Personnes agées – La crise financière a balayé les grands projets. La réforme promise de la dépendance a été enterrée

Le Monde 16/02/2012

Plaidoyer pour les vieux

Alma Adilon-Lonardoni est bluffante. Du haut de ses 16 ans et demi, elle est montée sur la scène du Mémorial de Caen et, sans jamais bafouiller ni fléchir, a plaidé devant plus de 2 000 personnes en faveur de la dignité des personnes âgées. Elève en terminale au lycée Champagnat de Saint-Symphorien-sur-Coise (Rhône), cette jeune fille discrète a remporté fin janvier le concours de plaidoiries des lycéens pour les droits de l’homme au terme d’un discours sans faille. Que ceux qui doutent encore de l’engagement des jeunes écoutent sur Internet ce coup de gueule salutaire.
Dans un texte bouleversant, Alma Adilon-Lonardoni s’indigne du sort réservé aux vieilles personnes dans certaines maisons de retraite, dénonce la relégation de nos vieux dans des mouroirs, accuse la société « plongée dans une loi du plus fort, dans une course au profit, à l’efficacité et à la rentabilité, d’évincer et de dévaloriser la vieillesse ».
En ouvrant sa plaidoirie, elle a raconté une scène qui parlera sans doute à beaucoup de familles. Une scène vécue par sa belle-mère, rentrée triste et abattue après avoir visité des établissements d’hébergement pour trouver une place à sa maman souffrant de la maladie d’Alzheimer. « Une employée m’a menée à un semblant de salon. Trois vieilles femmes étaient recroquevillées sur leurs fauteuils. (…) A côté d’elles, une chaise roulante vide, à un détail près. Deux prothèses de jambe gisaient à ses pieds, revêtues de bas de laine. Voyant mon trouble, l’aide-soignante a devancé ma question : « Ne vous inquiétez pas, ce n’est que le fauteuil d’une résidente morte il y a deux jours. » (…) Devinant mon indignation, elle m’a aimablement rassurée : »Ils ne s’en rendent pas compte vous savez, ils sont vieux, ça ne les dérange pas… » »
Touchée par cette histoire, Alma Adilon-Lonardoni s’est documentée, a découvert sur Internet de multiples témoignages de familles désemparées. Depuis sa victoire à Caen, la jeune fille a reçu de nombreux courriers. « Son texte a même été affiché dans le hall de certaines maisons de retraite », témoigne l’un de ses professeurs.
La crise financière a balayé les grands projets. La réforme promise de la dépendance a été enterrée. Reste le coup de gueule d’Alma. Sous quel regard et où vieillirons-nous ? Le comédien François Morel, qui sait si justement dire, sur France Inter, « ferme ta gueule » aux politiques qui dérapent, aurait pu dire à Alma Adilon-Lonardoni : « Ouvre ta gueule, Alma, ouvre ta gueule ! »
blanchard@lemonde.fr

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
Cet article, publié dans Droit de l'humain, Santé, est tagué , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.