Le gendarme de l’atome laisse pourrir les centrales

Charlie Hebdo– mercredi 28 décembre 2011 – Ben Cramer
Obsédée par la lutte contre le terrorisme et la prolifération nucléaire, l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) a laissé de côté la sécurité des centrales nucléaires.
 Neuf mois après Fukushima, l’AIEA est entrée dans une zone de turbulences. Non, ce n’est pas parce que des militants de Greenpeace sont parvenus à s’introduire dans les enceintes de l’Interpol du nucléaire. Le scandale qui frappe l’organisation vient de l’intérieur. D’un homme, et pas n’importe lequel : Yukiya Amano, directeur général depuis 2009. Amano a tout entrepris pour faire plaisir à ses parrains américains en se montrant implacable à l‘égard de l’Iran ou de la Syrie, mais, ce faisant, il a zappé le seul domaine où on l’attendait : la sûreté nucléaire.
En effet, plutôt que de mettre ses fins limiers – 3 200 fonctionnaires, inspecteurs compris – au service de la sûreté nucléaire, l’AIEA a préféré se vouer au combat contre le terrorisme. La sûreté nucléaire figure pourtant parmi ses priorités. Mais l’AIEA ne dépense que 8,9% de son budget de 352 millions d’euros à sécuriser les 450 réacteurs nucléaires en fonctionnement de par le monde, afin de nous éviter, autant que faire se peut, accidents et catastrophes. En 2010, première année du mandat d’Amano, les dépenses relatives à l’antiterrorisme nucléaire ont grimpé trois fois plus vite que celles consacrées à la sûreté.
L’AIEA a consacré la moitié de son budget à tenter de restreindre l’usage des matières nucléaires à des fins militaires et à traquer les éventuels délinquants de l’atome, soupçonnés de détourner ces atomes de la paix en atomes pour la guerre. Noble tâche, certes, mais qui a surtout eu pour impact de priver l’Agence de ressources essentielles pour certains travaux indispensables, comme de colmater les brèches dans la sécurité des réacteurs. Cela explique notamment pourquoi, pendant la catastrophe de Fukushima, l’AIEA a été en dessous de tout et s’est contentée de relayer les communiqués rassurants de Tokyo…
Quant à la gestion de l’après-Fukushima, elle ne présage rien de rassurant. Les fusions du cœur des réacteurs ont déjà dispersé plus de radiations au-dessus du Japon que les bombes d’Hiroshima et de Nagasaki combinées, selon l’ingénieur nucléaire Arnie Gundersen, qui a fait cette déclaration devant la très officielle NRC aux Etats-Unis.
 A Fukushima, n n’a rien vu, rien entendu
Depuis sa création en 1957, l’AIEA a toujours cherché à ménager la chèvre et le chou, les instances de régulation et les promoteurs de l’atome. Ca ne pouvait que coincer un jour. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé avec le Japon, puisque l’AIEA n’a pas trouvé insolite que les questions de sécurité nucléaires au pays du soleil levant soient gérées par le ministère de l’Economie, de Commerce extérieur et de l’Industrie… Glyn Davies, l’ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’AIEA, a lui-même estimé que l’ex-patron du département de la sûreté de l’Agence, le japonais Tomihiro Taniguchi – qui a sévi pendant dix ans -, avait sa part de responsabilité dans les failles qui ont conduit au désastre de Fukushima.
Ces accusations vont-elles faire changer els choses ? En tout cas, c’est un Français – Denis Flory -, qui assure depuis juin 2010  la lourde charge de chef du département sûreté et sécurité nucléaire. Et comme chacun la vu avec l’équipée de Greenpeace dans la centrale de Nogent-sur-Seine, nos réacteurs sont les plus sécurisés du monde.

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