Récit : Je me souviens – Journalisme, information, liberté : changements de mentalités ?

 Médiapart 02 Mai 2012 Par GILLES WALUSINSKI
 Les attaques lancées contre les journalistes pendant cette campagne électorale de 2012 ne doivent pas nous laisser penser qu’elles sont nouvelles. Pour inadmissibles et terrifiantes qu’elles sont, atteintes à nos libertés fondamentales, il est bon de se demander s’il n’y a pas de profonds changements de mentalités que la société génère sans qu’on n’y prenne garde, au jour le jour.
C’est une anecdote dont je me souviens  qu’il me plait de rapporter ici.
Le 9 février 1968 le Conseil d’administration de la Cinémathèque Française décide de « débarquer » Henri Langlois de sa direction. Le lendemain comme presque tous les jours je me présentais en début d’après midi devant la salle du Palais de Chaillot pour assister à la première séance et aux suivantes. Etudiant à l’école Louis Lumière, encore installée rue de Vaugirard, je bénéficiais du tarif préférentiel, un franc et un centime la séance. J’en apprenais plus sur le cinéma et la photographie à Chaillot qu’à Vaugirard ou la majorité des professeurs de l’époque passait plus de temps  au bistro à l’angle de la rue Littré que dans des locaux qui avaient été déclarés insalubres en 1925 !
C’est donc le 10 février 1968, à 14 h que je me trouvais devant les grilles fermées de la Cinémathèque. Il pleuvait ce jour là et deux autres personnes faisaient, comme moi, ce constat découlant d’une décision d’un Malraux Ministre. Étaient donc présents François Truffaut et Jean-Luc Godard et moi jeune étudiant. Truffaut décidait de créer le « comité de défense de la Cinémathèque » dont je peux me vanter d’être le détenteur de la carte n° 3 !
J’en viens à mon sujet principal :  Jean Luc Godard était venu avec une bombe de peinture noire et devant moi, qui n’avais pas pris d’appareil photo, tagua le mur gauche de l’entrée : « Malraux = Goebbels ». Environ une heure plus tard, quelques personnes étaient venues se casser le nez devant ces grilles baissées et un photographe, journaliste à l’AFP,  tenta de photographier la scène. C’est alors que Jean Luc Godard le malmena en le traitant de flic, vendu, etc…
Le 14 février eut lieu une grande manifestation au Trocadéro pour la défense de la cinémathèque de Langlois. Les CRS donnèrent du bâton, il y eut des blessés. Quelques jours plus tard, une autre manifestation se tint devant le siège de la Cinémathèque dans le quartier de la plaine Monceau. C’est la première fois qu’on y vit des étudiants de Nanterre et des CRS vêtus en coléoptères. Un des jeunes ayant été choppé par un de leur mandibule, on assista à la prise de parole d’un jeune rouquin, grimpé sur un appui fenêtre qui harangua la foule et convainquit le CRS de lâcher sa proie. Vous avez reconnu Daniel  Cohn Bendit !
Daniel Cohn Bendit à droite sur la fenêtre…© Gérard Aimé
Tout photographe connaît maintenant la difficulté qu’il rencontre à saisir des images dans des lieux publics. Il est très, trop, fréquent de s’entendre dire qu’il est interdit de photographier. Oublié le slogan de 68 : il est interdit d’interdire !

C’est moi en arrière plan, Truffaut, et Jean Pierre léaud en avant plan© Gérar Aimé
Merci à Michel Puech et surtout à Gérard Aimé pour ses photos !
http://www.gerard-aime.com/phototheque/index.php?/category/1771
 

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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