Abus – Témoignages : Certains jours, je travaillais au bureau jusqu’à 5 heures du matin « 

Soixante heures de travail par semaine en moyenne, 70 heures à certaines périodes, avec juste huit jours de réduction du temps de travail (RTT) par an : c’était la vie de Pierre (tous les témoins ont requis l’anonymat), ingénieur dans une société informatique. Sa vie avant qu’il craque et adresse  » une prise d’acte de rupture du contrat de travail «  à son employeur.
Pierre l’a assigné devant le conseil de prud’hommes afin que la rupture lui soit imputée. A l’audience de conciliation, fin juin, il réclamera aussi le paiement d’heures supplémentaires sur cinq ans, soit  » environ 150 000 euros « .  » Il y a eu un plan social et, du coup, la charge de travail a augmenté, explique-t-il. Certains jours, je travaillais au bureau jusqu’à 5 heures du matin. « 
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est le refus de lui rembourser une note de frais.  » J’ai écrit à la direction des ressources humaines pour dénoncer les horaires démentiels, l’absence d’augmentation de salaire et de promotion « , raconte-t-il. Une démarche vaine.  » A un moment, il faut que cela s’arrête « , observe-t-il. Certains de ses collègues sont  » tombés en dépression « .  » Moi, j’ai eu des problèmes avec ma compagne parce que je travaillais régulièrement le soir et le week-end à la maison. «  Pourtant,  » j’aime mon métier « , affirme-t-il.
 » Une question de choix « 
 » Moi aussi, et c’est ça, le pire ! « , lance Michel, cadre dans l’industrie pharmaceutique. Pourtant, il en voit de toutes les couleurs. Il reste douze heures au bureau, puis travaille chez lui le samedi matin et une ou deux heures chaque soir. Sans parler du harcèlement.  » Le directeur nous prend un par un dans un couloir et nous dit : « Il va falloir se sortir les doigts du cul ! » C’est une pression folle pour qu’on augmente notre chiffre d’affaires. «  Certains cadres ne prennent pas leur semaine de RTT car  » l’objectif financier à atteindre sur le mois n’est pas réduit pour autant. Les gens sont crevés, on n’en peut plus. « 
 » C’est une question de choix « , estime François, cadre dans la métallurgie, qui a renoncé à cet engrenage. Il a été technicien, travaillant huit heures par jour, puis manager. Et là, tout a dérivé.  » Je travaillais de 7 heures à 21 heures, je n’ai pas beaucoup vu mes enfants ni ma femme. Par contre, j’ai vu des collègues dépressifs ou partir les uns après les autres. Alors j’ai pris un virage. Je me suis calé sur les horaires de mes techniciens : 8 heures-16 heures. «  Ce virage aura été malgré tout douloureux :  » Ce n’est pas facile de digérer qu’on n’est pas un surhomme. Mais aujourd’hui, j’ai une qualité de vie sensationnelle. « 
Certes, les augmentations de salaire ne sont pas pour lui et il ne manage plus personne. Mais il ne regrette rien.  » On a le droit d’avoir une vie personnelle. Il faut juste faire des choix et les assumer. Le vrai luxe, c’est d’avoir du temps. « 
Francine Aizicovici  paru dans l’édition abonnés le 11 mai 2011 © Le Monde

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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