De notre servitude involontaire

La fabrique du consentement – 11 septembre 2012 – Daniel Querry
« Un système de domination – et le capitalisme d’aujourd’hui plus que tout autre – ne peut perdurer qu’au prix d’un minimum (variable) de redistribution sans lequel il ne pourrait plus entretenir l’adhésion (ne serait-ce que passive) de la masse des dominés. […] Je pense que, faute du consentement de ces millions de salariés-citoyens au système, celui-ci ne pourrait se soutenir, sauf à jeter bas le masque de la démocratie et à se transformer en tyrannie avérée gouvernant par la terreur. […]
La difficulté commence avec la définition de ce qu’il faut entendre par “consentement”. Dans son usage courant, le terme est pratiquement synonyme d’ “accord délibéré”. […] Il n’est certes pas inutile au fonctionnement d’un système de bénéficier de cette forme d’acquiescement explicite, et le système capitaliste s’efforce de l’obtenir aussi. Mais ce qui fait davantage encore sa force, c’est l’adhésion inconsciente des agents, la connivence non intentionnelle, forme de complicité qui s’ignore parce qu’elle va sans dire et sans y penser. »
« On s’est habitué à penser le combat anticapitaliste comme celui d’une armée de dépossédés montant à l’assaut d’une place forte économico-politique tenue par des possédants dont tout les sépare […] il est clair que l’analyse s’est arrêtée à mi-chemin et que nous avons oublié de nous interroger sur la partie intériorisée du système, le système-fait-corps, c’est-à-dire sur tout ce qui en nous contribue à faire fonctionner ces structures, causes de tant de dégâts autour de nous. Car enfin, ces structures économico-politiques oppressives et inégalitaires ne pourraient pas fonctionner sans le concours de ce que certains sociologues ont appelé un “esprit du capitalisme”, c’est-à-dire une adhésion subjective des individus qui engage, au-delà même des idées conscientes et des sentiments explicites, les aspects les plus profonds et les plus inconscients de leur personnalité. […]
La critique du capitalisme ne peut s’en tenir aux méthodes traditionnelles de la lutte économique et politique, et se contenter de mettre en cause les structures objectives de l’ordre établi (par exemple le marché incontrôlé des capitaux financiers ou la politique de privatisation des services publics ou le caractère technocratique de la construction européenne ou le modèle d’enseignement, etc.) […] elle doit, en outre et en même temps, mettre en cause la part que nous prenons personnellement, même et surtout si ce n’est pas intentionnel, à la “bonne” marche de l’ensemble. » (Alain Accardo. De Notre servitude involontaire. Lettre à mes camarades de gauche. Agone, Marseille, 2001)

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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