’a pas parlé assez distinctement. Ou pas assez rapidement. Bref, Marion s’énerve, raccroche, recompose le 3635, se dépêche pour hurler  » billet  » avant que se redéroule le sommaire. Mais, là non plus, aucune fonction  » parler à un être humain  » ne lui est proposée.  » Si les serveurs vocaux sont très énervants, celui de la SNCF fonctionne plutôt bien d’habitude « , s’étonne Marion. Sauf que cette fois elle voyage avec son neveu, détenteur d’une carte jeune. C’est là que ça se complique. De guerre lasse, elle décide d’aller dans une boutique SNCF pour obtenir enfin un interlocuteur et ses billets.
Paris compte une trentaine de boutiques SNCF. Ailleurs, elles se font plus rares. Dans les gares, aussi, les guichets tendent à diminuer. Le vice-président du conseil général de la Gironde, Jean-Jacques Paris, vient ainsi d’alerter la SNCF de la suppression de six guichets en gare de Bordeaux et dans l’agglomération. Ils seront remplacés par… des bornes interactives. Une façon d’informer et d’accueillir le public qui «  ne compense en aucune manière la présence humaine « , déplore l’élu.
La RATP, elle aussi, a multiplié les automates afin d’ » augmenter les points de vente et de limiter les files d’attente « , précise Patricia Delon, directrice du département commercial de la régie, qui note que  » le nombre d’agents n’a pas diminué car des missions nouvelles de conseil et d’assistance leur sont confiées « . Pourtant, à la station Faidherbe-Chaligny (Paris 12e), Joëlle Buret est bloquée devant les deux guichets automates. A l’entrée principale, encore des machines, et personne au guichet  » Informations « .  » Les agents, déchargés de la vente des billets, sont plus mobiles, ils déambulent dans les espaces du métro et assurent une surveillance mais restent à la disposition des usagers ayant un problème avec les machines « , explique-t-on à la RATP.
Ce jour-là, d’autres usagers renseigneront Joëlle sur son itinéraire et l’assisteront pour l’achat d’un billet jusqu’à Versailles (Yvelines).  » Nous tentons d’améliorer la relation homme-machine en éliminant les difficultés résiduelles, notamment – avec – l’acceptation par les automates d’une plus grande diversité de billets.  » Avec 95 % de ses points de vente automatisés, la direction commerciale assure ne pas recevoir de réclamations à ce propos :  » Ils sont désormais devenus banals. «  Pas tant que cela pourtant, puisque Patricia Delon reconnaît qu’il existe  » une demande très forte des usagers pour davantage de personnel physique, avec des vrais gens « .
Qui n’a pas pesté contre les  » tapez 1 « ,  » tapez 2 « ,  » dièse  » ou  » étoile  » des plates-formes d’ERDF, France Télécom, Pôle emploi, du régime social des indépendants, de la CAF, de la Sécurité sociale, des préfectures… ? Jean-Paul Delevoye, * l’ex-médiateur de la République aujourd’hui président du Conseil économique, social et environnemental avait, en septembre 2010, tapé du poing sur la table en dénonçant la  » modernisation  » qui rime avec  » déshumanisation « .  » Oui aux nouvelles technologies, mais à condition de garder la possibilité d’un contact humain, pointe-t-il de nouveau dans le dernier rapport qu’il a remis le 21 mars à Nicolas Sarkozy. L’administration ressemble parfois à une machine à broyer tout ce qui n’entre pas dans les cases prévues. « 
Nathalie Valéro en a fait les frais avec le 3949 de Pôle emploi. N’ayant pas reçu son allocation, elle appelle le serveur vocal, très encombré. Après cinq appels, elle finit par taper à l’aveugle et atterrit par miracle sur une voix humaine au service des recours, où elle finira par apprendre qu’elle est radiée. Son changement d’adresse effectué sur Internet n’avait pas été enregistré. Pour autant, raconte-t-elle,  » l’agent à qui je parlais ne pouvait traiter ma réclamation, il fallait écrire, prendre rendez-vous dans mon agence, cela a duré trois mois « .
Hubert Larney, à la direction de Pôle emploi, tempère :  » On ne tient pas assez compte de la situation d’avant, avec les files d’attente aux portes des ANPE. On oublie que nous traitons 4 millions de dossiers et recevons près de 600 000 appels par jour. Aujourd’hui, notre taux de décrochage d’appel est de 80 %. C’est énorme. «  Mais insuffisant pour les 20 % restants.
Quant aux enquêtes de satisfaction, si  » elles expriment un besoin de personnalisation avec une demande de conseillers en chair et en os, celle d’un contact par mail est également forte « , pointe M. Larney. Les services fiscaux, eux, l’ont compris depuis longtemps, qui indiquent le nom de la personne chargée de votre dossier, son téléphone et son adresse de courriel.
Mélina Gazsi  © Le Monde édition abonnés du 22 mars 2011
  Jean-Paul Delevoye,  lire  ce jour sur le blog le dernier entretien au Monde

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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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