Palais Montmorency, Paris : Comment les Chinois achètent la France

Les Chinois s’intéressent aux « immeubles haussmanniens dans le triangle d’or à Paris ».
Le JDD 14  août 2011
Les nouveaux riches s’offrent appartements de prestige et sièges sociaux, notamment à Paris. Attirés par le prestige et par des perspectives de plus-values.
Un escalier monumental, des cheminées en marbre et des boiseries du XVIIIe siècle… Le palais Montmorency, avenue Foch à Paris, est un défi aux milliardaires de la planète. Son prix de vente, 100 millions d’euros pour 3.100 m², titille leur ego. Qui s’offrira ce bijou construit en 1912 pour la duchesse de Montmorency?
Selon l’agence Daniel Féau, des hommes d’affaires russes et chinois sont sur le coup. Alexandra Li, commerciale au sein du cabinet immobilier John Taylor à Paris, précise : « Les Chinois font des achats raisonnés, la pierre les rassure. Ils cherchent des appartements de prestige pour recevoir leurs relations d’affaires et réaliser une plus-value. »
Cette jeune femme de 37 ans, originaire de Chengdu, dans le centre-ouest du pays, connaît bien les goûts de ces nouveaux riches nés sous le règne de Mao. Trilingue et globe-trotteur, elle pilote sans complexe des clients dont le budget avoisine les 15 millions d’euros. « Ils privilégient des immeubles haussmanniens dans le triangle d’or à Paris, dans les 8e et 16e arrondissements. C’est moins cher qu’à Pékin, où l’on dépasse 12.000 euros au mètre carré pour un bien à l’état brut. »
Pour les questions fiscales, des avocats à la double culture 
Ces Chinois qui posent leurs valises en France apprécient la situation de la capitale en Europe, proche de Londres et de la Suisse, lorsque leurs enfants sont en pension. Ils peuvent aussi facilement prendre l’avion pour l’Afrique, où ils ont investi dans les mines, les routes, les services et l’agriculture. Preuve que ces financiers avisés sont là pour longtemps, ils tentent d’acheter des immeubles entiers afin d’installer leurs sièges sociaux, voire leurs salariés. Une demande inédite pour les agents immobiliers, habitués aux caprices des émirs du Golfe et des oligarques russes.
Bank of China s’est offert à Charenton (Val-de-Marne) un complexe de plusieurs étages pour loger ses employés. Charenton n’est pas une exception, Boulogne-Billancourt ou Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) sont aussi des villes de proche banlieue très recherchées. « Mes compatriotes sont grégaires », décrypte Alexandra Li. « Cela les rassure de se retrouver. Souvent, ils cuisinent ensemble le soir. Il faut savoir que de telles opérations immobilières sont des marques de confiance dans l’économie française. »
Bank of China accroît aussi sa présence
Pour autant, les futurs propriétaires avancent en terrain inconnu, ignorant tout des formalités, taxes et autres obligations légales. Directrice du service Chine au sein du cabinet Ernst & Young, Qingha Xu-Pionchon s’occupe de tout. À la tête d’une équipe de trente jeunes Chinois dotés de la double culture, cette ancienne avocate au barreau de New York règle les questions fiscales et juridiques. « Le droit de propriété privée n’existe pas en Chine. Le droit d’utiliser le foncier dure au maximum soixante-dix ans. Le système de taxe foncière démarre tout juste à Shanghai et à Chongqing. C’est vous dire la différence de culture…« , explique-t-elle.
Plus surprenant encore, l’État chinois interdit aux ressortissants de sortir plus de 50.000 dollars par an et par personne. Pour contourner cette loi, les investisseurs créent des sociétés ou des trusts à Hongkong, à Singapour ou dans les îles Vierges, afin de faire transiter les fonds. 88% des investissements chinois à l’international passent par des sociétés offshore. Pour éviter la pression fiscale, ils installent leur holding foncière aux Pays-Bas, en Belgique ou au Luxembourg.
Ces tractations sont facilitées par l’implantation récente en Europe d’établissements financiers comme Bank of China ou Export-Import Bank. Compte tenu de la formidable croissance de l’empire du Milieu, les Chinois ne devraient pas se contenter de Paris. Ils font déjà leurs emplettes dans le Bordelais (voir encadré ci-dessous). Avec peut-être un œil sur la French Riviera, où un milliardaire se doit d’être propriétaire.

 A la conquête des vignobles

Les hommes d’affaires chinois avancent leurs pions dans le Bordelais. Leurs cibles ne figurent pas encore parmi les appellations les plus prestigieuses, même si ces investisseurs prudents s’en rapprochent au fil des ans. Le conglomérat agroalimentaire Cofco s’est offert en février le château de Viaud, un lalande-de-pomerol.
Le groupe de luxe Tesiro, dont la joaillerie est l’activité principale, avait déjà fait l’acquisition de Château Laulan Ducos, cru bourgeois du Médoc, quelques mois plus tôt. « Dès qu’ils sont en confiance, ils plongent », remarque Hubert de Boüard, vigneron, copropriétaire du grand cru classé Angélus, à Saint-Émilion.
Selon Henri Courau, commercial à l’agence Émile Garcin de Bordeaux, « ces hommes d’affaires sillonnent la région pendant une dizaine de jours à la recherche d’une marque de vin prestigieuse facile à exporter. C’est une question d’image ». L’engouement des Chinois n’est plus une légende pour faire monter les prix, notamment des primeurs. Aujourd’hui, le marché chinois en absorbe une bonne partie. Et la demande est telle que certains sont prêts à racheter des récoltes entières de propriétés. Et pourquoi pas, bientôt, directement les domaines. S.A.
 
 

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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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