Liberté d’expression – Twitter accusé de censure : L’’image de marque auprès de ses utilisateurs est en jeu ?

Nouvel Obs  27-01-2012

Twitter accusé de « collaboration avec les censeurs »

 Le site de microblogging permet maintenant de censurer des messages uniquement dans certains pays

Le logo de Twitter à l’entrée du siège de Twitter à San Francisco aux Etats-Unis le 23 mars 2011 (AFP – Kimihiro Hoshino)

Twitter permet depuis le jeudi 26 janvier de bloquer certains messages dans certains pays, en fonction de la législation locale. Une nouvelle fonctionnalité qui, pour Reporters sans frontières, relève de la « collaboration avec les censeurs ».

Le site de microblogging avait présenté cette évolution en expliquant, sur son blog officiel :

Au fur et à mesure que nous nous développons à l’international, nous irons dans des pays qui ont diverses positions sur la liberté d’expression. Certains divergent tellement de nos idées que nous ne pourrons pas y exister. D’autres nous ressemblent mais, pour des raisons historiques ou culturelles, interdisent certains messages, comme la France ou l’Allemagne qui interdisent les messages pro-nazi ».

Les interventions seront publiées

Concrètement, désormais, lorsqu’un message violera la législation de certains pays, il sera supprimé pour la zone géographique en question, mais restera consultable dans le reste du monde. Twitter s’est par ailleurs engagé à comptabiliser ces censures et à les rendre publiques sur le site indépendant ChillingEffects.org.

« Nous n’avons pas encore utilisé cette capacité », affirme le site officiel, « mais si on nous demande de bloquer un message dans un pays spécifique, nous essaierons de contacter l’internaute, et nous indiquerons clairement quand le message a été bloqué ». « L’une de nos valeurs essentielles, c’est de défendre et respecter la voix de chacun », poursuit encore Twitter. « Nous essayons de garder les messages publics le plus possible, et nous serons transparents quand nous ne le pourrons pas ».

« L’image de marque de Twitter »

Mais beaucoup voient dans cette nouvelle fonctionnalité une arme potentielle à la disposition des régimes autoritaires. « Cette décision de s’adapter aux législations locales sur les questions de liberté d’expression ne signifie pas simplement une adaptation culturelle, mais cela veut dire que Twitter va collaborer avec les censeurs et, finalement, les aider à empêcher des informations critiques sur le gouvernement ou des dénonciations de corruption », estime ainsi Lucie Morillon, responsable du bureau Nouveaux médias, interrogée par l’AFP.

Selon elle, « cela fait des années que la Chine fait signer des pactes d’auto-censure aux entreprises étrangères qui veulent opérer sur son sol, donc finalement Twitter se soumet finalement à ce pacte ».

 Le président de RSF, Olivier Basille, a également écrit au PDG de Twitter, Jack Dorsey pour lui « faire part de sa profonde inquiétude » et lui demander « de réévaluer les conséquences de cette nouvelle stratégie sur la liberté d’expression mais aussi sur la stratégie de développement de votre entreprise. Les gains commerciaux réalisés sur le marché chinois », écrit Olivier Basille, « ne devraient pas être le seul critère à prendre en compte. L’’image de marque de Twitter auprès de ses utilisateurs est également en jeu ».

 Par Jérôme Hourdeaux