Montfermeil (Seine-Saint-Denis) – La tour Utrillo, rebaptisée tour Médicis, enfin sur les rails

Le Monde 03/02/2012

Deux ans après, la  » tour Médicis  » enfin sur des rails

La tour Utrillo à Montfermeil. Depuis les émeutes de 2005, le projet est devenu un symbole. CYRUS CORNUT/DOLCE VITA

En banlieue parisienne, le bâtiment réhabilité accueillera des artistes en résidence

L’idée d’une Villa Médicis à Clichy-sous-Bois et Montfermeil (Seine-Saint-Denis), villes symboles des émeutes de 2005, était insensée il y a deux ans, folle il y a un an, crédible depuis six mois.
 Après tâtonnements et recherche de fonds, la voici en passe de voir le jour. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture – et ancien directeur de la Villa Médicis de Rome entre 2008 et 2009 -, devait se rendre jeudi 2 février à la tour Utrillo, rebaptisée tour Médicis, un bâtiment abandonné de treize étages installé au coeur de l’agglomération. Sur le modèle de sa grande soeur romaine, le lieu accueillera une vingtaine d’artistes en résidence et leurs familles.
Le bâtiment, encore promis à la destruction il y a quelques mois, a été racheté pour 1,6 million d’euros par le ministère de la culture à l’Agence foncière et technique de la région parisienne (AFTRP) en décembre. Il devra être rénové avant d’ouvrir ses portes d’ici à 2015 ou 2016.
L’idée originelle est venue de Jérôme Bouvier, ancien patron de RFI et actuel médiateur de Radio France, très impliqué dans les banlieues. Au moment des émeutes, il découvre la nuée de journalistes, français et étrangers, présents sur les deux communes.  » Il y avait 450 journalistes et près de 80 télés. Je n’avais vu ça nulle part sauf à Kaboul ! Je me suis dit que les villes allaient être stigmatisées pour les vingt prochaines années si on ne faisait rien. « 
La tour Utrillo, construite par l’architecte Jean Sebag en 1976, devait accueillir à son origine des activités tertiaires. Des ateliers de filature y avaient finalement été installés, puis Bernard Tapie avait imaginé y établir un temps des bureaux avant d’abandonner l’idée. Une tour qui raconte à elle seule la dégradation accélérée des banlieues. L’immeuble est pourtant bien situé. Du dernier étage, on aperçoit les 40 hectares de la forêt de Bondy, la tour Eiffel et le mont Valérien.
L’enjeu majeur sera d’associer durablement artistes en résidence et habitants du quartier. La future tour Médicis côtoie des cités sensibles comme les Bosquets et la Forestière. Frédéric Mitterrand en a conscience :  » Si c’est pour faire un équipement culturel supplémentaire en banlieue, on va droit au désastre. Il va falloir faire attention à ne pas avoir une vision utopique de la rencontre de ces deux univers. «  Xavier Lemoine, maire (UMP) de Montfermeil, ne dit pas autre chose :  » La Villa Médicis de Rome est tournée sur elle-même, c’est un lieu de réflexion. Il faut que celle de Clichy-Montfermeil soit ouverte sur la ville. « 
Olivier Klein, maire (PS) de Clichy-sous-Bois, évoque, lui, la tradition de culture de sa ville. Après les émeutes de 2005, des photographes comme William Klein, Marc Riboud et Yann Arthus-Bertrand étaient venus travailler sur la ville. En 2008, une dizaine d’auteurs – dont Régis Jauffret et Nancy Huston – avaient rédigé des textes sur Clichy réunis dans un livre Des nouvelles de la banlieue (Textuel).
Plusieurs idées d’aménagement de la future tour Médicis sont à l’étude : une classe préparatoire liée aux métiers des arts (son, images, décors…), un lieu de restauration qui pourrait se doubler d’un lieu de formation aux métiers de la gastronomie, une crèche… Tout cela demande à être précisé. Une association de préfiguration qui regroupera une quinzaine de personnes sera créée avant la fin de ce semestre pour piloter le projet.
Autre écueil à éviter : que la future tour ne soit qu’un concentré de cultures urbaines.  » Il faut que les arts soient tournés vers la ville, mais il ne faut pas faire des cultures de banlieue, en banlieue, pour la banlieue « , juge Jérôme Bouvier.
Clichy et Montfermeil sont déjà le terrain d’un vaste plan de restructuration urbaine lancé par Jean-Louis Borloo en 2003.  » Si notre territoire bénéficie d’investissements très importants dans le cadre de la rénovation urbaine, explique le maire de Montfermeil, c’est par la culture que l’on pourra parachever ce projet sectoriel. «  » Tout l’enjeu est que le projet dépasse le territoire de Clichy-Montfermeil, confirme Olivier Klein. La tour vient bien « en plus de » et non pas « à la place de ». « 
Il faut 1 h 15 pour rallier Paris en transports en commun. Le futur métro automatique, prévu dans le cadre du Grand Paris, arrivera juste au pied de la tour. Son inauguration est prévue aux alentours de 2018-2020.  » Ce métro lui donne un vrai sens. Il ne débouchera pas sur un supermarché de plus, comme c’est souvent le cas dans les quartiers « , estime Jérôme Bouvier.
Reste la question du financement. Au ministère de la culture, on estime entre 25 et 30 millions d’euros la somme nécessaire pour rénover la vieille tour Utrillo. Les deux communes, qui connaissent des situations financières très compliquées, ne pourront pas participer, ou de façon très symbolique. Quant au financement des bourses des futurs résidents, l’Etat étudie la possibilité de partenariats extérieurs. Le Qatar, notamment, pourrait y participer.
Arthur Frayet

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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