Les chômeurs sont-ils coupables du chômage ?

Alternatives Economiques – mars 2012 – Denis Clerc
 » Passé un délai de quelques mois, toute personne au chômage sans perspective sérieuse de reprise d’emploi devra choisir une formation qualifiante, proposait Nicolas Sarkozy le mois dernier. A l’issue de cette formation, qui sera obligatoire, le chômeur sera tenu d’accepter la première offre d’emploi correspondant au métier pour lequel il aura été nouvellement formé. «  Avant que la crise ne se déclenche, la proposition n’aurait pas été idiote, mais seulement excessive. Dans le contexte actuel, elle n’a guère de sens.
Avant la crise 
Ainsi, en 2008, l’emploi des personnes ayant le bac et plus avait progressé de 619 000, alors que celui des personnes ayant moins que le bac (CAP, BEP, Brevet des collèges… ou rien) avait diminué de 276 000. Difficile donc de trouver un emploi pour ceux qui sont dans ce deuxième cas de figure. Pas étonnant également que les deux tiers des demandeurs d’emploi depuis plus d’un an fassent partie justement de cette catégorie, celle du bas de l’échelle des diplômes. Proposer une formation qualifiante à ces personnes n’aurait donc pas été idiot, pour leur redonner une employabilité que les employeurs, à tort ou à raison, estimaient qu’ils n’avaient pas ou plus. Or, cette année-là, seuls 190 000 inscrits avaient été dirigés par Pôle emploi vers une formation : un chiffre à comparer au million de demandeurs d’emploi de catégorie A, B ou C qui, cette même année, y étaient inscrits depuis au moins un an.
Reste que, même pas idiote, la proposition aurait été excessive, à la fois parce qu’obligatoire (faut-il contraindre quelqu’un à devenir maçon alors qu’il ou elle aimerait devenir taxi ?) et contraignante (devoir accepter ensuite une offre d’emploi à 400 kilomètres de chez soi ?).
Avec la crise 
Mais de toute façon, ce débat devrait être clos. Car la crise est là. Entre 2008 et 2011, le nombre d’emplois n’a quasiment pas varié, alors que la population active (en emploi ou en recherche d’emploi) a augmenté de 600 000 personnes. S’il y a de plus en plus de chômeurs, ce n’est pas parce qu’ils ne disposent pas des qualifications souhaitées, c’est parce que les employeurs n’embauchent pas. Certes, il subsiste toujours des  » métiers en tension « , c’est-à-dire où les offres d’emploi ne sont pas pourvues. Mais l’écart s’est beaucoup réduit, sauf pour quelques catégories très pointues (conducteurs d’engins de travaux publics par exemple). Et s’il reste des offres difficiles à pourvoir, c’est le plus souvent parce que les conditions d’emploi n’y sont pas bonnes, comme dans la restauration par exemple, ou qu’il s’agit d’offres temporaires ou à temps très partiel.
Il faudrait bien sûr former bien plus de chômeurs peu qualifiés, mais ce qui fait obstacle désormais au retour à l’emploi, ce n’est pas cette insuffisance de formation, c’est l’insuffisance d’emplois. Néanmoins, il est plus facile de taper sur les chômeurs que de faire repartir la machine économique.
Dessin de Gérard Mathieu (www.mathieu-dessins.com/)
Dessin de Gérard Mathieu (www.mathieu-dessins.com/)

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Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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