Expulsion des Roms : « On applique une stratégie de la nuisance » – « En France, les poubelles sont plus riches »

Pas d’expulsions massives de Roms en France depuis 2010. Mais une situation de plus en plus fragile, selon le collectif Romeurope.
Jamais, sans doute, on n’aura parlé autant des Roms que depuis le 30 juillet 2010. Conséquence des polémiques suscitées par les propos de Nicolas Sarkozy il y a un an. Mais, pour eux, qu’est-ce qui a changé au niveau national ? « Rien », estime le collectif Romeurope, qui ajoute dans son rapport annuel : « Il y a eu une accélération des expulsions en août et septembre 2010 mais, sur l’année, il n’y en a eu ni plus ni moins qu’avant. »
Une population stable
Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, il y a eu 9 500 reconduites à la frontière de Roumains et de Bulgares en 2010. Soit l’équivalent des chiffres de 2009. Et si le ministère de l’Intérieur annonce que « 75 % des camps ont été démantelés », le collectif maintient son estimation de cette population à 15 000 personnes en France. « Ces chiffres sont stables depuis plusieurs années, il n’y a eu ni diminution ni appel d’air, même dans des villes comme Bordeaux où l’on craignait que des initiatives d’insertion comme la Mous n’aient un effet de pompe », certifie le docteur Lanusse-Cazalet, de Médecins du monde.
Trois mois… renouvelables
En d’autres termes, les campements et squats démantelés se sont vraisemblablement reconstitués ailleurs. Un phénomène qui tient au statut particulier des Bulgares et des Roumains qui, en tant que nouveaux adhérents à l’Union européenne, ne disposent que d’une durée de séjour limitée à trois mois en France. Sauf à repasser la frontière et à renouveler un autre séjour de trois mois ! Ce qui est devenu une habitude pour ces migrants.
Si peu d’expulsions massives ont été constatées, le collectif dénonce néanmoins « l’application d’une stratégie de nuisance » à l’échelle du territoire. Ainsi à Pantin, le 19 mai, 450 Roms sont expulsés alors qu’une campagne de vaccination était prévue le lendemain par les médecins dans ce squat où quatre cas de tuberculose avaient été décelés. Les policiers seront photographiés, au cours de leur intervention, munis de masques sanitaires. « Un petit cafouillage », reconnaîtra plus tard le Conseil général, propriétaire du terrain.
L’AME, « une catastrophe »
Pour le docteur Lanusse-Cazalet, toute une batterie de mesures fragilisent un peu plus la situation sanitaire des Roms : « Le fait d’avoir soumis l’accès à l’aide médicale d’État (AME) à une cotisation de 30 euros (la Cour des comptes a récemment dénoncé l’inutilité de cette mesure) a été une catastrophe. Ce ne sont pas les 30 euros qui importent, mais les démarches supplémentaires que cela implique pour des gens qui n’ont pas d’adresse et ne savent pas lire. C’est difficile pour nous d’imaginer qu’on puisse ne pas penser à sa santé. Mais lorsqu’on est dans une situation d’urgence, dans la peur, le problème de la santé devient inexistant. Cela crée des situations extrêmement dangereuses, pour la société entière. »
Rappelons également que les Roms, toujours en tant que citoyens bulgares et roumains, disposent réglementairement d’un accès au travail limité. Des mesures qui devraient être levées en 2013. En attendant, il n’est pas sûr qu’elles soient de nature à freiner la migration des Roms.
Depuis quelques semaines, une phrase circule au sein de la communauté tzigane : « Ici, nous sommes pourchassés comme en Bulgarie. Mais en France, les poubelles sont plus riches. »
Sud-ouest 19 août 2011
 Roms : « En France, les poubelles sont plus riches »
 [PORTFOLIO] Un an après le fameux discours de Nicolas Sarkozy, la situation des Roms en France reste précaire et complexe. Exemple au squat de Thiers-Benauge, le plus grand de Bordeaux.
Dans le squat de Thiers-Benauge, le plus grand de l’agglomération bordelaise, s’entassent des dizaines de familles tziganes. photo laurent theillet
Dans le squat de Thiers-Benauge, le plus grand de Bordeaux, sur la rive droite, on cherche Krazimir, Rom bulgare. « Un parcours typique » pour les habitants des squats bordelais, explique Fanny, une bénévole de l’association Procom, qui milite pour les droits des Roms. Elle jure qu’elle l’a vu ici, il y a une dizaine de jours. Il avait été évacué du squat de Villenave-d’Ornon. Ne sachant où aller, il a débarqué là avec sa famille. Il a construit une cabane de bois et de cartons dans le hangar désaffecté de l’ancienne gare, propriété de la CUB. Auparavant, Krazimir était à Floirac. Un immense bidonville insalubre, démantelé il y a un peu plus d’un an.
On ne trouve pas Krazimir. L’endroit est immense. Une vraie ville dans la ville. Avec ses quartiers. D’abord, des bâtiments. Vétustes. Dans une semi-pénombre, des dizaines de familles s’entassent sur plusieurs étages. Chaque pièce ou couloir est occupé, inégalement amé- nagé. Les odeurs de cuisine mêlées à l’humidité imprègnent les murs. « Quand vous partez, vous êtes sûrs de ne pas retrouver votre place », explique Jivka, une femme d’un certain âge. Dans sa famille, il y a 12 personnes. Ils occupent deux pièces. Les vêtements des enfants, elle les trouve dans les poubelles.
bilan en demi-teinte
12 familles prises en charge à l’issue de la Mous (maîtrise d’œuvre urbaine et sociale) pour les Roms mise en place dans l’agglomération de Bordeaux il y a deux ans : « Un bilan en demi-teinte », reconnaît Alexandra Ciarri, adjointe à la précarité à la mairie de Bordeaux. Mais Thiers Benauge semble faire consensus : « Il n’y aura pas d’expulsion massive du squat. Associations, préfecture, CUB et mairie sont d’accord pour que les personnes qui se mettent hors la loi soient reconduites à la frontière. Néanmoins, dans notre accompagnement, plus de choses doivent être faites. Tous les partenaires sont d’accord pour poursuivre le travail de la Mous en mettant l’accent notamment sur l’accès au travail. Tout tient à la capacité de dialogue entre les partenaires. Nous devons sortir des idées reçues de part et d’autre et nous confronter à la réalité pour intégrer ceux qui le peuvent », poursuit l’élue bordelaise.
Sud Ouest Vendredi 19 août 2011 à 06h00 Par yann saint-sernin  EXTRAIT
 

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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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