L’Afrique du Sud face aux démons de l’apartheid

Le Monde du 21/08/2012

La sanglante fusillade de Marikana, au cours de laquelle trente-quatre mineurs grévistes ont été tués par la police sud-africaine le 16 août, laissera, à n’en pas douter, une trace durable dans la psyché collective nationale.

 Quatre jours après les faits – dignes des heures les plus sombres de l’apartheid,  seuls 27 % des mineurs avaient regagné leur poste hier matin.

 Ce mardi, la présidence a demandé à Lonmin, l’exploitant de la mine de platine de Marikana, de suspendre son ultimatum adressé aux grévistes pour qu’ils reprennent le travail. A travers le pays, le drame de la semaine dernière a suscité un vif émoi mâtiné de colère – un sentiment avivé par la frustration vis-à-vis d’une société perçue comme très inégalitaire.

Dans un geste « hautement politique », juge le Daily Telegraph, le président sud-africain, Jacob Zuma, a décrété dimanche une semaine de deuil national, après avoir ordonné, deux jours plus tôt, l’ouverture d’une enquête officielle pour établir « les causes réelles de cet incident ». Allant au-delà des critiques de la presse, qui, à l’instar du Times Live, a fustigé un « déficit de gouvernance », Julius Malema, l’ex-leader de la ligue de jeunesse de l’ANC (le parti au pouvoir), a accusé le chef de l’Etat d’être responsable du massacre.

 Le trublion populiste de l’ANC, dont le Mail & Guardian se fait l’écho, a également prédit que « beaucoup allaient mourir dans la lutte pour la liberté économique ». La « bulle post-apartheid » aurait-elle fini par éclater ? Al-Jazira en est convaincu, qui pointe un fossé béant entre le « récit officiel », centré sur la paix et le progrès, et une réalité beaucoup moins engageante. Une réalité dans laquelle, dénonce The Sowetan, « la valeur de la vie humaine continue d’être insignifiante ».