Université de Fribourg : l’expérience par les plantes

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 30.08 2012

Deux Allemands bio-inspirés par les plantes

Cette fois, nos collègues nous ont vraiment pris pour des fous », s’amuse Thomas Speck, de l’université de Fribourg, en racontant sa dernière expérience.
Ses étudiants ont simplement laissé tomber des pomelos du haut de la fenêtre du laboratoire (à 13,7 et 21,7 mètres) pour observer les dégâts. Le but était de mesurer quand le fruit allait pourrir. Car si cela arrive trop vite, le fruit n’aura pas le temps d’être mangé, ce qui nuira à la dispersion des graines par les chauves-souris ou les singes.
Le fruit a donc la peau dure, mais pas trop non plus. Incidemment, cette propriété, due à une alternance de couches contenant des pores alternativement ouverts et fermés, a inspiré le chercheur pour concevoir des pare-chocs automobiles à base de mousse.
Ce n’est ni un coup de chance ni un coup d’essai pour celui qui, en plus du jardin botanique de l’université, dirige le centre de ressources biomimétiques du Bade-Wurtemberg. A sa porte, des industriels frappent pour trouver de nouvelles idées.
L’effet lotus

Précédemment, en s’inspirant de l’organisation des fibres de la canne provençale (Arundo donax), son groupe a imaginé des matériaux légers et très solides.

 

A partir de Strelitzia reginae, dite oiseau de paradis, et du système d’ouverture de sa fleur lorsqu’un oiseau se pose dessus, il a conçu des volets occultants qui pivotent sans charnières. Un des pavillons de la dernière Exposition universelle de Séoul en était équipé. Les lianes d’Aristolochia macrophylla qui se réparent toutes seules lui ont donné l’idée de matériaux autoréparants sous l’effet d’une variation de pression.
Une dizaine de brevets ont déjà été déposés.
Il poursuit ainsi la voie ouverte par son collègue de l’université de Dresde, Christoph Neinhuis, devenu célèbre pour ce qu’on appelle l' »effet lotus ». Avec Wilhelm Barthlott, il a démontré que le secret de la feuille de lotus réside dans la structuration très fine de sa surface. Cela oblige l’eau à former des gouttelettes qui roulent sur la feuille, emportant les poussières sur son passage. Plusieurs industriels commercialisent depuis des vitres autonettoyantes bio-inspirées ou des sprays pour traiter les surfaces.
« Avec Thomas, nous sommes comme les deux faces d’une même pièce », ironise Christoph Neinhuis pour souligner leurs points communs et leurs différences. Lui se dit mû par la curiosité scientifique, qu’il alimente en piochant dans les collections du jardin qu’il dirige. Son collègue serait plus attiré par les applications.
La stratégie est efficace : au congrès de Clermont-Ferrand, ils totalisent à eux deux, mais séparément, une bonne douzaine de présentations. Et ils ont déjà cosigné près de quinze articles. « L’Allemagne a su mieux qu’ailleurs accrocher l’intérêt des industriels sur les aspects biomimétiques », constate George Jeronimidis, de l’université de Reading. « On sous-estime l’anatomie ou la botanique. Pour les étudiants, ça fait vieux. Mais on arrive à les convaincre ! », grommelle Christoph Neinhuis, qui n’a pas de mal à recruter.
A Clermont-Ferrand, tandis que son confrère détaille son envie de trouver des surfaces sur lesquelles les insectes glisseraient (pour protéger les climatisations des parasites par exemple), il nous invite à aller voir le poster de ses étudiants, étrangement intitulé « Comment devenir un arbre sans bois ? »
La réponse se trouve dans le papayer, qui a un tronc sans lignine. « On connaît tous les gènes de cette plante, mais rien sur sa mécanique ! C’était dommage, alors nous l’avons fait », justifie le chercheur, qui a bien d’autres questions en tête. Comment les pommes tiennent sur un arbre ? Comment leur queue est-elle capable de maintenir aussi bien une fleur légère qu’un lourd fruit et sait aussi le laisser tomber ? « Comment une plante, avec juste quelques sucres, arrive à faire ce qu’elle fait avec autant de diversité (des matériaux souples, élastiques, durs…) ? Et comment passe-t-elle d’une propriété à une autre ? C’est motivant », résume-t-il.
D. L.

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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