Le plan du gouvernement pour tuer les affaires politico-financières

Le Canard Enchaîné du mercredi 18 mai 2011-05-19 Hervé Liffran- Dominique Simonnot

 

Gouvernement et Conseil constitutionnel se sont attelés ensemble à une grande et noble tâche : débarrasser le monde politique de l’essentiel des « affaires » politico-financières.  

 

Pour permettre aux élus et hommes d’affaires ripoux d’atteindre ce Nirvana de l’impunité, un petit plan de bataille a été mis au point ces derniers mois. D’abord, donner au Conseil constitutionnel l’occasion de se prononcer sur les règles édictées par la Cour de cassation qui retardent les délais de prescription pour les délits économiques et financiers, réputés spécialement cachés. L’histoire de la QPC* de Chirac doit servir de premier étage pour la fusée.

 

 

Si la Cour de cassation décide de lui poser la question, le Conseil, qui ne fait guère mystère de ses intentions,, a déjà prévu de déclarer inconstitutionnelles les règles actuelles. Comme le confirment au « Canard » plusieurs de ses membres, il devrait profiter de l’ambiance pour demander à Sarkozy et à Fillon, qui n’attendent que ça, de faire adopter par le parlement une loi moins sévère et plus claire.

 

Comme cela tombe bien ! Un projet de loi pour réformer le Code de procédure pénale est fin prêt à la chancellerie. Il suffira au gouvernement d’en extraire les quelques paragraphes qui traitent de la question. Enfin, pour faire taire es grincheux qui risquent de dénoncer une nouvelle auto-amnistie du personnel politique, la majorité tient en réserve un argument en or : « Nous n’y sommes pour rien, nous ne faisons qu’appliquer une décision du Conseil constitutionnel. » Imparable !

 

Sans attendre la QPC Chirac, une première tentative, d’une colossale finesse, a eu lieu à l’automne dernier. Jouant à front renversé, la majorité et le gouvernement ont fait voter, à l’occasion de l’examen de la loi sur la sécurité intérieure (dite « Loppsi 2 »), un amendement qui reprend la jurisprudence de la Cour de cassation. Dans la seule intention de donner au Conseil constitutionnel la possibilité de l’annuler, et avec lui toutes les règles de prescription.

 

Mais le coup a raté. Dans sa séance du 10 mars, le Conseil a bien examiné le passage de la loi. En faisant mine de n’avoir rien vu. Un membre du Conseil confesse les raisons de cette soudaine volte-face : « Le texte portait également sur les délits financiers dont sont victimes les personnes âgées ou les handicapés. C’était trop sensible politiquement d’annuler une telle mesure. Nous avons préféré attendre une autre occasion. »

Même toute cabossée, « l’occasion » Chirac pourrait convenir.

 

 

 

*QPC : Question Prioritaire de Constitutionnalité posée à la Cour juste avant le procès Chirac.

Inutile de quereller le Conseil constitutionnel sur son propre manque d’impartialité. Outre le fait que  Chirac soit un de ses membres, il a lui-même participé à l’élaboration de la loi sur laquelle porte la Question Prioritaire de Constitutionnalité…

Une auto-absolution, avant l’amnistie des délits financiers ? Une tentative de sauvetage de l’ancien président ?

 

« Vous rigolez ? s’amuse un haut magistrat. Tout le monde se fiche bien de Chirac ! La vraie histoire, c’est l’avenir des affaires politico-financières, des délits clandestins, et, en première ligne, l’affaire Karachi …»

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