Avec sa PirateBox, Jean Debaeckerfait le rêve d’un réseau sans fil à la patte

La Voix du Nord – 08/03/12 – Sébastien Bergès
 Inspiré par la PirateBox du New-Yorkais David Darts, Jeana bidouillé la P.Box pour partager des fichiers libres de droit. Inspiré par la PirateBox du New-Yorkais David Darts, Jeana bidouillé la P.Box pour partager des fichiers libres de droit.
 
Un réseau parallèle, anonyme et gratuit, à l’écart d’internet, de Google ou des réseaux sociaux, où le traçage fait loi. Une utopie que passionnés d’informatique et apôtres de la libre circulation des idées s’appliquent à réaliser. Jean Debaecker,un prof de Lille III, vient d’y apporter sa pierre en bricolant la « première PirateBox lilloise », outil nomade de partage sans fil. Hein ? 
Un petit carré blanc, pas plus épais qu’une boîte de cachous, frappé d’une tête de mort de flibustier. Jean Debaecker pose sa PirateBox sur une table, entre sa tasse de thé et un spéculoos. Il branche l’appareil, y connecte sa clé USB. Voilà. Le prof de Lille III vient de créer un réseau local sans fil. Dans un rayon d’une trentaine de mètres, tout smartphone, tablette, ordinateur connecté à internet tombera illico sur la page d’accueil de sa PirateBox. Avec accès libre à ses données. Selon l’humeur, on y pioche ou on y apporte du contenu (libre de droits, c’est mieux). À la bibliothèque de Jean, qui compte aussi bien ses supports de cours qu’un précis d’espéranto, ses élèves ont ajouté des applis iPhone ou des morceaux des Roken Is Dodelijk…
Orangs-outans en wi-fi
« Je n’ai aucun moyen de savoir qui se connecte, explique le thésard. Tout est anonyme. On n’est pas tracés, loggés… » Une échappatoire au flicage qui sévit sur internet, sous le vernis trompeur de liberté. « Que ce soit sur Amazon, Facebook ou Google +, nos achats, nos goûts sont enregistrés, et ces renseignements utilisés sans qu’on le sache. C’est ce que j’explique aux étudiants dans mes cours. » Voilà pourquoi ce trentenaire affable, « ni geek, ni informaticien », mais fort de « cette idée libertaire que les réseaux alternatifs sont une solution d’avenir », s’est mis en tête de bidouiller lui-même une PirateBox.
Merci qui ? Merci « les orangs-outans ». Histoire d’aguerrir ses étudiants aux outils de communication, Jean a monté avec eux un projet de sensibilisation autour des grands singes. Mais comment « pérenniser » ce travail ? La question va nourrir l’intérêt, ancien, de Jean pour le partage de données dans l’espace public. Première option : « Utiliser des Dead Drops. » Un concept insolite phosphoré par un artiste de New York : des clés USB bourrées de contenu libre et scellées dans des murs, des façades, en pleine rue. Lille a la sienne, à Moulins, cimentée par les activistes de Build Up. « Mais qui se balade avec son PC sous le bras ? », relève Jean. Le wi-fi, lui, ignorerait la contrainte physique. « On s’est dit qu’un Américain y avait forcément déjà pensé », blague le prof. Bingo : un autre New-Yorkais, David Darts, a bricolé en 2010 un terminal de partage sans fil. Nom de code : PirateBox. Retravaillé, affiné, allégé, le système a abouti au routeur riquiqui, cinq centimètres sur cinq, adopté par Jean. « Ça coûte 30 E, et avec le tuto (guide)de Darts, que j’ai traduit en français, ça prend dix minutes à installer. Aberrant de facilité. » À la clé (USB), une relecture salvatrice du principe de libre-échange. « L’idée est de pousser les gens à le faire à leur tour. Dans leur immeuble, leur impasse, leur quartier, qu’ils partagent des fichiers. » Une sorte de fête des voisins à la sauce peer-to-peer, à l’écart de Big Brother et d’autoroutes de l’information très surveillées. « J’ai eu des messages de jeunes étonnamment sensibles au flicage d’internet. C’est bien qu’ils aient ce recul, ça augure d’une génération qui ne se jettera pas corps et âme sur le web, mais se posera les bonnes questions. » Où est la liberté du net quand la Chine, au hasard, le passe au tamis d’une implacable censure ? Reparaît le rêve de réseaux alternatifs, émancipés, aux mains des seuls usagers. Jean n’attend qu’une chose : que son ordinateur accroche le signal d’une autre PirateBox. Le premier maillon d’une toile parallèle qui reste à tisser. •
piratebox.c.la

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