Karl Lagerfeld est-il sénile ? – Dérapages verbaux : L’obscénité du bling bling – Il est temps de lui dire que l’époque a changé

Le Nouvel Obs 20/10/2012 Par Thierry de Cabarrus Ex-journaliste

Karl Lagerfeld insulte François Hollande : une injure à tous les Français !

LE PLUS. Le directeur artistique de la maison Chanel traite le président Hollande d’« imbécile [qui] déteste les riches » dans l’édition espagnole du magazine « Marie Claire ». Une scandaleuse provocation pour notre chroniqueur Thierry de Cabarrus.

Karl Lagerfeld est-il sénile ? Le directeur artistique de la maison Chanel refuse de dire son âge mais, d’après ses biographes, il aurait entre 73 et 79 ans. C’est jeune pour perdre la boule. À moins que cette icône de la mode n’utilise sa langue particulièrement fielleuse de vieux dandy anar dans le seul but de se venger de François Hollande qui, non seulement a pris la place de son « ami » Nicolas Sarkozy, mais aussi, crime encore plus grave, vient d’instaurer la fameuse surtaxation des riches à 75% au-delà du premier million d’euros gagné.

 Injurier Hollande, c’est notre pays

Dès lors, voilà notre ambassadeur du chic français pris en flagrant délit de vulgarité. Lagerfeld se lâche contre le président socialiste dans l’édition espagnole de « Marie Claire » :

 « C’est un imbécile, il sera aussi désastreux que Zapatero. Hollande déteste les riches. C’est un désastre. Il veut les punir, et bien sûr, ils s’en vont, personne n’investit. Les étrangers ne veulent plus investir en France, et ça ne peut pas marcher comme ça. »

 Mais Lagerfeld ne s’arrête pas là. Avec une férocité délirante qui n’est pas sans rappeler les dérapages verbaux d’un autre créateur, il se met à éructer sur l’industrie française qui serait à l’agonie : « La France, en dehors de la mode, des bijoux, des parfums et du vin, n’est pas compétitive. Le reste des produits ne se vend pas ». « Qui achète des voitures françaises ? Pas moi ! » ajoute-t-il.

 Le créateur crache ainsi dans la soupe, oublie qu’il vit depuis soixante ans dans ce pays qui l’a accueilli, éduqué, reconnu et que s’il est certes aujourd’hui un créateur de renom, il n’est pas pour autant exonéré d’un minimum de respect.

 Or, c’est insulter la France que d’injurier son président élu démocratiquement et j’estime, comme Ségolène Royal, qu’il doit formuler des excuses, sinon à François Hollande, du moins aux Français qui lui reconnaissent du talent et tolèrent ses excès.

 Les cinq contradictions de Lagerfeld

Car Lagerfeld n’est pas à une contradiction près. En voici quelques-unes :

 1. Il accepte en 2010 de recevoir la croix de Commandeur de la Légion d’honneur, des mains de Nicolas Sarkozy. Or, ce n’est pas un simple ornement, le bijou en or et diamants que lui a offert pour l’occasion la maison Chanel. C’est la plus haute distinction nationale et il refuse d’assumer les devoirs qui incombent à son récipiendaire : de témoigner envers notre pays, sinon un peu de reconnaissance, du moins une certaine obligation de réserve, surtout quand on s’adresse à l’étranger pour critiquer la France.

 2. Il dénonce la politique de Hollande à l’égard des riches mais il ne va pas en tirer les conséquences : s’exiler à l’étranger comme Johnny Hallyday à Los Angeles, Bernard Arnault à Bruxelles ou Christian Clavier à Londres.

 3. Il est l’ambassadeur auto désigné de l’industrie du luxe en France mais il ne rate pas l’occasion de dénoncer l’effondrement de la puissance industrielle française.

 4. Il laisse entendre qu’il fait partie des futures victimes de Hollande puisqu’il va devoir s’acquitter de la taxe de 75% mais il ferait mieux d’être discret sur le terrain de la fiscalité, lui qui pendant 15 ans n’a pas payé ses impôts en France, qui a fait l’objet d’un redressement fiscal de 87 millions en 1999 et qui a obtenu du gouvernement socialiste de l’époque un abattement de… 41 millions.

 5. Il vit depuis soixante ans à Paris mais, comme de nombreux people, semble n’avoir aucune conscience des difficultés matérielles dans lesquelles s’enfoncent nos concitoyens.

 L’obscénité du bling bling

Il est temps de dire à Karl Lagerfeld que l’époque a changé : Nicolas Sarkozy a reçu des Français sa lettre de licenciement le 6 mai dernier. Parmi les griefs qu’ils reprochaient à ce dernier, on trouve notamment ses cadeaux aux Français les plus fortunés (le bouclier fiscal, l’ISF allégé, la faible imposition des multinationales du CAC 40) ; mais aussi ses relations un peu trop voyantes avec la jet set, le show biz, les milliardaires ; sans oublier son fameux « bling bling ».

 Car le luxe est tolérable quand il se fait discret sur notre territoire et s’il ramène des royalties en France, mais il devient carrément obscène quand il s’étale de manière inconsidérée en cette période de crise.

 Or, Karl Lagerfeld est le pur produit des années fric, une sorte de dandy provocateur qui soigne son image d’excentrique en expliquant dans les magazines people que son chat, « Princesse Choupette a deux bonnes à son service », qu’il mange « à table dans des assiettes signées Goyard ». Sans commentaire.

 Parmi ses obsessions, le poids et l’argent

Il faut dire que Lagerfeld est un habitué des propos provocateurs et méchants. Voici quelques-unes de ses saillies odieuses qui toutes correspondent sans doute à ses propres obsessions.

 Obsession de l’élégance vestimentaire ? Normal, c’est son fond de commerce : il a ainsi reproché à la chancelière Angela Merkel se s’habiller comme un sac, avec des pantalons et des vestes mal coupées.

 Obsession de la beauté physique ? Là encore, même si c’est éminemment contestable, on peut comprendre qu’il ait ses critères sur la beauté. Il a ainsi descendu en flammes la sœur de Kate Middleton, Pippa, qui n’avait pas l’heur d’être assez jolie à ses yeux, au point qu’il lui a conseillé de ne « se montrer que de dos ».

 Obsession du poids ? Il faut dire que le poids est un sujet particulièrement sensible pour Lagerfeld qui a perdu 41 kilos pour porter ses fameuses vestes cintrées de petit marquis. C’est sans doute ce souvenir intime qui lui a fait tailler un costume à la chanteuse Adele en déclarant qu’elle était vraiment « trop grosse ».

 Obsession de l’argent ? Sans doute car pour lui, le luxe crée sa fortune et l’argent autorise le luxe. Or, le président français voudrait casser cette belle machine à faire du cash ? On comprend qu’aujourd’hui, ce soit le tour de François Hollande d’essuyer ses injures. Car elles révèlent que les mesures du président de la République sont efficaces, comme le conclut Ségolène Royal :

 « On demande beaucoup de sacrifices aux Français et il est absolument crucial que ces sacrifices (…) soient équitablement répartis (…) si certains très riches réagissent, cela prouve que l’objectif est bien atteint. »

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