Gémenos (B-du-R) – Thés Lipton : Les employés luttent contre le projet de fermeture de l’anglo-néerlandais Unilever

 A Gémenos, la potion est très amère pour les 182 salariés des thés Lipton

 

l’usine Fralib, le 27 juillet. Cinquante salariés avaient été reclassés à Gémenos après la fermeture du site havrais.
Gémenos (Bouches-du-Rhône) Envoyée spéciale
Les employés du dernier site français de la marque à l’éléphant luttent contre le projet de fermeture de l’anglo-néerlandais Unilever
Non à la fermeture. Unilever est une raclure. «  Les graffitis inscrits sur le mur du poste de garde de l’usine Fralib, à Gémenos (Bouches-du-Rhône), donnent une idée de l’ambiance qui règne dans la filiale du géant anglo-néerlandais où sont conditionnés les thés Lipton et les infusions Eléphant. Dans la cour, le portrait au pochoir de Che Guevara est partout. Tout cela sous l’oeil d’un paisible pachyderme reproduit sur une mosaïque géante, qui porte sur son ventre une devise quelque peu décalée :  » Force et bonté « …
Après la fermeture du site du Havre en 1997, la marque au pachyderme, née il y a 118 ans à Marseille, risque de quitter l’Hexagone alors que 70 % de sa production y est commercialisée. Ce projet a été annoncé aux 182 salariés fin septembre 2010. Un coup de massue : nombre d’entre eux ont plus de 50 ans et beaucoup d’ancienneté.
 » Je suis trop jeune pour partir en retraite, trop vieille pour être recrutée, soupire Marie, 54 ans, trente-sept années d’ancienneté. Et je ne me vois pas quitter la région, où vivent tous mes frères et soeurs.  »  » Face à cet avenir incertain, parfois, on pète les plombs, confie Raymonde, 53 ans, dix-sept années d’ancienneté. Plusieurs d’entre nous sont en dépression. « 
Le choc est particulièrement rude pour la cinquantaine de salariés reclassés à Gémenos après la fermeture du site havrais. Comme Eddy, 44 ans :  » Ma femme a démissionné de son emploi au Havre pour me suivre ici, où nos deux enfants sont nés. «   » On m’a demandé si je voulais aller travailler en Pologne ou en Belgique, explique Joël, 54 ans, trente-cinq ans d’ancienneté, lui aussi ex-Havrais. J’ai refusé. Recommencer tout à zéro, surtout à nos âges… « 
Unilever possède trois autres usines de thés et infusions en Europe (à Bruxelles, à Katowice en Pologne et à Trafford Park au Royaume-Uni). Cette activité  » a perdu, en six ans, 20 % de parts de marché dans les trois zones – France, Italie, pays nordiques – où sont vendues 85 % des productions de Fralib « , affirme le groupe, qui estime être en  » surcapacité de production « .  » Et Gémenos, indique Sophie Jayet, directrice de la communication d’Unilever France, est l’usine la moins rentable et la moins compétitive des quatre. Elle représente 27 % des coûts pour 5,1 % des volumes de production. « 
Une affirmation qui  » n’a aucun sens « , réagit Olivier Leberquier, délégué syndical CGT de Fralib :  » Les sachets qui sortent des trois autres sites n’ont pas le même poids ni la même valorisation sur les marchés que ceux de Gémenos. «  Et puis, dans l’équation de la direction,  » l’élément manquant, c’est la profitabilité réelle de Fralib, qu’Unilever refuse de nous communiquer « .
Depuis 2001, l’entreprise a été, en effet, progressivement dépossédée par Unilever de l’atelier d’aromatisation des infusions, de la commercialisation de ses produits, de l’achat des matières premières, etc., au profit, notamment, d’une société créée en Suisse en 2007, Unilever Supply Chain Company (USCC).  » Nous sommes devenus un façonnier « , déplore M. Leberquier.
Ainsi amputée, Fralib a malgré tout généré un résultat net de 6,7 millions d’euros en 2009 et a pu verser 21,6 millions d’euros de dividendes. En 2010, malgré huit semaines de grève, le résultat net était de 4,3 millions d’euros. Aussi le comité d’entreprise (CE) est-il convaincu que l’usine est  » en réalité rentable, comme le démontre le rapport du cabinet Progexa « , que le conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur a financé, dans le cadre d’un projet alternatif à la fermeture. Il prévoit, en particulier, la reprise de l’usine et de la marque Eléphant pour 1 euro symbolique. Refus de la direction, qui juge ce rapport  » sans fondement « .
Unilever  » a pris l’engagement de retrouver un emploi localement aux 182 salariés « , insiste Mme Jayet. Mais ceux-ci sont dubitatifs.  » On se bat pour maintenir notre usine et nos emplois, martèle Gérard Affagard, représentant de la CGC (cadres) au comité d’entreprise. C’est un département sinistré. «  Selon l’Insee, les Bouches-du-Rhône ont un taux de chômage (provisoire) à 12,1 % au premier trimestre 2011, contre 9,2 % pour la France métropolitaine.
Le 21 juillet, le CE a été débouté par le tribunal de grande instance (TGI) de Marseille de sa demande d’annulation de la procédure d’information et de consultation sur le plan de sauvegarde de l’emploi. Il a fait appel, mais le plan social peut déjà s’appliquer.
La direction a toutefois promis de ne pas envoyer de lettre de licenciement ni de déménager les machines pendant la fermeture estivale de l’usine, jusqu’au 16 août. Mais les salariés restent mobilisés. L’intersyndicale CGT-CGC a programmé des actions chaque mercredi : collage d’affiches en ville appelant au  » boycott de Lipton « , distribution de tracts à la population, etc.
Et l’usine est sous surveillance. En pleine nuit, un local reste éclairé, celui du CE. Marie, Raymonde et Joël forment l’équipe de garde.  » On surveille le site en 3 x 8, au cas où ils auraient la folie de venir enlever nos machines ou nos produits « , dit Raymonde, qui grignote des graines pour calmer ses nerfs. Il y a de la haine. « 
Francine Aizicovici
Edition du 13 août 2011 © Le Monde

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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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