Célébration posthume d’une icône de la planète média : Jean-Luc Delarue

Le site d’Olivier Mathieu dit Robert Pioche – 25/08/12 –

il fait la une de tous les grands médias français ! Exit la crise, les banques, la guerre, retenez votre souffle et vos larmes…
Et donc, le producteur de télévision Jean-Luc Delarue est mort d’un cancer à l’estomac. Il n’était âgé que de 48 ans. Ce qui est évidemment fort jeune, si l’on considère que Christophe Dechavanne, lui, est né en 1958, et a donc six ans de plus que son collègue.
Avant de devenir “l’un des animateurs” (étymologiquement, comme on sait, animateur signifie celui qui donne une âme) ”les plus emblématiques du service public”, Jean-Luc Delarue avait travaillé dans la pub. Ma foi, Dechavanne avait été agent immobilier…
Il était né à Paris en 1964, comme l’écrit Le Monde, “d’un père d’origine russe, professeur de civilisation américaine, et d’une mère d’origine hongroise”. Le reste est connu : en 1992, Delarue devient simultanément producteur et  “animateur” de “La grande famille”.
Et, au sein de cette “grande famille” de la télévision, voici Delarue ami des plus grands journalistes et animateurs français. Par exemple le très emblématique Michel Drucker, (qui était quant à lui fils d’Abraham Drucker, lui aussi originaire d’Autriche-Hongrie, et de Lola Schafler, quant à elle d’origine viennoise). Enfin, Delarue devient le fils spirituel du super emblématique Elkabbach.
Certes, il y aura aussi quelques zones d’ombre. Fin 1995, le député Alain Griotteray révèle, dans un rapport parlementaire puis dans un livre, bien des secrets sur L’Argent de la télévision. Delarue n’y est pas épargné. C’est la rencontre, ensuite, avec les très emblématiques Jacques Essebag (encore mieux connu sous le pseudonyme d’Arthur) et Nagui Fam (dit Nagui).
On lit dans Le Monde : “Avec Nagui et Arthur, Jean-Luc Delarue devient alors le symbole de cette débauche d’argent public finançant des sociétés  de production privées”. En 2007, durant un vol entre Paris et Johannesburg, Delarue fait des siennes, comme un vulgaire Depardieu; et il est accusé d’une agression sexuelle – il aurait palpé les seins d’une hôtesse de l’air.
Voir par exemple:
http://www.lepoint.fr/societe/depardieu-urine-devant-des-passagers-ou-les-frasques-des-people-en-vol-17-08-2011-1363546_23.php
Il rencontrera, par chance pour lui, dit-on, des juges “très prévenants” :
http://www.lefigaro.fr/france/20070331.FIG000000712_affaire_delarue_polemique_sur_des_juges_tres_prevenants.html
Puis il est arrêté dans le cadre d’une affaire de trafic de cocaïne (à son domicile, les policiers découvrent seize grammes de drogue). “On ne peut pas avoir des pratiques addictives et délictueuses et être tous les jours à l’antenne, donner des leçons aux gens”, estime alors Rémy Pflimlin, PDG de France Télévisions. La voix du bon sens.
Sur son rapport avec la drogue, on pourra consulter:
http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/07/03/le-dealer-de-cocaine-de-jean-luc-delarue-decrit-les-exigences-de-son-client-vedette_1728392_3224.html
En définitive, un journaliste de télé est mort, et il est mort assez jeune: à 48 ans. La chose est regrettable. Une fois cela dit, cependant, il me faut avouer quelque surprise si je considère le nombre d’articles qui sont consacrés à son décès.
Quel déluge de commentaires pour Delarue, si l’on songe au presque silence qui a entouré, il y a quelques semaines, le décès de l’un des plus grand génies de l’art lyrique du vingtième siècle, Dieter Fischer-Dieskau.
Des gens – jeunes ou pas – meurent à chaque instant, dans le monde entier, de cancer. Ma propre mère est morte d’un cancer. Elle parlait dix-sept langues (j’hésite à croire que Delarue en parlait dix-huit), elle avait trois doctorats (j’hésite à penser que Delarue en avait quatre), elle était enseignante d’Université mais elle gagnait dix mille francs par mois et, à sa mort, elle n’a pas eu droit à une seule ligne dans la presse. Elle ne devait pas être assez emblématique.
Ma mère gagnait dix mille francs par mois en 1988, mais Delarue avait 40 000 € de revenus mensuels en 2008 et 30 millions d’euros de patrimoine en 2005… Donc, la presse n’en fait jamais autant quand il s’agit de simples citoyens. N’existe-t-il pas un évident problème dans cet abus quantitatif de nécrologies, rédigées par des journalistes en l’honneur d’autres journalistes?
Si l’on veut dire les choses comme elles sont, il est également assez évident que ce monsieur Delarue, probablement depuis plusieurs années, n’était pas – ou n’était pas toujours – dans un état très “normal”. Dans d’autres milieux, voire dans la plupart des autres professions – des professions souvent mille fois moins rémunérées – les gens auraient risqué de s’en apercevoir plus vite.  Mais probablement, parmi les “animateurs” de la télé, le cas de Delarue n’était-il pas unique?
Du moins, je connais pour ma part d’autres animateurs de télévision qui, si l’on en jugeait seulement par leur excitation voire par leur surexcitation face à la caméra, ou encore par l’aisance avec laquelle ils profèrent de parfaites crétineries…
Pour Christophe Dechavanne, un autre de ces “animateurs” chargés – toujours en s’en tenant, ici, à l’étymologie du mot “animateur” – par des chaînes de télévision de donner une “âme” au petit peuple, la mort de Jean-Luc Delarue est une “catastrophe”. “C’est quelqu’un que j’aimais beaucoup et qui me faisait beaucoup rire. On s’entendait très bien (…) Il était brillant et drôle et il était aussi un peu givré parfois. Comme on l’est tous dans ce métier”, a commenté M. Dechavanne.
Il y a quelque temps, Delarue avait révélé son désir “d’atteindre la rédemption par le biais d’une autobiographie” où il aurait raconté – entre autres – son enfance et son grand-père juif hongrois.
C’est ici :
http://www.programme-tv.com/actu/13704/Quand-Jean-Luc-Delarue-livre-toute-son-histoire.html
Gala.fr a livré ce qui serait un extrait de cette autobiographie, ici :
http://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/jean-luc_delarue_prepare_un_livre-confession_187986
«Je ronronnais, j’avais les larmes qui me gonflaient les paupières, mais pas question de les laisser rouler, j’étais du sang de cet homme, j’étais moi-aussi un Juif hongrois, fier, ferme et si gentil, si gentil.»
Qui sait si Delarue a eu le temps d’achever cette autobiographie?
Mais qui était-il, alors, Jean-Luc Delarue?
Fils spirituel d’Ellkabach, soit. Ami de son collègue Drucker, avec lequel il partageait aussi ses origines hongroises, soit. Ami de Jacques Essebag (dit Arthur), soit. Ami du sympathique Christophe Dechavanne, mille fois oui.  Drogué aussi? Oui.
Pourtant, ne jetons pas la pierre à cet homme qui, selon Jean-Pierre Ellkabach, était le “symbole d’un univers qui dévore ses enfants”. Certes, personne ne demande à quiconque de faire partie de cet “univers”, et il est toujours loisible à qui que ce soit d’aller bosser à l’usine ou de gagner le SMIC.
D’ailleurs, il n’est certainement pas si facile que cela à tout un chacun d’entrer dans cette fameuse “Grande Famille”, à laquelle Delarue a indissolublement lié son nom, et dont il a bien mérité. Que Delarue ait été drogué, ou qu’il ait commis quelques frasques, il convient de le lui pardonner. Delarue était producteur de télé. Oui. Millionnaire. Oui.
Mais me sera-t-il permis de simplement suggérer que l’on n’insiste pas trop sur le mot “animateur”, vu que ce mot signifie “celui qui donne une âme“? Mais, avec  tout le respect qu’ils méritent, je n’attends pas – en ce qui me concerne – que ces deux grands hommes de la télévision française, feu Delarue et Dechavanne, me donnent une âme…

Delarue : la presse est unanime. Le show-bizz raffole de ces adieux émouvants à la vedette trop tôt disparue qui avait tant apportée et avait tant à apporter. Delarue, le pauvre est hypocritement accablé de compliments qui cachent mal les haines, jalousies, rancœurs qu’il suscitait dans sa carrière, qui est également « exemplaire » de ceux qui le pleurent sur les plateaux. (Contrepoints 25 août)

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