Grèce, Athènes – D’étranges attelages ont fait leur apparition dans la capitale grecque : Un « business » dit le dénuement des milliers de migrants

Athènes et ses ferrailleurs au son des chariots de la misère

Des migrant, nouveaux ferrailleurs,poussent un chariot à Athènes, le 25 avril 2012 AFP – Louisa Gouliamaki
Zeeshan cadenasse son chariot de supermarché à un arbre comme d’autres attachent leur vélo: l’engin est devenu son instrument de travail et celui de centaines de migrants qui sillonnent chaque rue d’Athènes pour collecter le moindre bout de métal susceptible de rapporter quelques euros.
Ces étranges attelages ont fait leur apparition dans la capitale grecque il y a environ un an. Ils sont désormais partout, du centre ville aux quartiers périphériques, rivalisant d’adresse pour se faufiler entre passants et automobilistes.
Pas facile lorsqu’on convoie un chariot de supermarché rempli de ferrailles hétéroclites: conserves, cadavres d’électro-ménager, vieux sommiers, bidons d’huile, poêles rouillées, câbles, radiateurs désossés.
Au fil de la journée et des poubelles visitées, les débris s’accumulent dans le chariot dont l’équilibre se fait de plus en plus précaire. Chaque trou dans la chaussée, chaque bord de trottoir constitue un obstacle dans ce périple urbain ambiance Mad Max.
Au terme de dizaines de kilomètres parcourus, l’heure de vérité: la pesée. Les ferrailleurs du quartier de Tavros, dans le sud d’Athènes, ont pris l’habitude de voir arriver, exténués, ces clients d’un genre nouveau, en majorité originaires du Bangladesh.
« Les gitans grecs ou albanais qui faisaient de la récupération d’encombrants avec leurs camions travaillent moins car les gens jettent moins depuis la crise. Mais ils ne fouillent pas les poubelles comme ceux qui font le +business+ des chariots », explique Anna Darsinou, dont la famille fait commerce de ferraille à Tavros depuis trente ans.
Ce « business » n’a rien de la bonne combine. Il dit surtout le dénuement des milliers de migrants entrés illégalement en Grèce, frontière orientale de l’espace Shengen et véritable piège pour ceux qui n’arrivent pas à poursuivre leur voyage plus à l’ouest.
« Il n’y a pas d’autre travail ici », explique Zeeshan, Pakistanais arrivé en Grèce il y un an et demi via une longue traversée qui lui aura coûté 3.000 euros.
Le jeune homme de 26 ans qui dit avoir étudié le design informatique dans son pays est maintenant penché dix heures par jour sur les poubelles bleues d’Athènes destinées au recyclage (métal, plastique, papier). Il affirme gagner péniblement un douzaine d’euros par jour. « C’est vraiment le seul moyen de se faire un peu d’argent mais c’est très dur », observent Charles, 22 ans, et Mamadou, 32 ans, originaires de Côte d’Ivoire. Le premier est en Grèce depuis un mois, le second arrivé depuis six mois.
A 250 euros par mois le loyer de la chambre partagée avec quatre ou cinq compatriotes, auxquels s’ajoutent l’eau et l’électricité, le calcul est vite fait: Charles, ancien fleuriste au palais présidentiel ivoirien, n’arrive pas à envoyer d’argent à ses deux enfants réfugiés au Ghana.
Chez les ferrailleurs athéniens, le kilo de fer se vend 18 à 20 centimes d’euros, l’aluminium autour de 80 centimes et le cuivre atteint 4 euros.
« Quand les policiers voient que tu as un chariot pour essayer de travailler, ils t’embêtent moins », observe Charles.
Le thème de l’immigration illégale enflamme la campagne pour les législatives du 6 mai, aux côtés des préoccupations économiques et sociales. Dans le pays quasi-ruiné, conservateurs et socialistes rivalisent d’engagements sur les décisions à prendre.
La mairie d’Athènes voit les choses d’un point de vue plus prosaïque: cette récupération sauvage « désorganise le circuit de recyclage traditionnel » alors même que la Grèce affiche déjà du retard en la matière, déplore l’adjoint à l’entretien, Andreas Varélas. « Des matériaux sont réutilisés en dehors de tout contrôle de qualité« , note M. Varélas tout en reconnaissant que cette activité est pour certains migrants une question de survie.
Mais gare à ceux qui laisseraient traîner leur chariot dans la rue: la municipalité en a déjà collecté 2.000 depuis le début de l’année.
 TV5MONDE ATHENES (AFP) – 30.04.2012  Par Sophie MAKRIS  © 2012 AFP 

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