Elections législatives – Sont-ils riches, diplômés, experts ou inclassables ? Une étude sur le profil des députés tue les idées reçues.

 Sud-Ouest 27/05/2012 Par Dominique Richard
Dix idées vraies ou fausses sur vos députés
  Une étude sur les députés pointe les profils et évolution (MAXPPP Christophe Petit Tesson)
«Sud Ouest » publie les principaux enseignements d’un remarquable travail publié au mois de septembre dernier dans les Cahiers du Cevipof. Signé par Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS, il est consacré à la sociologie politique des 2 857 députés de la Ve République élus entre 1958 et 2007.
Cette étude, menée notamment à partir des données biographiques des parlementaires, constitue une mine d’informations. Mais c’est aussi le tombeau d’un certain nombre d’idées reçues qui accompagnent le discrédit dont souffre la classe politique. Non, la Chambre des députés n’est pas le cénacle de la République des fonctionnaires. Oui, beaucoup de députés, de par leur travail et leur implication dans les travaux de l’Assemblée, donnent du sel à la démocratie. Au point que certains d’entre eux, devenus de véritables experts, pèsent de plus en plus sur les décisions du pouvoir exécutif
L’Assemblée nationale souffre malgré tout d’un handicap majeur révélateur du fossé qui n’en finit pas de se creuser entre le peuple et les élites. Les majorités peuvent bien changer, l’Hémicycle offre une image déformée de la diversité de la France. Si les classes moyennes et les représentants aisés du secteur privé ont pris une place importante, les classes populaires, depuis le recul du Parti communiste, et les femmes sont sous-représentées. Alors que le député de 1958 n’a plus rien à voir avec celui qui sortira des urnes dans quelques semaines, ce décalage ne se résorbe pas. « La crise de confiance dont souffre le personnel politique se nourrit de sa faible représentativité sociale », déplore Luc Rouban.
1. Plus riches à droite qu’à gauche – On s’en doutait un peu. Les arbres généalogiques des députés de droite et de gauche ne puisent pas leurs racines dans le même terreau. Les classes aisées sont surreprésentées (plus de 40 % en moyenne depuis 1973) au sein de la mouvance gaulliste, chez les centristes et les libéraux. Mais aussi parmi les radicaux de gauche, où les notables se sont toujours taillé la part du lion. Idem pour les rares députés d’extrême droite, FN et autres. Dans leur majorité, ils ne sont pas issus de familles habituées aux fins de mois difficiles. L’histoire de Jean-Marie Le Pen et de la maison au sol en terre battue de son enfance demeure une exception.
À gauche, près de 80 % des élus du Parti communiste ont grandi dans des milieux populaires. Un ancrage resté étonnement stable sous la Ve République. À l’inverse, le PS, souvent qualifié de parti bobo, s’est progressivement embourgeoisé. La proportion de ses députés appartenant aux classes supérieures, à l’image de François Hollande ou de Martine Aubry, atteint désormais 27 %.
Contrairement à une idée reçue, l’appartenance à la sphère de la fonction publique n’est plus un marqueur politique. Certes, un tiers des parlementaires socialistes a un père fonctionnaire. Mais, selon les sensibilités, c’est aussi le cas de 25 à 30 % des élus de droite.
2.  Un sur deux est fonctionnaire – La France d’en bas n’est toujours pas la bienvenue dans l’Hémicycle. Aujourd’hui comme au début de la Ve République, ouvriers et employés du secteur privé ne représentent que 2 % des députés. La proportion d’agriculteurs, d’industriels et de commerçants a été elle aussi réduite à la portion congrue. Depuis 1978, l’Assemblée nationale est dominée par les cadres du privé et les enseignants. Deux groupes dont la constante augmentation étoffe les bataillons des classes moyennes. Plus de 60 % des parlementaires en sont désormais issus.
50 % des députés élus en 2007 proviennent de la fonction publique, dont 19 % du monde de l’enseignement. Rien d’étonnant, la France étant l’un des rares pays d’Europe où les fonctionnaires investis d’un mandat national ont la certitude de retrouver leur poste si les urnes leur font grise mine. Les députés, dont 17 % seulement sont des femmes, ne sont pas représentatifs de la société française. Aussi bien à gauche, où l’on puise beaucoup trop dans le vivier public, qu’à droite, où, en dépit d’un indéniable recentrage social, la proportion d’élus venus des milieux aisés augmente à nouveau après avoir reculé
3. Droit ou Sciences Po – Le niveau monte, répètent depuis des années les spécialistes de l’Éducation nationale. Celui des députés aussi. En 1958, 25 % d’entre eux n’avaient pas conduit leurs humanités au-delà du certificat d’études. 80 % des députés sortis des urnes en 2007 affichent un diplôme supérieur au baccalauréat.
Même si l’Assemblée nationale a davantage de diplômés, les formations suivies par les élus de la nation ne varient guère. La filière droit et/ou Sciences Po, dont le succès ne se dément pas, séduit 40 % d’entre eux, contre 20 % pour les cursus scientifiques. Les ingénieurs sont une espèce en voie de disparition.
Malgré tout, le député d’aujourd’hui est de mieux en mieux formé en droit et en économie. Mais pas suffisamment cependant pour tenir la dragée haute aux hauts fonctionnaires des cabinets ministériels. Et contredire les spécialistes recrutés par les différents lobbies pour amender ou vider de leur sens les lois qui les dérangent.
4. D’abord la case élu local – Le chiffre paraît anachronique. 12 % des 2 857 députés élus entre 1958 et 2007, essentiellement des gaullistes et des communistes, ont fait leur entrée en politique par la Résistance.
L’époque où il suffisait d’avoir lutté contre l’occupant nazi pour voir s’ouvrir les portes du Palais-Bourbon est révolue. Tout comme celle où un passage par un cabinet ministériel permettait de jeter son dévolu sur une circonscription. À la manière de Jacques Chirac en Corrèze et des jeunes loups pompidoliens dans les années 1960.
La proportion des députés élus directement s’est effondrée chez les gaullistes et les centristes à la fin des années 1970. Le phénomène a touché le PS après la fin des années Mitterrand. L’entrée par la vie politique locale constitue aujourd’hui le sas quasi obligé pour prétendre à un mandat national. Près de la moitié des députés de la Ve République ont commencé leur carrière à l’échelon municipal ou départemental. En moyenne à l’âge de 34 ans.
5. Enfants de la décentralisation – Les lois de décentralisation votées dans les années 1980 ont profondément modifié le profil des députés. Les nouveaux venus, qu’ils soient gaullistes ou socialistes, ont désormais une forte implantation territoriale, alors que leurs prédécesseurs avaient beaucoup plus investi les postes de pouvoir au sein des appareils.
Chez les socialistes, c’est la vague rose de 1981 qui a envoyé pléthore d’élus locaux dans l’Hémicycle. L’évolution est encore plus frappante à droite. La nébuleuse centriste s’est toujours distinguée par son appétence pour les mandats locaux, du fait de l’influence de ce courant de pensée en milieu rural où l’on fabrique plus facilement des notables. Pour l’UMP, on peut presque parler de révolution. En 2007, 63 % des députés du parti sarkozyste avaient fait leurs premiers pas à l’échelon local. Ils n’étaient que 36 %, trente ans plus tôt, à l’époque de l’UDR.
Cet enracinement local va souvent de pair avec l’implication dans les instances de leur formation politique. Les trois quarts des députés ont détenu une position dans un appareil partisan avant d’être élus. Pour ce qui est des Verts, du PCF et du Front national, compte tenu de leur petit nombre, l’engagement s’effectue surtout dans les instances nationales. Le siège ou l’intérieur des fédérations départementales constitue pour tous les partis de gouvernement un réservoir d’où émergent en permanence des candidats.
6. Figure locale, élection nationale – Le député reste la figure d’un territoire, mais son élection dépend plus des thématiques nationales que des enjeux locaux. Impossible de ne pas être en phase avec les attentes de son électorat. Une circonscription marquée par un fort taux de chômage des jeunes, l’existence de nombreuses familles monoparentales et une main-d’œuvre peu diplômée sera souvent synonyme d’un vote d’extrême droite important. À l’inverse, la présence de populations de fonctionnaires favorise en règle générale la gauche.
Rien n’est mécanique, mais les logiques sociales pèsent sur les choix politiques. C’est en période de changement qu’elles sont le plus perceptibles. En 2002, la droite a emporté les législatives avec des candidats dont le profil socioprofessionnel incarnait une volonté de rupture. Les circonscriptions qui basculent alors voient souvent un représentant du monde enseignant céder sa place à un entrepreneur ou à un cadre du privé dont le rôle social est valorisé par l’électorat.
7. Deux mandats en moyenne – La trajectoire d’un personnage comme Henri Emmanuelli, élu quasiment sans discontinuer dans les Landes depuis 1978, est plutôt rare. Seuls des hommes comme Jacques Barrot ou Pierre Méhaignerie, descendants de familles enracinées de longue date dans des villes ou des territoires, atteignent une telle longévité.
En règle générale, les députés sont plutôt assis sur des sièges éjectables. 60 % d’entre eux n’effectuent pas plus de deux mandats. La carrière n’est pas une affaire d’étiquette. Gauche et droite sont logées à la même enseigne. Les dinosaures de la Chambre survivent par la qualité de leur ancrage local et la richesse des relations qu’ils ont su tisser dans leur pré carré. Le fait d’avoir été appelé à un moment ou à un autre pour siéger dans un gouvernement ne fait que les conforter. 14 % des 2 857 députés de la Ve République ont été titulaires d’un portefeuille de ministre ou de secrétaire d’État.
Dans les années 1960 ou 1970, on pouvait être ministre avant d’être catapulté dans une circonscription. Les temps ont changé, les parachutages étant de plus en plus mal vus de l’électorat. Certaines périodes sont plus propices que d’autres à la chasse aux maroquins ministériels. En 1981, le socialiste Pierre Mauroy avait appelé nombre de députés au gouvernement. Idem pour Jean-Pierre Raffarin en 2002. En 2007, Nicolas Sarkozy, qui n’avait pas la fibre très parlementaire, les avait snobés. L’arrivée de Jean-Marc Ayrault à Matignon marque un retour de balancier.
8. Professionnalisme conseillé
9 Des militants ou des experts
10. Le tiers qui n’aspire à rien
Fort heureusement, le travail de chaque parlementaire faisant désormais l’objet d’un suivi pointilleux de la part d’observatoires indépendants, l’anonymat qui les protégeait jusqu’alors pourrait ne pas durer autant que les impôts… qui les font vivre !

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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