Sécheresse catastrophique – Opération carottes : Le surcoût sur les exploitations est de l’ordre de « 200 euros par unité de bétail »

Sud Ouest 17 octobre 2011

Faute de foin, les vaches au régime carottes

L’herbe manquant, les bovins de Dordogne mangent les surplus de carottes de la Haute Lande, soit 2 000 tonnes depuis plusieurs mois. Exemple à Nantheuil
Dans le secteur de Thiviers (Dordogne), les vaches ont appris à apprécier leur nouveau menu. Photo J. R.
«On se demandait comment elles allaient réagir. Elles ont réfléchi une journée et, depuis, elles en raffolent ! » Jacques Bregeras et Guy Favard, éleveurs de limousines à Nantheuil et Chaleix, dans le nord de la Dordogne, n’en reviennent pas de voir leurs vaches se régaler de carottes, une nourriture très inhabituelle pour elles.
Mais, loin de l’esquisse d’une révolution dans l’alimentation des bovins, il ne s’agit que d’un pis-aller. Car cette année le Périgord vert n’a jamais aussi peu mérité son nom. Paradis de l’élevage à l’herbe en temps ordinaires, ses prairies, qui ont enchaîné une sécheresse d’hiver et une sécheresse de printemps, n’offrent plus aujourd’hui qu’un visage pelé où la terre affleure.
Des écarts de tri
Comme d’autres éleveurs dont les stocks de fourrage sont au niveau zéro depuis belle lurette, Jacques Bregeras et Guy Favard se sont organisés pour assurer la subsistance de leurs troupeaux jusqu’à la sortie de l’hiver prochain. Les carottes y participent. Elles proviennent du sud de la Gironde et des Landes, où se concentre 55 % de la production nationale. Il s’agit d’« écarts de tri », c’est-à-dire de carottes non conformes à une commercialisation en produit frais.
« J’avais entendu parler des soucis des éleveurs lors d’une réunion sécheresse au Conseil régional », raconte Vincent Schieber, producteur à Saint-Jean-d’Illac (33). Il s’en était ouvert auprès de ses confrères, et une grosse opération de solidarité a pu être mise sur pied. Ainsi, en plusieurs mois, 1 952 tonnes d’écarts de tri de carottes (chiffre arrêté à fin septembre) ont quitté la Haute Lande à destination du Périgord. À grand renfort de poids lourds de 25 tonnes, semaine après semaine : « Nous fournissons gratuitement les carottes, les éleveurs payent le transport », précise Vincent Schieber.
130 semi-remorques
Selon Jacques Bregeras et Guy Favard, c’est « son appétence, son côté sucré » qui fait le succès de la carotte auprès des vaches. Pas sa valeur nutritive, car le légume est essentiellement composé d’eau. Cela reste néanmoins un « complément de ration utile ». En fait, l’essentiel de la nourriture est fourni par la paille que Jacques Bregeras était allé chercher en juillet à Beaugency, dans le Loiret : 1 700 tonnes pour lui et 26 autres éleveurs du secteur de Thiviers (24). Une véritable expédition : « Je suis resté là-haut pendant un mois pour faire en sorte que tout se passe bien. » Quelque 130 semi-remorques furent nécessaires pour rapatrier un tel volume !
Si l’on ajoute les compléments alimentaires, les deux éleveurs estiment que le surcoût de la sécheresse sur leurs exploitations est de l’ordre de « 200 euros par unité de bétail », sachant que leurs troupeaux se situent autour de la centaine de vaches mères. Une charge importante. Mais ils ne baissent pas les bras, tout en étant soucieux de l’avenir : « On est couverts jusqu’à mars, et je n’envisage pas, à ce stade, de vendre prématurément des bêtes », explique Jacques Bregeras. « Mais il est certain qu’on ne tiendra pas une année de plus à ce régime de sécheresse-là. » D’autant que les ruisseaux sont à sec et que, dans certains cas, c’est à l’eau potable que l’on abreuve les vaches. Elles en boivent plusieurs dizaines de litres par jour. Bonjour la facture !
L’opération carottes illustre l’ampleur des conséquences de la sécheresse dans certains départements comme la Dordogne, le plus touché dans la région avec la Charente et la Charente-Maritime. Elle illustre aussi la solidarité qui s’exerce entre agriculteurs. Les exemples ne manquent pas.
Don landais pour la Corrèze
Ainsi 1 200 hectares sont-ils mis à disposition de 150 éleveurs corréziens par 34 producteurs de maïs du Sud-Gironde et des Landes. « Après la récolte de maïs doux, au début du mois d’août, ces hectares ont été semés de ray-grass, une graminée fourragère qui sera récoltée à la fin du mois d’octobre », explique Damien Chaumette, qui suit le dossier à la Chambre d’agriculture des Landes. Environ 3 000 tonnes de fourrage sont attendues, qui permettront de contribuer à la nourriture de 5 000 vaches pendant six mois. Il sera gratuit pour les éleveurs, à charge pour eux de le récolter et le transporter.
Cette action en faveur des éleveurs corréziens est en fait un « remerciement ». Elle trouve sa source dans un autre événement climatique, la tempête Klaus de janvier 2009. « Les Corréziens avaient dépanné les Landais en groupes électrogènes. C’est un juste retour des choses », commente Dominique Graciet président de la Chambre d’agriculture des Landes et de la Chambre régionale d’Aquitaine.
Actuellement en cours, l’opération « don de maïs sec », sous l’égide des FDSEA des Landes, Pyrénées-Atlantiques et Gers, en faveur des éleveurs de Dordogne et de Poitou-Charentes, renvoie elle aussi à Klaus. « C’est un rendu », confirme Gérard Mutolo, directeur de la FRSEA d’Aquitaine, qui avait, à l’époque, participé aux convoyages de matériel depuis les Charentes et les Deux-Sèvres.
Un autre événement se prépare : l’acheminement, début novembre, de 200 tonnes de paille depuis le Lot-et-Garonne jusqu’en Dordogne. Elle sera transportée dans des remorques tirées par des tracteurs. La ronde est prévue pour durer trente-six heures…
  

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
Cet article, publié dans animaux, Solidarité, est tagué , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.