Tous définitivement fichés dans le « fichier des gens honnêtes » en préparation dans le cadre de la loi sur la « protection de l’identité »

Zélium  journal irrégulomadaire satirique  (lien vers le site ) – fév./mars 2012 – JET
Qu’est-ce qu’elle a ma gueule d’honnête ? Vous n’avez rien à vous reprocher ? C’est déjà louche. Et vas-y que je te biométrise la tronche, les paluches et tout le restant…
Le « fichier des gens honnêtes » est le petit nom donné à un futur répertoire d’état civil : celui des demandeurs de la future carte d’identité électronique (CNIE), cette petite merveille à puce préparée dans le cadre de la loi sur la « protection de l’identité ».
Des gens assez peu honnêtes pourraient s’interroger sur le statut juridique de ce vaste fichier de population, baptisé TES (titres électroniques sécurisés), déjà alimenté par les demandeurs de passeport, et à terme, à n’en pas douter, ceux du permis de conduire (qui sera bientôt, lui aussi, à puce et électronique). Un fichier dit « biométrique », puisqu’il recense la photo numérique du suspect citoyen et l’empreinte de deux de ses doigts.
Sénateurs et députés se sont étripés pour savoir s’il serait ouvert aux curiosités policières. En gros, l’honnête maison poulaga pourra-t-elle piocher dans ce vaste océan  numérique pour dénicher un éventuel criminel ? Pourra-t-on scanner les photos numérisées pour les comparer à celles des suspects ? Procédé déloyal et dangereux, disent les plus mesurés ; utile et salutaire pour résoudre des enquêtes criminelles, affirment les plus policiers.
Evidemment, le premier principe n’est autre que l’application de la loi : un fichier doit répondre à une finalité, et à une seule. Ce qui doit donc empêcher en principe toute interconnexion avec d’autres bases de données.
Résumé pas net
A l’occasion du débat parlementaire, le 31 ami 2011, le rapporteur au Sénat, François Pillet*, prononce la fameuse phrase « […] cette base serait unique dans l’histoire de notre pays au regard de sa taille, puisqu’elle porterait sur 45 millions d’individus, si elle existait à l’heure actuelle. A terme, elle est susceptible de concerner 60 millions de Français. Ce sera de surcroît le premier « fichier des gens honnêtes », ce qui n’est pas le cas du FNAEG [fichier des prélèvements ADN]. Ce fichier n’a donc pas d’équivalent. Toutes les personnes auditionnées ont mis en garde, plus ou moins expressément, contre son usage à d’autres fins que la lutte contre l’usurpation d’identité, ce qui présenterait des risques pour les libertés publiques… »  
Mais parler d’honnêtes gens, c’est comme des « bons Français » sous l’occupation. Car la présomption d’innocence n’est pas une notion grise, à géométrie variable.
Le sénateur Pillet se prend lui-même les pieds dans le tapis, en faisant référence au FNAEG, qui serait donc un fichier des malhonnêtes ou des pas tout à fait honnêtes. Il faut rappeler que parmi les 1,8 millions de fiches de ce « fichier national automatisé des empreintes génétiques », 55% de personnes n’ont pas encore été jugées, et sont donc présumées innocentes.
Présumés honnêtes
On a compris : la quasi-totalité de la population hexagonale pourra figurer dans la base de données TES. C’est bien, on se tiendra chaud. Ce fichier TES n’est donc pas le seul à recenser des gens blancs comme neige, au sens de la déclaration universelle des droits humains. Les fichiers dits « policiers » aussi, puisqu’ils mélangent des données de victimes, de témoins, et de « présumés innocents » qui ne sont pas jugés, donc officiellement coupables de rien. Avant d’être une éventuelle solution sociétale à un comportement individuel, le fichage est en soi, une peine, une sanction !
Confidentiel suspect
Comment se dire opposé au FNAEG parce qu’il liste de simples suspects, tout en admettant son utilité pour les catégories « terroristes » ou « pédophiles » ? Suspects à qui on a collé une étiquette, mais qui sortiront peut-être blanchis par l’enquête ou la justice, sans pour autant disparaître du sacré fichier. D’autant que des tas de fichiers d’Etat créés à priori sans finalité policière (comme les répertoires scolaires des mômes dès trois ans, « Base élèves » et « Base nationale des identifiants élèves ») pourront aisément être élargis, selon la météo politique et policière.
A vrai dire, cette distinction portant sur la supposée honnêteté des gens sert un tout autre projet politique : conditionner Madame et Monsieur Toutlemonde à accepter sans rechigner l’existence même d’un fichier tentaculaire de population et l’obliger à choisir son camp : soit s’assumer terroriste, néonazi bandit ou pédophile (ou en devenir un, sale petit pervers…), soit se présenter lui-même comme « honnête », laissant alors les grandes personnes décider à sa place de l’existence même de ces bagnes numériques. Toujours sympa d’aller casser des cailloux dans une base de données.
 
*François Pillet est avocat au barreau de Bourges, promu sénateur (UMP) du Cher en décembre 2007 suite au décès du titulaire Serge Vinçon.

A propos werdna01

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