Des pesticides potables

Le Canard Enchaîné N° 4766 du 29 février 2012
Avez-vous lu l’instruction ministérielle du 9 décembre 2010 édictée par le ministère de la Santé ? Dommage, car s’y cache une entourloupe connue des seuls préfets, et qui leur a permis, depuis une bonne année, de rendre potables certaines eaux jusqu’ici impropres à la consommation à cause d’une teneur trop élevée en pesticides. Comment ? En changeant les seuils à partir desquels les autorités publiques sont obligées de restreindre, voire d’interdire, la consommation d’eau.

Une aubaine, donc, dans un dossier qui pollue depuis des années les relations entre la Commission Européenne et la France. Résultat, des nourrissons peuvent désormais recevoir une eau contenant cinq fois plus de pesticides qu’auparavant, a calculé François Veillerette. Le porte-parole de l’association Générations Futures estime qu’avec ces nouvelles règles « on a diminué par 4 ou 5 le nombre de situations qui exigeraient des restrictions de consommation. »
Exemple : dans la commune de Lumigny-Nesles-Ormeaux (Seine-et-Marne) – dont les canalisations sont en cours de raccordement à un autre réseau pour la bagatelle de 21 millions d’euros, pour justement diluer les concentrations en polluants – on pourra désormais donner aux nourrissons une eau contenant jusqu’à 2 microgrammes de déséthylatrazine (le métabolite d’un herbicide récurrent dans l’eau de boisson). Soit 200 fois plus qu’auparavant, quand on sonnait l’alarme à partir de 0,1 microgramme.
C’est la bonne vieille méthode du « changement de thermomètre », que le ministère justifie ainsi : « Certaines études font état que (sic) les pesticides peuvent être à l’origine de cancers, d’effets neurotoxiques et d’effets sur la reproduction. Toutefois aucune étude n’est aujourd’hui disponible sur les risques pouvant être liés à la consommation d’eau non conforme à des concentrations telles que celles observées en France. »
À la trappe, donc, le principe de précaution et place à une évaluation des risques, plus en phase avec les intérêts agricoles. Les préfets sont contents. Les bébés, moins.

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