Evasion fiscale : ces « 600 milliards qui manquent à la France »

France Info – 4 avril 2012 – Jean Leymarie

« Ces 600 milliards qui manquent à la France » paraît aux éditions du Seuil – 187 p., 15 euros.  
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Le journaliste Antoine Peillon a enquêté en France et en Suisse dans les milieux bancaire, judiciaire et policier. Il lève le voile sur un vaste système d’évasion fiscale.
Antoine Peillon, au coeur de l’évasion fiscale (voir sur dailymotion)
Des valises de billets qui passent les frontières, des diamants cachés dans des tubes de dentifrice. Derrière ces images folkloriques se dessine un système sophistiqué. Selon Antoine Peillon, les avoirs français dans les paradis fiscaux atteignent la somme astronomique de 600 milliards d’euros.
Pour son enquête, le journaliste a rencontré des magistrats, des policiers et surtout des cadres de banques qui décrivent, de l’intérieur et anonymement, les circuits de l’évasion fiscale.
 
La Suisse est en première ligne. Antoine Peillon décrypte les méthodes de la banque UBS, mastondonte de la finance. Il met aussi en cause l’attitude des Etats. La France s’est engagée à lutter contre les paradis fiscaux. Mais selon le journaliste, les résultats ne sont pas à la hauteur des promesses.

Extraits de l’interview d’Antoine Peillon  par Jean-Leymarie :
Jean Leymarie : Nous avons tous en tête quelques images exotiques de valises de billets qui voyagent, mais la réalité de l’évasion fiscale, c’est un immense système très organisé et souvent toléré ! Vous avez effectué une très longue enquête, mais que sont ces 600 milliards, une somme vertigineuse… ?
Antoine Peillon : Cette somme considérable concerne pour une très grosse moitié  les entreprises et les groupes, – sur laquelle j’ai encore peu travaillé -, et d’autre part les avoir des personnes privées que l’on appelle les hyper-riches. L’ensemble représente une perte fiscale annuelle à la hauteur de 1/6ème du budget de l’Etat, c’est-à-dire  à peu près celui de l’Education nationale. C’est une fuite de finance et de potentiel économique qui participe de mettre le pas à genoux. Des fortunes cachées à l’étranger, dont pour 1/3 en Suisse, près de chez nous.
Les personnes qui font cela souhaitent, par commodité aller le plus possible près de chez elles. A partir de la Suisse qui est la première plate-forme, les capitaux repartent ensuite vers le Luxembourg, les Iles vierges britanniques pour la gestion de ces fonds non déclarés et placés en Suisse. Parce que non seulement ce sont des avoirs qui sont cachés, mais il y a aussi les revenus de ces avoirs. Et ce sont des revenus à haut niveau de rentabilité.
Ce ne sont pas des Livrets A, mais des investissements qui sont faits avec des rendements de 7,5% en moyenne sur les trente dernières années. Ce sont évidemment des revenus qui, eux non plus ne sont pas fiscalisés, donc il y a une double perte pour l’Etat.
J. L. : Comment se passe l’évasion fiscale aujourd’hui ?
A. P. : Les banques vous proposent de créer des sociétés écrans dont vous n’êtes pas le propriétaire officiel, dans d’autres paradis fiscaux. Et, tout simplement, quand vous avez une activité économique, vous faites facturer votre activité par ces sociétés fictives et à ce moment là, l’argent est immédiatement placé dans le paradis fiscal. On estime qu’en France, environ 150 000 à 200 000 personnes pratiquent ce type de transaction. C’est-à-dire, en général, toutes les personnes qui ont un peu plus de 10 millions d’euros de patrimoine personnel. Cela fait du monde. C’est aujourd’hui ce que les économistes désignent par le terme d’Hyper-richesse. Une Hyper-richesse en pleine croissance au moment même où la pauvreté est aussi en pleine croissance…
J. L. : Si vous avez pu enquêter ainsi, c’est que des gens placés au cœur du système ont accepté de vous parler anonymement, y compris des banquiers !
A. P. : Oui, mais premières sources au départ étaient celles du système judiciaire qui en a assez, des fonctionnaires de police, de renseignements, de douanes, de la Banque de France… Tous ces gens là enquêtent à fond depuis des années et ils voient que leurs enquêtes n’aboutissent pas. Tout le monde parle aujourd’hui.
Il y a un retour de l’évasion fiscal vers de politique, mais pas n’importe quel politique. La campagne 2007 de Nicolas Sarkozy est dans le collimateur de la justice depuis maintenant un bon bout de temps. Il y a des instructions fiscales menées à Bordeaux, qui sont aujourd’hui très avancées sur la question du financement par Madame Bettencourt de la campagne de monsieur Sarkozy. Il y a un chapitre dans mon livre sur les mouvements pour 20 millions d’euros entre 2005 et 2007, des comptes Bettencourt. Je peux affirmer que toutes mes sources m’ont dit qu’il y avait un financement direct de madame Bettencourt, vers l’UMP de l’époque et du candidat Nicolas Sarkozy de l’époque.
J. L. : Avez- vous des traces, des preuves écrites, d’un lien entre l’évasion fiscale et un financement de la campagne de Nicolas Sarkozy ? Avez-vous des éléments ?
A. P. : J’ai comme éléments les mouvements des comptes de madame Bettencourt, qui sont très troublants, et par les montants et par les dates. Ensuite, j’ai le recueil de très nombreux témoignages, qu’ils soient judiciaires où qu’ils soient internes à la banque et qui disent exactement la même chose.
En Suisse, on pointe le doigt vers la France en disant que dans ce phénomène d’évasion fiscale vers la Suisse, c’est la France qui est la première responsable.

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