Subventionner l’emploi non qualifié, une addiction française

Alternatives Economiques – 29 septembre 2011 – Bernard Gazier

Le plan de rigueur de septembre 2011 a été l’occasion d’une chasse aux niches fiscales et sociales. Afin d’arriver à 11 milliards d’économies, le gouvernement a rogné une série d’avantages fiscaux et sociaux identifiés comme peu légitimes et socialement peu utiles. Renforcé par un rapport de l’Inspection des finances paru à la fin du mois d’août, un consensus apparent s’est en revanche confirmé en faveur des exonérations de charges sur les bas salaires : il ne faudrait pas les remettre en cause, même si leur coût (près de 22 milliards d’euros) est très élevé.

C’est qu’elles bénéficient à 10,5 millions de salariés et à 1,6 million d’employeurs, et sont souvent présentées comme la contrepartie inévitable du niveau élevé du Smic, voire des surcoûts et des rigidités imputés aux 35 heures. Les estimations économétriques suggèrent qu’elles sauvent 800 000 emplois non qualifiés. Elles seraient donc efficaces autant que légitimes.

Il faut pourtant souligner que cette coûteuse exception française, quelle qu’en soit l’efficacité apparente, est porteuse d’un effet pervers majeur et durable. Elle consolide un vaste secteur de salariés peu qualifiés et au total mal payés, au point qu’on a aussi créé pour eux la prime pour l’emploi : autrement dit, l’Etat paie les entreprises pour qu’elles conservent en emploi des salariés qu’il faut eux aussi payer par ailleurs pour qu’ils soient incités à rester dans ces emplois !

Ces interventions ne devraient se comprendre que comme temporaires, associées à des dispositifs poussant vers une formation intensive une bonne partie de ces travailleurs. Faute de cet effort supplémentaire, on enferme ces salariés dans le secteur des emplois peu qualifiés. Il ne s’agit pas de renoncer à aider ces travailleurs, mais bien au contraire de leur donner les moyens de changer de catégorie, accompagnant ainsi la montée en gamme des qualifications dont notre pays a un besoin crucial.

Si donc on garde ces subventions, ce qui paraît inévitable à court terme, il faut les conditionner à des actions massives de requalification. Par-delà la tourmente de l’été et de l’automne 2011, la conjoncture y est favorable, car de nombreux travailleurs qualifiés vont partir à la retraite et doivent être remplacés. A défaut, d’ici quelques années, le pays sera contraint d’avoir recours de façon massive à l’immigration de travailleurs qualifiés, ce qui serait un comble.

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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