« L’argent de l’Etat, un député mène l’enquête » ou le train de vie du gouvernement expliqué aux nuls

 Siné mensuel N° 5 du 5 janvier 2012

Date de parution 02/02/2012 – Editions du Seuil 300 pages – 19.5 € TTC

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Les bons comptes font les bons ennemis
113 millions par an pour le budget de l’Elysée ; 450 000 euros – par déplacement – pour l’escorte policière de Sarkozy ; 259 millions pour l’avion présidentiel au lieu des 179 millions prévus ; 5 millions partis dans la poche des intermédiaires le jour de l’achat ; 75 000 euros pour l’équipement de deux fours à grillades ; 1 million d’euros pour une porte isolant la partie privée du reste du cockpit ; 17 millions d’euros par an le coût d’un ministre (Ce gouvernement compte 34 membres dont le Premier ministre); 1,5 milliard d’euros le coût des élus locaux…
Epinglant avec méthode les budgets de l’Elysée, de Matignon, des cabinets ministériels et des collectivités locales, dénonçant l’augmentation de leurs dépenses, réclamant la fin de leur opacité, René Dosière, député de l’Aisne, apparenté PS, nous livre en avant-première les chiffres qu’il publie en février dans son livre « L’argent de l’Etat, un député mène l’enquête ».
René Dosière : Comme je m’intéresse aux comptes des collectivités locales, je lis chaque été le rapport de la Cour des comptes, traditionnellement publié en juillet et portant sur les dépenses de l’année précédente. A l’été 2001, je tombe par hasard sur la page concernant l’Elysée. Avec stupéfaction, j’y découvre qu’en 2000 était dépensé le double de la dotation annuelle allouée par l’assemblée nationale et que cela n’étonnait pas les magistrats de la Cour puisqu’il était acquis que l’Elysée pouvait dépenser sans compter et sans tenir aucune comptabilité. J’ai commencé un travail systématique d’investigation, d’abord sur l’Elysée, puis sur Matignon, les cabinets ministériels. A force de harcèlement, j’ai fini par obtenir que les dépenses, y compris celles payées par divers ministères pour la présidence, soient cumulées. Du coup, les dépenses réelles de l’Elysée sont passées de 32 millions à 113 millions. Certaines dépenses sont pourtant encore payées par les budgets ministériels de la Culture et de l’Intérieur.
La Cour des comptes peut désormais analyser comment sont répartis les fonds. Il existe cependant quelques zones d’ombre sur le détail des dépenses. Elle s’est aperçue, par exemple, que les voyages à l’étranger étaient très mal gérés. N’importe qui accompagnait le Président, partait en mission, etc. Ces dépenses ont été réduites de 30% et désormais il faut l’autorisation du directeur de cabinet pour voyager.
Le coût des déplacements du candidat Sarkozy
Il n’est pas officiellement en campagne, donc c’est l’Elysée qui paye les déplacements. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est chargée de comptabiliser les dépenses faites par tous les candidats et leurs soutiens. Même quand il sera officiellement en campagne, Sarkozy continuera ses déplacements en tant que président. Selon moi, la protestation du PS a peu de chances d’aboutir car toutes ces dépenses seront validées comme des dépenses du président et non du candidat. Il y a un défaut dans la législation qu’il faudrait corriger.
Le coût de son escorte policière
A raison de deux ou trois déplacements par semaine, Sarkozy mobilise un nombre invraisemblable de policiers. Le ministère de l’Intérieur refuse de répondre à mes questions, mais on sait que chaque voyage mobilise près de 1 000 policiers et gendarmes, soit, compte tenu des récupérations et congés, un coût moyen de 450 000 euros par déplacement, et pendant ce temps-là, ils ne s’occupent pas de la délinquance.
Le vrai coût de l’avion présidentiel
L’armée a officiellement parlé d’un budget de 179 millions d’euros. Mais en réalité, si on ajoute l’achat de nouveaux moteurs et l’aménagement intérieur, il a coûté 259 millions d’euros selon la Cour des comptes. Le président, pressé, ne voulait pas attendre un avion quasiment neuf. La Défense, chargée d’acheter l’avion, lance un appel d’offres auquel répond immédiatement la Sabena Technics. L’avion finalement trouvé appartenait à ILFC, une compagnie américaine de location d’avions qui le vend pour 45 millions HT à une de ses filiales. Laquelle le revend pour 48 millions à Sabena Technics qui le revend à la DGA pout 50 millions. Chaque intermédiaire y a trouvé son intérêt, sauf le contribuable français qui a perdu 5 millions dans la journée. Puis les caprices présidentiels ont fait grimper la note. Sarkozy a fait installer une fermeture automatique de tous les hublots qui a été très chère à concevoir. Comme le président aime les grillades, son cabinet militaire à demandé à l’armée d’installer deux fours à griller qui ont coûté 75 000 euros et 300 000 euros supplémentaires d’études pour les installer en toute sécurité, selon les normes requises par l’aviation. Pour isoler du bruit sa partie privée, il s’est fait installer une porte à 1 million d’euros. Ils ont également dû changer les moteurs car il y avait un risque – très minime – de panne, mais Sarkozy ne voulait en aucun cas être privé de SON avion et devoir en prendre un autre.
Les chiffres comme arme politique ou l’exemple de Gaston Flosse
En analysant le budget de la Polynésie, je me suis demandé si je n’étais pas victime d’une hallucination et si je ne le confondais pas avec celui de la présidence française. Ici, on laissait tout faire. Gaston Flosse avait un cabinet de 600 personnes et son budget était supérieur à celui – connu – de la présidence française. Tout puissant, il a obtenu de modifier – en 2004 -le statut de la Polynésie. Quand ce texte est passé à l’Assemblée, j’ai débattu pendant cinq heures pour exposer les dérives du système Flosse. Cela n’a servi à rien car la droite a refusé tous les amendements et mes propositions. Mais mon intervention a été retransmise via RFO en Polynésie, et les opposants à Flosse m’ont invité  à venir participer à la campagne électorale car j’étais devenu une sorte de héros national. Les Polynésiens sont parvenus à déboulonner Flosse, avec l’aide du PS. Le gouvernement a tout fait pour le sauver. Aujourd’hui, il l’a abandonné à la justice.
Les abus de notes de frais
Evidemment on pense aux notes de frais de jean-Marc Pastor, ancien questeur du Sénat. 2 500 euros de frais de restaurant, c’est déplorable. Quand on a découvert cela, on aurait pu mettre fin à ses fonctions. L’enquête de Médiapart a révélé en outre que les questeurs du Sénat ont droit à une indemnité complémentaire qui leur permet de percevoir une retraite supplémentaire. Mais pour l’obtenir, il faut avoir exercé cette fonction pendant trois ans. On a donc maintenu monsieur Pastor pendant les trois mois nécessaires pour qu’il l’obtienne. Tout ça n’est pas très convenable.
La corruption
Ce type de comportement est trans-partisan. C’est de la solidarité mal placée. J’espère que les socialistes vont remettre de l’ordre. Mais étant réaliste, je suis sûr que ça n’ira jamais aussi loin que je le souhaite…
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A suivre bientôt … les vrais salaires de nos élus
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René Dosière : Après ses études d’Histoire/Géo, il travaille dans un service de la chambre d’agriculture de l’Aisne. Il suit les séances du Conseil municipal et se passionne pour le budget. En 1977, il adhère au PS et devient le premier adjoint au maire PS de Laon, chargé des Finances, de l’Urbanisme et de la Culture. Il enseigne les finances locales à l’université de Reims et est élu maire (1983 à 1989) puis devient député pour la première fois en 1988. Il le sera sans discontinuer en 1997, 2002 et 2007. La transparence des dépenses de l’Etat qu’il réclame n’est pas du goût de tout le monde, même au PS. Le parti avait préféré présenter en 2007 sous ses couleurs un autre candidat. René Dosière s’est maintenu malgré l’avis du bureau national – qui l’a exclu – et a remporté facilement la première circonscription de l’Aisne, pour la quatrième fois. Aujourd’hui, à 70 ans, il brigue un cinquième mandat. Début janvier, il ne savait pas encore s’il allait être investi officiellement par le PS ou s’il se présenterait à nouveau en candidat libre…

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