» Le Monde » a rencontré des acteurs de la société qui réclament l’apaisement après le quinquennat de N. Sarkozy

LE MONDE |  15.05.2012

Après l’élection, l’attente et l’espoir, sans illusions

Par Service Société, avec les journalistes d’« Une année enFrance »
Ont voté. Ont élu. Ont été, pour beaucoup d’entre eux, de cette majorité qui a porté François Hollande à la présidence de la République, le 6 mai. Et les voilà dans cet entre-deux singulier, où l’ancien pouvoir n’est plus et où le nouveau n’est pas encore. Dans ce temps suspendu où, d’acteurs, ils sont redevenus spectateurs. Les harangues se sont tues. Les sondages sont provisoirement au repos. Les regards se portent ailleurs.
C’est ce moment d’attente que l’on a cherché à saisir, en demandant à quelques Français ce qu’ils espèrent de ce changement. Ils sont enseignants, magistrats, policiers, médecins, chercheurs, éducateurs, inspecteurs du travail ou responsables d’association. Ils ont des espoirs, bien sûr, mais ils sont d’abord sûrs de ce dont ils ne veulent plus.
Au commencement est le soulagement. « Presque une libération », affirme Lionel Laboudigue, 40 ans, l’un de ces enseignants Rased – acronyme de Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté -, auquel l’académie avait annoncé en mars que sa mission à Tours ne serait pas reconduite à la rentrée.
Ces postes sont dans le collimateur de l’Etat depuis qu’en 2008 Xavier Darcos, alors ministre de l’éducation, a décidé de les remplacer par une aide personnalisée, effectuée en dehors du temps scolaire, par les enseignants déjà chargés de classe. Environ 2 500 des 15 000 postes Rased ont été supprimés entre 2008 et 2011. Et 2 500 doivent l’être à la rentrée 2012.

Celui qu’occupe Lydie Moralès, 53 ans, dans les Hauts-de-Seine, est du nombre. « En trente-cinq ans de carrière, c’est la première fois que j’ignore où je ferai ma rentrée », dit-elle. Avec l’alternance, elle a « repris espoir ». Du quinquennat qui vient de s’écouler, elle garde le sentiment d’une profonde « déstabilisation ». « C’est difficile de faire comme si de rien n’était, quand le sens même de votre mission est remis en question, que l’on maltraite vos compétences. »
« ENSEIGNANT EST QUASIMENT DEVENU UN GROS MOT »
Lionel Laboudigue, spécialisé Rased depuis un an, avait lui aussi le sentiment d’avoir « trouvé sa voie », après quinze ans de carrière dans l’école publique. « On est la soupape qui fait diminuer la pression entre ces enfants et leurs appréhensions face à l’école. Sans cette soupape, le risque d’imploser devient énorme. Que deviendront-ils si on arrête de les aider ? On peut imaginer qu’ils seront éjectés du système scolaire à un moment ou à un autre. »
Pour lui, les années Sarkozy ont surtout porté atteinte au métier d’enseignant. « ‘Enseignant’ est quasiment devenu un gros mot. Le gouvernement n’a cessé de nous décrire comme des feignants ou des fonctionnaires arc-boutés sur leurs acquis. »
Du futur gouvernement socialiste, Lionel Laboudigue espère simplement qu’il impulsera une « nouvelle politique éducative ». « Les déclarations sont prometteuses, indique-t-il. On sent une volonté de recréer le dialogue, de mettre fin à ces programmes inadaptés, de réfléchir sur les rythmes scolaires… Bref, de reconstruire de manière cohérente, sans dresser les gens les uns contre les autres. »
Le quinquennat de M. Sarkozy a indirectement « réveillé le sens de l’engagement » chez Lydie Moralès, au sein de la Fédération nationale des rééducateurs de l’éducation nationale. « Ce n’est pas vraiment dans ma nature d’être sur le devant de la scène, mais la négation de notre mission m’a donné l’envie, le courage de me battre pour sa réhabilitation. »
Une réhabilitation en cours, elle n’en doute pas. « Quand, lors du débat télévisé de l’entre-deux tours, François Hollande a lâché le mot ‘Rased’, j’ai vraiment eu le sentiment qu’il nous avait entendus. Une relégitimation. Et s’il se mettait, aujourd’hui, à freiner… on l’aiderait à desserrer le frein ! »
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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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