Mai 2012 -Il n’y aura pas d’Etat de grâce pour le nouveau président, mais peut-être un effet de surprise.

LE MONDE | 12.05.2012

L’Etat de surprise

Mai 2012 n’a pas tout à fait le même parfum que mai 1981. Les Français de gauche sont soulagés d’avoir bientôt un gouvernement qui leur ressemble. Les plus jeunes sont éblouis d’entendre un président qui leur parle, au lieu de se méfier d’eux. Mais le contexte est bien différent. La jeunesse ne rêve pas d’un monde nouveau, mais d’un monde moins mauvais. De paroles apaisantes et d’actes justes. De trouver un logement et si possible un travail. Elle sait bien que le nouveau président ne peut pas tout et, d’ailleurs, c’est l’un des tours de force de sa campagne, il n’a pas promis grand-chose. Si ce n’est de faire au mieux, malgré les déficits, pour relancer la croissance et sauvegarder ce qui peut l’être. Ne pas flatter les tensions inutiles, ni les passions mauvaises, mais se montrer exemplaire et rassembleur. Peut-on faire moins révolutionnaire et plus consensuel ?
Et pourtant, certains Français de droite paniquent, comme en 1981. Ils ont si peu l’habitude de l’alternance présidentielle qu’ils finiraient par oublier que les Français de gauche sont aussi la France… Les dernières semaines de campagne n’ont rien arrangé. Après l’élection, Nicolas Sarkozy n’a eu aucun mal à quitter les habits du candidat diviseur pour jouer la partition de la continuité républicaine. Il en va autrement de son public. Aux fantasmes agités pendant la campagne s’ajoute un rejet presque physique pour la France de gauche, qui tourne à la défiance antidémocratique.
La maire UMP d’Aix-en-Provence, Maryse Joissains-Masini, a illustré cette posture jusqu’à la caricature, en livrant son dégoût pour le nouveau président à la caméra d’un média local. Un entretien très choquant, où elle dit ne pas être tenue par l’élection d’un homme élu au suffrage universel. Elle juge le nouveau président « illégitime » voire « dangereux pour la République », parce qu’il est de gauche, qu’elle ne le trouve pas beau et qu’il a de « petits bras ». Elle se félicite d’entendre les Aixois prôner la désobéissance civile, comme le fait de ne plus payer ses impôts, se dit prête au « combat » et veut même déposer un recours pour faire annuler l’élection !
Un marigot de populisme
On pourrait sourire si de telles déclarations ne venaient pas d’une élue, et si elles ne laissaient transparaître un marigot de populisme propre à nourrir la vague bleu Marine qui emportera la droite républicaine dans certaines régions de France…
Mais il existe un scénario plus optimiste. Après avoir paniqué, comme en 1981, une partie de la France de droite pourrait reprendre ses esprits et découvrir son nouveau président avec des yeux plus apaisés. Un homme plus compétent qu’ils ne l’avaient imaginé, plus républicain et laïque qu’ils ne l’ont fantasmé, et dont la seule élection relance la perspective d’une Europe moins austère.
Il n’y aura pas d’Etat de grâce pour le nouveau président, mais peut-être un effet de surprise. Nicolas Sarkozy a été élu dans la ferveur, par une France qui espérait beaucoup de lui et qui a donc été terriblement déçue. François Hollande a été élu par une France de gauche qui attend peu et une France de droite horrifiée par avance. Au fond, il ne peut que surprendre.
Caroline Fourest, Sans détour

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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