Ce lundi, France 3 – L’insaisissable Albert Kahn, le banquier utopiste – Propos de Robin Hunzinger sur les traces de cet humaniste : un mystérieux mécène

 Durée : 55 minutes – ce lundi 5 mars – Les rediffusions 03:35 – Jeudi 08/03 France 3 – 02:35 – Vendredi 16/03

L’insaisissable Albert Kahn  de Robin Hunzinger sur France 3

Qui se souvient d’Albert Kahn, né à Marmoutier en Alsace le 3 mars 1860 et décédé à Boulogne-Billancourt le 14 novembre 1940 ?
Qui se souvient d’Albert Kahn, Fils de marchand de bétail devenu banquier milliardaire, amateur de jardins et de philosophie, Albert Kahn découvrit que le monde n’était pas tel qu’on le lui avait décrit ; il décida donc de le montrer. 140 km de pellicules, 70.000 photographies et de nombreuses publications, d’analyses, distribuées gratuitement, témoignent de cette profession de foi singulière.
Qui était cet homme ? Un utopiste ? Un idéaliste ? Quel est le mystère d’Albert Kahn qui aurait pu être le roi du tout Paris et qui vivait la plupart du temps à l’écart dans une vaste demeure au fond d’un parc à Boulogne, presque reclus, sans femme, enfant, ni famille ?
Ce documentaire, sous forme d’enquête, construit comme un roman policier, va chercher à le savoir.
Un film de Robin Hunzinger 52mn diffusé sur France 3 national le 5 mars vers minuit.
Voir en ligne : L’insaisissable Albert Kahn en streaming

Un musée est consacré à Albert Kahn (médaillon), à Boulogne-Billancourt. Photomontage PLM/France 3
18/02/2012 L’Alsace – Propos recueillis par Olivier Brégeard
Télévision Sur les traces de « l’insaisissable » Albert Kahn
Documentariste installé à Lapoutroie, Robin Hunzinger consacre un film à ce mystérieux « banquier utopiste » d’origine alsacienne, mort en 1940.
Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à Albert Kahn (1860-1940) ?
J’ai fait beaucoup de films d’histoire, avec des archives, et un jour, il y a environ trois ans, je suis tombé sur le Fonds Albert-Kahn, que je ne connaissais pas. J’ai découvert le personnage qui se trouvait derrière, son histoire et le grand projet qu’il avait lancé. On connaît beaucoup Albert Kahn pour ses jardins de Boulogne-Billancourt (où il s’installa à partir de 1893 et où se trouve aujourd’hui le musée qui porte son nom), un peu par les autochromes, un des premiers procédés de photographie couleur, dont il a créé la plus grande collection au monde. Il a aussi fait faire de nombreux films par des opérateurs, qui ne montraient pas les puissants, mais le peuple. J’ai trouvé tout cela passionnant et j’ai voulu en savoir plus sur cet homme. J’ai mené l’enquête pendant quasiment deux ans.
Avez-vous découvert quelque chose de nouveau ?
On a toujours dit qu’Albert Kahn était très mystérieux. Des recherches importantes avaient été menées au musée, créé dans les années 1990, mais il restait des zones d’ombre. On a découvert des photographies de lui venant de Suède, j’ai retrouvé une grande villa où il a habité, au Cap Martin, sur la Côte d’Azur, on en sait aussi davantage sur le pourquoi du tout.
Quelle était son ambition en « archivant » l’état de la planète ?
Il est né à Marmoutier en 1860, a quitté l’Alsace après l’annexion allemande, en 1876. Il a été marqué par les guerres de 1870 et de 1914-18. Il pensait que si les élites apprenaient à se connaître, on pourrait éviter la guerre et faire bouger le monde. Il est utopique, mais ses moyens d’action sont très modernes et très réels. C’est le premier homme qui a fait des revues de presse, envoyées dans le monde entier, pour montrer comment l’Angleterre, la France, ou l’Allemagne, voyaient tel ou tel sujet. En France, en Allemagne, en Angleterre, en Russie et aux États-Unis, il a créé les bourses « Autour du monde », pour des agrégés, hommes et femmes. Il les réunissait dans son domaine de Boulogne, dans une maison qui s’appelle le « Cercle autour du monde ». Aidé par le géographe Jean Brunhes, il a envoyé ses opérateurs filmer et photographier le monde entier. Il voulait montrer les peuples dont le mode de vie allait disparaître avec l’industrialisation. C’est ce qu’il a appelé les « Archives de la planète ».

Albert Kahn a fait filmer le monde, mais a-t-on des images de lui ?
Très peu. Pendant longtemps, on a pensé qu’il n’y avait qu’une seule photo de lui. Chaque fois que ses opérateurs voulaient le filmer ou le prendre en photo, il se cachait. Mais dans les rushes du musée, on finit par l’apercevoir. Il a également écrit un opuscule, Du droit et des devoirs des gouvernements (publié en 1918), qui propose un système pour que le monde aille mieux. On y voit les prémisses de la SDN, la Société des nations, créée l’année suivante. Il faut imaginer le jeune homme issu d’une famille juive de Marmoutier, pas très aisée, qui a réussi à faire tout ça !
Comment a-t-il construit sa fortune ?
Quand il quitte l’Alsace pour Paris, il entre, comme simple employé, dans la banque des frères Goudchaux, apparemment des gens proches de sa famille. Comme il a des idées, il investit dans des marchés sur lesquels les banques traditionnelles ne vont pas : en Rhodésie, au Japon… Et à chaque fois, il réussit.
Était-il resté attaché à l’Alsace, sa région natale ?
Il revenait très souvent à Saverne et descendait à l’Hôtel de la Gare. Il y a même emmené l’empereur du Japon ! Il se promenait dans les Vosges, au Grand Ballon… Dans son jardin de Boulogne, il a recréé une forêt vosgienne au bord de la Seine, faisant venir d’énormes blocs de granit, des pins et des sapins… À Marmoutier, on trouve toujours la maison où il est né. Pour sa collection d’autochromes, ses opérateurs ont photographié le Haut-Rhin et le Bas-Rhin, à la fin et après la Première Guerre mondiale. Ils ont filmé la libération de Strasbourg, en 1918.
Son ambition était celle d’un humaniste, mais il vivait en reclus, comme une sorte de « Citizen Kahn »…
Il n’était pas marié, mais on a découvert qu’il avait une compagne. Il était végétarien, ne changeait guère de vêtements. Il vivait avant tout pour son œuvre, c’est par elle que l’on peut essayer de le comprendre. Il restera toujours un personnage en creux. Il n’a pas eu de descendance. Son argent était tiré de la spéculation et il est mort ruiné par la crise de 1929. Le Département de la Seine a racheté ses biens, dont ses collections de films et de photographies.
VOIR L’insaisissable Albert Kahn, banquier utopiste (52 minutes), mercredi 22 février à 23 h 55, sur France 3 Alsace, et mercredi 5 mars vers minuit, sur France 3 national.
 Notes complémentairesLe banquier philosophe
Au début du siècle, l’élite de la haute société rendait visite à Albert Kahn dans son havre de paix de Boulogne-Billancourt. Il expliquait inlassablement sa conception d’une société des Nations avant l’heure.  Elisabeth de Hongrie, sir Austen Chamberlain, Pierre 1er de Serbie furent gagnés par son enthousiasme.

Sur 4 ha se succédaient pelouse anglaise, laiterie à colombage, roseraie, jardin japonais illustrant la coexistence pacifique des cultures. Le banquier philosophe à qui Bergson  avait donné des cours particuliers s’était lancé dans une entreprise surhumaine : dressé un inventaire de la vie quotidienne des peuples, harmoniser leurs relations  par une meilleure connaissance mutuelle.
 Pouvait-il croire que de simples images triompheraient de la haine raciale , combattraient l’étroitesse d’esprit, assureraient la paix universelle ? Mais ce financier aussi brillant qu’atypique, dont le comportement a frappé tous ceux qui l’ont connu, se sentait investi d’une mission.
Dans sa propriété de Boulogne et sa villa Cap Martin, dotée d’un parc de 13 ha sur la Méditerranée, il reçoit la famille du Kaiser et celle de l’empereur japonais Meiiji. Ses invités se laissent filmés alors qu’il fuit la caméra.
La crise de 1929 lui sera fatale. Sa banque dépose le bilan, ses biens sont saisis, tout y passe. Le domaine de Boulogne et les collections de photographies et de films sont rachetés par le département de la Seine qui laisse au mécène ruiné la jouissance de sa maison. On y gèle l’hiver, dans chauffage. Plus solitaire que jamais, Albert Kahn se blottit auprès d’un maigre feu de bois. Par le carreau, il aperçoit des sapins qui lui rappellent les forêts de son enfance, le village ou son père était marchand de bétail. En novembre 1940 ce vieillard se meurt. La France est envahie, l’Europe  à feue et à sang. Lui qui s’est battu toute sa vie pour le rapprochement entre les peuples a appris avec indignation les mesures prises par Vichy à l’encontre des juifs ?  Pourquoi vivait-il au fond d’un parc, sans personne pour prendre soin de lui. ?
Jardin de Bloulogne Billancourt

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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