Encore un Grrrrenelle : Hollande recycle les déchets sarkozystes !

Le Canard Enchaîné – mercredi 5 septembre 2012 – Jean-Luc Porquet
C’était il y a cinq ans. Le 25 octobre 2007, devant Al Gore et Nicolas Hulot subjugués, le tout nouveau président Sarkozy clôturait le Grenelle de l’environnement en affirmant qu’il s’agissait de l’ »acte fondateur d’un New Deal écologique en France, en Europe et dans le monde », carrément. De son côté, le ministre Borloo allait partout en clamant que ce Grenelle allait « sauver la planète ». On savait s’amuser à l’époque ! Le grand show vert avait fini par déboucher tardivement sur deux lois, dont on peut mesurer aujourd’hui les effets : l’an dernier, la France a consommé plus de pesticides que jamais, les émissions de CO2 sont reparties à la hausse, le bétonnage des sols se poursuit de plus belle, les émissions de particules fines ont à peine baissé, etc.
Et voilà que Hollande remet ça, mais à sa manière : son petit Grenelle à lui, prévu les 14 et 15 septembre, s’appelle tristounettement « Conférence environnementale ». Comme le Grenelle, il rassemblera écolos, syndicats, patrons et élus locaux, mais, à la différence du Grenelle, il n’a été précédé d’aucune déclaration démagogique. Mieux : il ne pourra décevoir personne, puisque depuis trois mois, Hollande et ses ministres montrent clairement qu’il ne faut pas compter sur eux pour « sauver la planète » ou quoi que ce soit d’autre.

Dès le 21 juin, la ministre Bricq, qui voulait suspendre les forages pétroliers en Guyane, est mutée. Puis le Premier ministre Ayrault déclare que « le débat sur l’exploitation du gaz de schiste n’est pas tranché ». Traduction : bientôt de nouveaux forages. Le nouveau ministre de l’Industrie Montebourg s’amuse à provoquer les écolos en affirmant que le nucléaire est « une filière d’avenir ». Et, pour achever de les énerver, la ministre pronucléaire de l’écologie Batho, évoquant le futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes, ne cache pas sa joie : il s’agit d’ « une infrastructure dont nous avons besoin » (alors qu’il est, rappelons-le, en contradiction complète avec les orientations du Grenelle).
Refusant début août la Légion d’honneur dont voulait la décorer l’ex-patronne des Verts Cécile Duflot, la chercheuse de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) Annie Thébaud-Mony a rappelé dans un courrier public que, en France, malgré tous les bla-bla grenelliques et autres, les industriels continuent de mettre délibérément en danger la santé des salariés, tandis que les pouvoirs publics regardent prudemment ailleurs : « Au terme de trente ans d’activité, il me faut constater que les conditions de travail ne cessent de se dégrader […] supportées par les plus démunis des travailleurs, salariés ou non, dans l’industrie, l’agriculture, les services et la fonction publique […] dans une terrible indifférence ».
Encore une qui n’a rien compris au redressent productif…
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Comme avec Sarkozy en 2007, les vrais sujets ne seront pas discutés. Et surtout pas le nucléaire.
Charlie Hebdo – mercredi 5 septembre 2012 – Fabrice Nicolino
C’est pas pour dire du mal, mais les socialos sont dans une merde royale. Le 14 septembre commence une pompeuse Conférence environnementale, grossière copie du Grenelle de l’environnement lancé par Sarkozy après son élection. Comme le précédent, le raout a toutes les apparences d’un grandiose enfumage.

Aujourd’hui personne n’est capable de dire ce qui va se passer. Tête des mous du genou de France nature environnement (FNT), qui avaient pourtant tout accepté de Sarkozy et qui dénoncent cette fois « le flou artistique autour de la Conférence environnementale ». Quinze jours avant le début des festivités, l’identité des participants, l’intitulé des tables rondes, la liste des questions abordées n’étaient pas connus !
Les choses ont commencé à bouger le 29 août, au cours d’une réunion tenue au ministère de l’Ecologie. Il y aura finalement 5 tables rondes, dont deux de pure parlotte, sur la « gouvernance écologique » et la « fiscalité écologique». Le reste n’est pas mal non plus : « biodiversité », « risques sanitaires environnementaux » et, surtout, « énergie ». Cette dernière, évidemment stratégique, sera menée par Delphine Batho, ministre de l’Ecologie, et un certain Arnaud Montebourg, qu’on ne présente plus.
Avenir et compétitivité
Le malheur burlesque, c’et que Hollande et Ayrault ont déjà réglé les questions essentielles en cachette. L’agriculture – dont les biocarburants – et la question de l’eau sont taboues, car Le Foll, le ministre, a dealé avec la FNSEA, aujourd’hui dirigée par le grand céréalier Xavier Beulin. Lequel réclame que la conférence du 14 lui accorde « un certain nombre d’aménagements » pour les « contraintes environnementales » au nom de la « compétitivité ». On voit. Idem pour le gaz de schiste, traité directement, en face à face, par Hollande et Christophe de Margerie, patron de Total. La technique de fracturation hydraulique ayant été interdite l’an passé par une loi, ces messieurs préparent un autre emballage, de manière à pouvoir autoriser, d’ici deux ou trois ans, des forages.
Mais le plus goûteux morceau reste le nucléaire. Comme Sarkozy en 2007, Hollande et Ayrault, veulent éviter à tout prix un véritable débat. La sortie récente de Montebourg – « le nucléaire est une industrie d’avenir » – s’explique en partie de la sorte. Comme dans un ballet bien rythmé, on aura vu les « durs » – Montebourg et Valls – adoucis par les « tendres » -Batho et Sapin -, puis vaguement sermonnés par Ayrault, en meneur de bal.

En 2007, Sarkozy entendait fourguer une centrale nucléaire à Khadafi et avait annoncé la couleur dès le départ. Cette fois, Hollande and co essaient de jouer aux plus fins, mais tout indique que cela ne se passera pas aussi bien. Greenpeace fait mine de se révolter et, dans un entretien donné à Médiapart, son nouveau directeur, Jean-François Julliard, gueule un coup : « La centrale EPR de Flamanville est totalement absurde. Il n’y a aucune justification à la construction de ces nouveaux réacteurs. Il est complètement paradoxal d’avoir un chef d’Etat qui annonce vouloir lancer un vrai mouvement vers une réduction du nucléaire, et qui construit une nouvelle centrale dont nous n’avons pas besoin. Cela ne rime à rien ».   

Figuration écologiste
Certes, sauf surprise de dernière minute, tous les écologistes officiels de 2007 seront au rendez-vous du 14 septembre. Mais avec quand même un peu moins d’illusions. Franck Laval, « inventeur » du Grenelle de l’environnement et écolo historique déclare à Charlie : « Les annonces récentes, sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, sur le gaz de schiste ou le nucléaire, sont catastrophiques. Mais la grande terreur des socialistes, c’est de faire moins bien que Sarko en 2007, alors on va essayer d’obtenir quelque chose. Notamment à propos de la santé. Reste que les lobbies de l’énergie ne sont évidemment pas inquiets. Il faut dire qu’ils tiennent tous les rouages ».  
C’est cruel, et pour ce gouvernement et pour les écolos, qui y font de la figuration. Mais ça pourrait bien être vrai. Le nucléaire est l’un des rarissimes secteurs industriels où l’Etat peut encore agir. Tout le reste obéit à des règles financières mondialisées contre lesquelles le ministère de la Parole, à la mode Montebourg, ne peut rien. Un vieux responsable d’Europe Ecologie, opposant dans son propre parti estime pour Charlie : « Sauf erreur de ma part, aucun ministre socialiste ne conteste le nucléaire, et plusieurs sont de purs et simple militants de l’atome. Et cela dans un pays où la majorité de l’opinion est en faveur d’une sortie du nucléaire. Franchement, qui trouverait cela normal ? »

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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