Un an après, le discours de Grenoble empoisonne toujours la démocratie française

Cela fait un an, presque jour pour jour, que Nicolas Sarkozy a prononcé son discours sur la sécurité et l’immigration, à Grenoble. Et pour Eduardo Rihan Cypel, conseiller régional PS d’Île-de-France et récemment nommé en charge de l’immigration au sein de l’équipe présidentielle de François Hollande, « le poison de Grenoble infuse toujours ».
Sélectionné par le Nouvel Obs et édité par Hélène Decommer
Il y a un an, Nicolas Sarkozy prononçait le discours de Grenoble dans lequel il associait dangereusement immigration et délinquance. Point d’orgue de cette sinistre prestation, le président de la République proposait alors d’étendre les possibilités de déchéance de la nationalité française, créant ainsi deux catégories de Français, l’une de souche et l’autre en sursis.

Une stratégie politique toxique
À l’époque, je dénonçais avec le collectif « Français sans distinction » la marche ininterrompue de la présidence et de la droite républicaine vers l’extrême droite. L’idéologie de Grenoble avait, entre-temps, produit ses effets. L’original – comme toujours – a été préféré à la copie et le Front National a pu transformer l’essai des sondages en succès électoral à l’occasion des élections cantonales de mars 2011. Dans mon département de Seine-et-Marne, le FN était présent au second tour dans 12 cantons sur 23 renouvelables… Du jamais vu sous la Vème République !
 Face à cette stratégie de la division et de la tension permanente, nous avons remporté une première victoire en obligeant le gouvernement à abandonner la principale disposition issue du discours de Grenoble : l’extension de la déchéance de nationalité a été retirée du projet de loi sur l’immigration.
 Le poison de Grenoble infuse toujours
 Cette victoire importante ne doit pas masquer l’essentiel. Nicolas Sarkozy, nous dit-on, aurait depuis changé de posture. Il se « présidentialise », « incarne » la fonction, il prendrait de la « hauteur ». Remarquons au passage que cette volonté de « s’élever » aujourd’hui démontre combien à l’époque le débat frôlait le caniveau. Le Front National ayant remporté le magot électoral, la logique de Grenoble est-elle pour autant abandonnée par le Président et l’UMP ? Certains commentateurs nous expliquent qu’il chercherait à se recentrer en se donnant plus d’envergure. Certes, en bon chef de bande, Nicolas Sarkozy ne veut plus prendre le risque de se mettre en première ligne. Il délègue.
 Aujourd’hui, le commanditaire Sarkozy confie à ses porte-flingues la mission d’exécuter à la lettre la ligne issue de Grenoble. Claude Guéant – en snipper d’élite – et Jean-François Copé – se chargeant du service après-vente en idéologue zélé – continuent de faire exister cette vision démagogique en stigmatisant immigration-délinquance-Islam. Et n’oublions pas les tontons flingueurs de la « Droite populaire » qui, derrière Lionnel Luca, nagent comme poisson dans les eaux troubles de l’idéologie nationalo-réactionnaire. Toujours prompts à brutaliser la France, ils avancent des idées « à droite toute » dans un but électoralo-lucratif. Loin d’être abandonné par la majorité UMP, le poison de Grenoble infuse toujours.
 L’immigration n’est plus « l’impensé » de la gauche
 L’immigration est sans aucun doute une question importante. Elle sera naturellement traitée à l’occasion du débat présidentiel de 2012. À gauche, nous l’aborderons pour ce qu’elle est : une réalité, un besoin et une affaire de solidarité.
 Échec de l’immigration zéro, fiasco de l’immigration choisie : en matière de politique migratoire, c’est plus d’une décennie de défaites de la droite qu’il nous faut corriger. Les socialistes et la gauche aspirent à redresser la France. Et ils auront à le faire aussi en matière d’immigration. Pour cela, nous devons parler « d’immigration réussie » : pour la France et pour ceux qu’on accepte d’accueillir. La droite n’a jamais été capable d’aborder cet enjeu en gardant son sang-froid. Pire encore, elle n’a su que l’instrumentaliser à des fins électoralistes, s’interdisant ainsi tout règlement intelligent et constructif de la question migratoire.
 Les socialistes assument pleinement l’immigration comme une question importante du débat public français. Si nous sommes favorables à une régulation économique, sociale et financière, nous militons également en faveur de la régulation migratoire. Elle est nécessaire, elle est incontournable. L’immigration – au même titre que la sécurité –  n’est plus « l’impensé » de la gauche.
 Ce sont sur ces bases que nous avançons nos propositions, pour la primaire socialiste tout d’abord, à l’occasion de l’élection présidentielle ensuite. Les Français ont-ils ainsi un choix à faire : celui de la responsabilité ou bien celui de la démagogie.
 Eduardo Rihan Cypel
Conseiller régional PS d’Île-de-France, porte-parole du collectif « Français sans distinction », récemment nommé en charge de l’immigration au sein de l’équipe présidentielle de François Hollande
Le discours de Grenoble vidéo

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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