L’Abeille : monnaie locale complémentaire à l’euro

France Info 22 décembre 2011 – Philippe Poulenard
Le phénomène des monnaies locales est en plein « boum » ces dernières années. Disparues dans les années 50, elles fleurissent dans de nombreuses régions et villes. On en compte aujourd’hui une dizaine. Dopées par les inquiétudes nées de la crise financière de 2008, ces monnaies complémentaires veulent développer le commerce local et revenir à l’origine même de la monnaie : l’échange de biens et services sans spéculation. La pionnière de ces monnaies se nomme « l’Abeille ». Elle existe depuis bientôt deux ans à Villeneuve-sur-Lot dans le Lot-et-Garonne.
 
Des Abeilles, monnaie locale de Villeneuve-sur-Lot  
Comme Toutes les semaines, Gérard fait son marché bio aux halles de Villeneuve, mais au moment de payer, il sort de drôles de billets : des abeilles.
« Pourquoi ce choix ? Parce qu’il est grand temps de trouver des formules pour sortir de cette emprise colossale et immense du système bancaire et de pouvoir privilégier des producteurs locaux, un commerce local. » Développer l’économie locale, c’est la première raison d’être de l’Abeille, monnaie complémentaire.
Marie-Line vend des tisanes bio : « Quand vous avez dix abeilles, vous les dépensez chez les autres, ceux qui fonctionnent aussi avec l’abeille. Vous voyez qu’ici, sur le marché bio, tous les gens achètent les uns chez les autres alors que sur d’autres marchés ce n’est pas du tout le cas. Vous avez des billets de Monopoly et une envie d’aller les utiliser chez le voisin. »
L’apparence d’un jeu, mais derrière cela une vraie philosophie, donner ou redonner du sens aux échanges. Françoise Lenoble, présidente de l’association Agir pour le vivant, à l’origine de cette monnaie locale. «  Nous voulons redynamiser un commerce local, mais un commerce local cohérent, c’est-à-dire qui respecte l’environnement, la nature, l’humain. On le dit de plus en plus, il faut remettre l’humain au centre de nos activités, de nos échanges. Mais pas n’importe quel commerce. Par exemple, on ne donnera pas l’agrément à un fabricant de pesticides. » L’association imprime les billets de 1,2,5,10 et 20 abeilles. Tous sont dessinés par un peintre du coin. Le taux de change est fixé à un euro pour une abeille. Les euros récupérés sont placés au Crédit Coopératif et servent de fonds de garantie. La monnaie est non spéculative, elle est dévaluée deux fois par an.
Parmi la cinquantaine de commerçants membres du réseau on trouve beaucoup de militants, pas forcément anti-euros, mais tous opposés au dérives de la finance comme Karina, productrice de légumes : « L’argent, originellement a pour fonction de faciliter les échanges et maintenant c’est devenu un but en soi. Ce n’est pas bien et l’Abeille ne peut pas avoir un but en soi, car c’est une fonction d’échange. Donc si l’euro garde cette fonction là, non spéculative, moi je veux bien garder l’euro. »  Son voisin qui vend du pain d’épices et du miel va plus loin. Il voit dans ce système local une alternative possible en cas d’éclatement de la zone euro. « On voit que l’on arrive en crise, puisqu’on nous le dit tous les jours, on doit donc y être. Le jour où on en aura besoin de développer autre chose, on aura la facilité de le faire rapidement, on est déjà en place. »
En tous cas, signe de ces temps de crise, après avoir disparu dans les années cinquante, les monnaies locales font un retour en force en France. On en compte actuellement une dizaine : à Toulouse, dans la Drôme, l’Ardèche ou le Vaucluse et des projets existent à Chambéry, Brest ou Nantes.  

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