Le champ de mines que l’équipe de Sarkozy laisse au nouveau gouvernement …

Le Canard Enchaîné du mercredi 16 mai 2012
Le catalogue que l’on redoute : Déficit, chômage, plans sociaux, administrations en ébullition, François Hollande ne préside pas un pays normal… 
La croissance diminuée
Selon les dernières prévisions de la Commission européenne, le déficit public de la France devrait atteindre, l’année prochaine, 4,2% et non 3% comme promis par Hollande… et par Sarkozy. Les deux présidents, le sortant comme l’entrant se sont montrés beaucoup plus optimistes que Bruxelles en matière de croissance (1,7% contre 1,3% pour les eurocrates). Mais, si ces chiffres se confirment, c’est Hollande et pas Sarko, qui va devoir trouver, dès les deux prochains budgets, 24 milliards d’économies ou d’impôts nouveaux pour parvenir aux sacro-saints 3% de déficits publics.
Promesse à laquelle il n’entend pas renoncer. Il en faut plus pour démonter le nouveau président. « Nous avons anticipé (ces mauvaises nouvelles) » a-t-il crânement lancé. Et ses lieutenants de renchérir : « Nous allons changer de politique économique au niveau national et européen pour stimuler la croissance » a affirmé Michel Sapin. 
Les funestes prévisions de la Commission vont-elles se confirmer ? Comme le FMI, dont le Canard (25/3) a salué la constance dans l’erreur, elle s’est presque toujours trompée par le passé. Dernière illustration : il y a un an, Bruxelles prévoyait pour la France une croissance de 2%. Aujourd’hui, elle ne lui concède que 0,5%.
Gros boulot contre le chômage
 Dix moi  d’augmentation ininterrompue du chômage ! Le pire héritage laissé par Sarko et par la crise. Selon les calculs savants des économistes, il faudrait au minimum deux points de croissance juste pour maintenir le niveau de l’emploi. Alors, pour inverser la courbe…
Le président élu a trouvé la martingale : les « contrats de génération », lesquels consistent à aider les entreprises à garder les seniors qui formeront des jeunes embauché en CDI. Mais, compte tenu des expériences passées, l’objectif des 500 000 embauches semble un rêve encore lointain. De plus, la formule magique coûtera une fortune : 2,5 milliards. La suppression d’une partie de l’exonération des charges sur les heures sup devrait permettre le financement. Le ministre du Travail ne va pas chômer.
L’intérieur en garde à vue
 Place Beauvau, le nouveau ministre de l’Intérieur va trouver de quoi s’occuper. Il devra d’abord gérer le coup de fièvre, soigneusement entretenu par les syndicats de droite, après la mise en examen d’un policier pour « homicide volontaire ». Ensuite, plusieurs rapports pétaradants de la Cour des comptes vont lui être transmis. L’un sur l’état – déplorable – de la préfectorale, et au moins deux sur la « durée du temps de travail » comparée des policiers et des gendarmes. Lesquels ont été réunis sous le même toit par la volonté de Sarkozy mais dont la charge de travail est très inégalement répartie, ce qui entretien rancœur et jalousie.
Le « premier flic de France » devra également mettre fin à la guerre larvée entre policiers et commissaires. Il devra donc d’abord être un DRH et se débrouiller pour écluser un stock de 20 millions d’heures supplémentaires, non payées et non récupérées ! Les 5 000 nouveaux fonctionnaires – en cinq ans – promis par le candidat Hollande auront du mal à remettre de l’ordre dans la maison.
Les retombées de Fessenheim
Avec Fessenheim, Hollande va souffrir. Il ne sera pas seulement le premier président français à fermer une centrale en activité. Il sera aussi le premier à conduire son démantèlement, son remplacement par d’autres sources d’énergie et le reclassement de 700 salariés directs. Sans parler des centaines de sous-traitants auxquels il faudra proposer des débouchés. Le tout sous la pression des écolos, qui font de cette fermeture la condition d’une bonne entente avec les socialistes.
La facture, à la charge d’EDF, se chiffrera en milliards d’euros. Pour que l’image d’un président socialiste coordonnant un vaste plan social ne fasse pas trop tache, il faudra que son entourage s’active. Le PS a évoqué un vague « groupe de travail » qui planche depuis plusieurs semaines sur la question. Si plusieurs experts ont été consultés, la CGT, bien implantée à Fessenheim, et résolument opposée à la fermeture, n’a pas eu cet honneur. Ni celui d’une visite sur le site, que le candidat Hollande, prétend-elle, lui avait promise. Le climat social s’annonce électrique.
Les prisons cherchent une sortie
Un record : plus de 66 500 détenus dans les prisons françaises, avec, dans beaucoup de maisons d’arrêt, des taux de surpopulation qui atteignent 200%. Dans les coursives, la nuit, un seul surveillant a la charge de 100, voire 120 prisonniers. Et les nouvelles prisons « modernes » ont encore aggravé la situation léguée par le gouvernement Sarkozy. « C’est n’importe quoi ! On a agrandi le parc pénitentiaire sans recruter suffisamment, on en a tous ras-le-bol »se plaint Celine Verzeletti, patronne de la CGT-pénitentiaire, qui en appelle à une autre politique pénale. Et  elle ajoute : « Mais il faudrait que ça change vite ! »
Vite, mais quand ? Déjà, çà et là, éclatent des mouvements spontanés. « Tout est réuni pour que ça pète, prédit un procureur. Entre un entassement inadmissible et la chaleur de l’été, on court au cataclysme… »
Avant Sarkozy, qui a rompu avec cette tradition, l’élection présidentielle était l’occasion d’une amnistie qui faisait baisser la pression. Et les socialistes n’ont pas du tout l’intention de revenir en arrière.
La Sécu en longue maladie
Le déficit du budget de l’Etat occupe tous les esprits et fait oublier celui des comptes sociaux. Pour François Hollande, ce serait presque une bonne nouvelle : la branche maladie de la Sécu n’a été en déficit « que » de 8,6 milliards d’euros en 2011, soit 3 milliards de moins que l’année précédente. Mauvaise nouvelle : ce résultat est principalement dû à une réduction drastique du personnel. Mais le gisement paraît épuisé. Or, l’équipe du candidat Hollande (comme celle de Sarkozy d’ailleurs) prévoyait une augmentation mécanique des dépenses de santé d’environ 3%. Soit à peu près 1 milliard de plus. Il faudrait ajouter l’assurance contre la dépendance que le nouveau président s’est engagé à mettre en place.
Où trouver les sous ? Vu que les maladies graves ou chroniques entièrement remboursées représentent 60% du total dépensé par la Sécu et que les salaires payés par les hôpitaux comptent, eux, pour 65%, les filons sont rares. Et, en plus, François Hollande est toujours attendu sur les franchises médicales, les taxes sur les régimes complémentaires et autres babioles contre lesquelles les socialistes se sont élevés avec force, mais dont la suppression coûterait bonbon et n’est pas financée.
Une prune à 4 milliards
C’est une ardoise surgie du passé, que personne n’a vu venir. La Cour européenne de justice a condamné la France à payer quelques 4 milliards d’euros à des fonds d’investissement étrangers qu’elle estime avoir été injustement taxés. Le contentieux remonte à 2004. Sarkozy, alors à Bercy avait décidé d’imposer à 30% les dividendes versés par les fonds d’investissement étrangers alors que les fonds français en étaient exonérés.
Insupportable « entrave à la liberté de circulation des capitaux en Europe », a jugé la Cour européenne.
Apparemment, aucun des brillants conseillers de Bercy ou de Matignon n’avait vu le problème. La nouvelle est doublement mauvaise pour le tout jeune gouvernement. Il va devoir non seulement régler le passif, mais aussi instaurer un nouvel impôt pour taxer les fonds français au même taux que leurs homologues étrangers.

A propos werdna01

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