Mirande (32) : droit à l’expression ? Deux comédiens de théâtre, au chômage et au RSA se font crieur sur le marché

Sud-Ouest 10/04/2012 Par Gaëlle richard

Le crieur du marché lit vos messages en toute « illégalité »

Hier, sous le regard de la police municipale, le crieur public a lu les messages des habitants, contre l’autorisation de la mairie mais sous le regard ravi des passants.
Olivier Clayes et Lucile Lazennec déclament vos messages à l’heure du marché. (photo ph. bataille/« so »)
«Guilène, je t’aime ». « Vends vélo de course. Appeler Florian au 06… » Hier matin, sur la place de la Halle, Olivier Claeys et Lucile Lazennec, tous deux crieurs publics, ont déclamé sur le marché de Mirande quarante messages d’habitants. Cela, « en toute illégalité mais en toute légitimité ».
À 10 h 30 sonnantes, Olivier Claeys se hisse sur une caisse en plastique en guise d’estrade. Bonnet bleu et veste orange, il s’arme de son porte-voix. Nous sommes lundi matin, jour de marché hebdomadaire dans la sous-préfecture gersoise. Vendredi dernier, le crieur public a relevé son courrier. Il a installé quinze boîtes aux lettres dans les commerces, le lycée et le centre social de la ville. Les Mirandais y déposent leurs annonces, déclaration d’amour, coups de gueule, citations ou réflexions philosophiques qu’ils souhaitent entendre à voix haute. « Nous lisons tout, précise le crieur public, sauf les insultes et les incitations à la haine raciale. »
Le maire refuse le crieur
Hier matin, pourtant, un policier municipal est venu lui signifier qu’il occupait l’espace public en toute illégalité. Ne faisant que son métier, il a dû prendre l’identité d’Olivier Claeys. Face aux caméras de la télévision régionale, il a demandé d’arrêter de filmer. En outre, les deux comédiens de théâtre, au chômage et au RSA, ont demandé l’autorisation au maire, Pierre Beaudran (Parti radical valoisien), de placer une boîte à messages à la médiathèque. Le maire leur a signifié par écrit son refus pour ne pas concurrencer la société de sonorisation du marché. « Une société de sonorisation anime le marché, a argumenté le maire par écrit. Elle annonce les manifestations de la ville et du canton. »
Hier matin, en tout cas, sur la place de la Halle, on n’a pas entendu d’animation. « Nous sommes dans l’illégalité et on l’assume, a affirmé Olivier Claeys. On continue car on permet à chacun de s’exprimer. C’est un droit inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. » Et pan, sur le bec !
Olivier Claeys et Lucile Lazennec ont rendu publics les états d’âme ou les préoccupations les plus terre à terre des Mirandais. Sur 45 messages récoltés, ils en ont proclamé 40. Et c’est comme cela chaque lundi à 10 h 30, entre deux étals de fruits et légumes, 7 euros la botte d’asperges vertes et 6 euros la barquette de gariguettes du Lot-et-Garonne.
Tour à tour, les deux voix enchaînent. « Je demande à tous les Mirandais de faire attention à ceux qui se déplacent à vélo. Il faut mettre le clignotant et regarder derrière soi avant de tourner. » « Après tout, qu’est-ce que l’identité ? » « Recherche professeur de musique pour quatre enfants de 4 à 6 ans à Saint-Michel. »
Bien souvent, les missives déclenchent des réactions dans l’assistance. « Il y a vraiment trop de cheveux gris dans ce bled. Du changement nom d’un chien ! » assure un éclat de rire généralisé. « À quand un comité des fêtes pour et avec les jeunes ? » Une quinquagénaire se questionne tout haut : « C’est quoi un jeune ? Ils sont où ? » Et sa voisine de renchérir : « Non, la question est : on arrête quand d’être jeune ? »
Sur un papier blanc déchiré : « Je vous souhaite des rêves à n’en plus finir […], des passions, des rires d’enfants […] et de résister à l’indifférence », signé Jacques Brel.
Autre message : « Si vous ne payez pas le service, c’est peut-être que vous êtes le produit. »
À méditer, et pas que sur la place de la Halle.
 

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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