LAIT d’BEU – 26 septembre 2011 –
Faisons litière de la stupidité d’un certain nombre de journalistes persistant contre l’évidence à situer François Fillon à « l’aile sociale » de l’UMP lors même que toutes les réformes qu’il a mises en oeuvre depuis 2007 (en n’ayant garde d’oublier la calamiteuse réforme des retraites de 2003 qui porte son nom) tout autant que ses déclarations prouvent qu’il est dans le camp de la droite la plus dure et réactionnaire : antisociale jusqu’à la moelle.
La dernière réforme des retraites à peine votée – en dépit de l’hostilité d’une grande majorité des Français (plus de 60 %) et de nombreuses manifestations d’envergure entre juin et octobre 2010 mais telle est l’indélébile marque du sarkozysme : vous n’en voulez pas ? On vous l’impose sans discussion possible – il envisage désormais de faire passer l’âge légal de départ en retraite à 67 ans, visant un âge de retraite commun entre la France et l’Allemagne (Figaro, 22 sept. 2011).
Il feint d’oublier une vérité dérangeante : à savoir qu’en ayant également élevé le nombre de trimestres nécessaires pour valider la retraite à 66 ans, elle est déjà repoussée jusqu’à 67 ans pour grand nombre de personnes qui présentent des interruptions dans leur carrière, notamment les femmes qui ont arrêté de travailler plusieurs années pour élever des enfants et grand nombre de travailleurs précaires ou de personnes exclues du monde du travail pour diverses raisons.
Autre vérité dérangeante : nous lisons de façon récurrente que les entreprises ne veulent pas des vieux ! qu’on les appelât aujourd’hui « seniors » ne change pas plus la problématique que de nommer les femmes et hommes de ménage « techniciens de surface ». Novlang… Ils font tout pour s’en débarrasser. Certaines renouent d’ailleurs avec la pratique des pré-retraites qui fut stupidement abandonnée et mise au pilori.
C’est bien évidemment stupide sur les plans économique, social et humain. Mieux vaut en effet être pré-retraité avec des revenus convenables que chômeur voire en fin de droits ou touchant le RMA. Parce qu’être retraité à 60 ans ou pré-retraité plus jeune ne signifie nullement la fin d’une vie « active ». Leur temps libre n’est nullement une charge pour la société, bien au contraire : ils sont utiles à l’économie.
Il est en effet prouvé depuis belle heurette que les personnes partant à la retraite à 60 ans, voire plus tôt pour certains, voyageront certainement plus, si elles en ont les moyens, qu’à 66 ou 67 ans surtout si de surcroît elles atteignent l’âge légal encore plus sur les rotules ! Leurs loisirs – transports, hôtels et restaurants, musées, etc. – sont donc tout à fait bénéfiques à l’économie d’autant qu’ils partent le plus souvent en saison creuse. Par ailleurs, l’on sait très bien que de nombreuses associations de toute nature – dont beaucoup rendent d’inestimables services à la société – ne pourraient fonctionner sans les retraités bénévoles qui s’y investissent en grand nombre. Y seront-ils aussi disposés après 67 ans ?
C’est surtout encore plus aberrant quand le nombre de chômeurs vient de dépasser les 4 millions, toutes catégories confondues et qu’il y a peu d’espoir de voir la tendance s’inverser de manière durable, bien au contraire. Depuis 1985, le taux de chômage n’est jamais retombée en dessous de la barre de 8 %.
Mais baste ! Peu leur chaut en effet, qu’il y ait en France 8,2 millions de personnes pauvres (13,5 % de la population) vivant de revenus au-dessous du seuil de pauvreté (954 € par mois) et que l’Insee en expliquât la progression par celle du chômage. Et encore, s‘agit-il des chiffres de 2009 car le rapport annuel porte toujours sur les données de l’année N-2. Nul doute qu’ils n’aient encore augmenté depuis, comme en témoignent toutes les associations caritatives qui apportent leur aide aux plus démunis : le nombre de bénéficiaires et surtout de demandeurs – leurs moyens deviennent dramatiquement insuffisants pour répondre à toutes les demandes – est en hausse constante et touche désormais des personnes qui n’en avaient pas besoin auparavant : retraités au revenus modestes, salariés pauvres voire cadres au chômage.
Vous y ajoutez une belle petite saloperie de derrière les fagots, parue dans le Monde du 23 sept. 2009 et qui m’a fait grimper aux rideaux (que je n’ai pas) avant-hier quand j’en pris connaissance Les précaires, cœur de cible de la réforme des indemnités maladie. Il s’agit d’un nouveau mode de calcul des indemnités journalières pour maladie et accident du travail qui a été présenté le 22 septembre dans le budget de la Sécurité sociale.
Il consiste à calculer les indemnités non plus sur le salaire brut – avant cotisations sociales – mais sur le salaire net. Sachant que grosso modo les cotisations représentent 20 %, la perte est loin d’être négligeable. Ce qui, note Le Monde «va se traduire par une perte pour un certain nombre de salariés et notamment les plus jeunes et les plus précaires».
La raison en est bien simple : dans la plupart des entreprises, du fait de la «mensualisation» qu’elle soit issue de la loi ou d’accords paritaires nationaux par secteurs d’activités, les salariés bénéficient du maintien intégral de leur salaire – y compris pendant la période dite de «carence» les premiers jours – ou partiel dans un second temps s’il s’agit d’un arrêt de longue durée. Ces dispositions sont fonction de leur ancienneté dans l’entreprise. Il faut en général un an de présence pour y avoir droit et la durée de la prise en charge par l‘employeur augmente le plus souvent par tranches de 5 ans.
Il est donc évident que les salariés précaires embauchés pour des contrats de courte durée sont les premiers pénalisés puisqu’ils auront rarement un temps de présence suffisant dans l’entreprise pour y prétendre. Les jeunes cumuleront tous les désavantages : très nombreux à enchaîner les emplois précaires, s’ils ont le malheur – même en étant embauchés en CDI – de tomber malade ou d’être accidentés la première année, ils y perdront beaucoup (rappelons que les indemnités journalières ne représentent que 50 % du salaire (60 % en accident du travail).
C’est d’autant plus rageant qu’il fut envisagé – sinon promis ! – il n’y a pas si longtemps et pour tenir compte précisément de la précarité de l’emploi, des licenciements économiques et toutes causes provoquant une rupture dans un cursus professionnel, de mettre en œuvre la notion de «parcours professionnel» : les droits ne seraient plus fonction de l’ancienneté dans l’entreprise ou de la nature du contrat de travail (CDI, CDD, contrats d’intérim, etc.) mais attachés au salarié. Même en ayant quitté une entreprise, il les conserverait intuitu personae. Cela se passe ainsi dans d’autres pays de l’Union européenne : la France est toujours le mauvais élève s’agissant des droits des salariés.
Mais pourquoi voudriez-vous que les Sarkozy, Fillon & consorts se préoccupassent des « salauds de pauvres » autrement que pour les tondre un peu plus rasibus ? Du moment que leurs amis multimilliar-daires du COUAC-40 s’en missent plein les fouilles : je délocalise, je gagne plus.
Pour le reste, Fillon reste – prudemment – dans le flou (même pas artistique) affirmant «qu’il n’y aurait pas de nouvelle réforme dans les prochains mois»… A moins d’être complètement con et compte tenu de l’exaspération croissante des Français – on peut même parler de «détestation» s’agissant de Sarkozy – il ne faut pas être grand clerc pour savoir – à moins de 8 mois de l’élection présidentielle dont le résultat est pour l’heure des plus incertain – que Nicolas Sarkozy a dû mettre dans sa poche (et son mouchoir par-dessus) toutes les ambitions réformatrices qu’il pouvait encore nourrir.
Espérons que Sarkozy sera battu en 2012 car ses partisans sont tellement stupides qu’ils ne savent même pas cacher leur ambitieux programme pour l’après-2012 ! Ils parlent d’organiser – dans les premiers mois du prochain quinquennat… c’est dire s’ils n’envisagent pas un instant que leur champion fût mis KO debout – des «Assises de la nouvelle démocratie sociale»… Nouvelle ? Nous ne connaissons que trop leur conception de la démocratie sociale : ils imposent leurs réformes aux syndicats sans discussion possible, voire passent outre les accords difficilement trouvés avec le Medef. François Fillon qui prétend faire converger les dispositions sociales françaises et allemandes devrait bien plutôt s’inspirer de l’exemple allemand en matière d’accords entre les syndicats (puissants) et les entreprises. Les grèves sont relativement rares et je ne pense pas qu’il viendrait à l’esprit du pouvoir politique de rendre leurs accords caduques par le fait d’une loi.
-
L’UMP entend donc démanteler non seulement les 35 heures (France-soir 2 juillet 2011) comme le souhaite Hervé Novelli, secrétaire général adjoint de l’Elysée (et ancien militant d’extrême droite comme de nombreux amis de jeunesse de Nicolas Sarkozy) mais également en finir avec la durée légale du travail fin 2015 (Les Echos 5 juillet 2011) ce qui constituerait comme le soulignait l’Humanité le 5 juin 2011 une dérégulation complète du temps de travail ;
-
augmenter la TVA de deux points en ajoutant de surcroît une TVA dite sans doute par sens de l’antiphrase ! «sociale»… Ce qui équivaudrait à porter le niveau de la TVA à 23,6 % (soit une hausse de 4 points !). Voilà qui devrait incontestablement améliorer le pouvoir d’achat de la grande majorité des Français, déjà plus qu’à la peine. Décidément, ils sont totalement dépourvus du simple bon sens en matière économique ! Rappelons à cet égard qu’en 1995 Jacques Chirac avait également augmenté la TVA de 2 points (de 18,6 % à 20,6 %) et que cela ne contribua sans doute pas pour rien au marasme économique. Le gouvernement Jospin l’abaissa le 1er avril 2000 à 19,6 %. Pourquoi si tard alors que l’embellie écono-mique était déjà en déclin après le krach de la nouvelle économie ? Mystère et boule de gomme
-
Incontestablement c’est à Bruno Le Maire que l’on doit attribuer la palme de la proposition la plus réac : rien moins que la quasi suppression de l’indemnisation du chômage (L’Expansion 31 août 2011) . Il estime que le redressement des finances publiques «suppose des décisions courageuses» et qu’il faut «rompre avec cette habitude qui fait reposer l’action politique sur de la dépense supplémentaire» … On croirait entendre Hervé Gaymard – alors tout nouveau ministre du Budget – oser affirmer que les Français devaient se «désintoxiquer de la dépense publique» juste avant (début 2005) que nous apprenions qu’il s’était vu octroyer comme logement de fonction – alors qu’il disposait d’un appartement à Paris mais l’avait loué ! – un immense triplex de luxe dans lequel il avait exécuter de dispendieux travaux d’aménagement, tout cela bien évidemment aux frais de la princesse…