La gastronomie française bientôt dégradée ?

Le Canard Enchaîné du 18 janvier 2012
Maintenant que l’on a perdu notre triple A, va-t-on aussi être dégradés par l’UNESCO ? Il y a un peu plus d’un an, l’Elysée avait poussé un gros cocorico : la gastronomie française venait d’être inscrite au patrimoine mondial de l’humanité ! Mais, depuis, le soufflé est retombé. L’Unesco, qui estime que la France n’a pas respecté ses engagements, envisage déjà de la radier. On aurait fait semblant de ne pas comprendre que, ce qui était classé, ce n’était pas le contenu de l’assiette, mais la simple habitude des français de se réunir autour d’un repas. Une « pratique sociale coutumière » que la France était censée défendre avec une batterie d’initiatives.
Au lieu de cela, nos élites politiques et gastronomiques ont utilisé le logo « patrimoine culturel immatériel » pour vendre notre cuisine comme la meilleure du monde. Sauf que, comme pour notre triple A, cela fait belle lurette qu’au pays de la bonne  bouffe, la gastronomie est un décor en carton-pâte. Les trois-quarts de nos restaurants ne font plus que de la « cuisine d’assemblage ». Comprenez, ils se contentent de servir des produits sous vide remis en température au micro-ondes ou au bain-marie et nappés d’un fond de sauce industriel. Tout çà en évitant soigneusement de la dire au client.
Pour en finir avec cette esbroufe, l’Assemblée nationale a voté, un peu avant Noël, un amendement pour que le consommateur puisse enfin repérer le restau où un vrai cuistot s’active derrière les fourneaux. Les grandes chaînes de restauration, qui ne carburent pas vraiment aux produits frais, sont aussitôt montées au créneau. Objectif : tuer dans l’œuf cette drôle d’idée, qui doit encore être approuvée en deuxième lecture d’ici à fin février par le Sénat et l’Assemblée. A défaut de décrocher la suppression pure et simple de l’amendement, le lobby de la cuisine industrielle ferraille pour que le label soit décerné dès que la majorité de la tambouille servie est concoctée sur place. Le cauchemar pour eux étant de devoir indiquer sur la carte la vérité plat par plat. Ce qui se fait déjà dans certains pays comme l’Italie, où le consommateur repère tout de suite en lisant le menu si ses lasagnes ou son tiramisu sont du surgelé.
Au cas où l’amendement serait retoqué, on pourrait toujours dire qu’on nous prend pour des andouillettes AAAAA…

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