
La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, a estimé vendredi que Marine Le Pen avait été la principale bénéficiaire du face-à-face entre Jean-François Copé et François Fillon sur France 2 jeudi soir, reprochant aux deux candidats à la tête de l’UMP d’avoir enterré le « front républicain ».
Interrogée sur France 2 pour savoir si ce face-à-face avait donné lieu à un vainqueur, la ministre a répondu: « Oui, Marine Le Pen. Marine Le Pen, sous les fenêtres de laquelle Jean-François Copé n’a cessé d’entraîner François Fillon, qui s’est laissé faire ».
La porte-parole du gouvernement a constaté que les deux rivaux s’étaient « mis d’accord » sur la règle du « ni PS-ni FN », c’est-à-dire de ne pas appeler à voter PS en cas de duel avec le FN, ce qui a longtemps été la tradition à droite jusqu’aux cantonales de 2011.
« Je vous rappelle que par le passé, le Parti socialiste a été capable de prendre sur lui-même pour préférer voter pour un candidat de droite plutôt qu’opter pour le +ni-ni+. C’est ça les valeurs républicaines, c’est faire la distinction entre un parti républicain et un parti d’extrême droite », a-t-elle poursuivi.
François Fillon a clairement rejoint Jean-François Copé jeudi soir sur cette question en déclarant qu’il n’appellerait « jamais à voter pour le Parti socialiste, en tout cas en l’état de la gauche et du Parti socialiste français ».
Najat Vallaud-Belkacem a aussi relevé l’annonce par M. Copé, député-maire UMP de Meaux, qu’il ne célébrerait pas de mariage homosexuel et qu’il déléguerait la cérémonie à ses adjoints si la loi était adoptée.
« Quelle image est-ce que cela donne ? », a-t-elle demandé. « C’est pour le moins troublant qu’un responsable politique de ce niveau annonce qu’il ne respectera pas la loi. Quel signal est-ce que cela envoie à tous les Français à qui on demande de respecter la loi quoi qu’ils en pensent ? (…) C’est extrêmement grave », a-t-elle commenté.
Najat Vallaud-Belkacem : son modèle, c’est « A la Maison Blanche »
Comment faire de la com’ de façon un peu subtile ? Bienvenue dans la fabrique à antisèches de la porte-parole du gouvernement.
La peinture craquelle et il n’y a pas encore d’écriteaux à l’entrée des bureaux. Des noms sont inscrits au Bic, à même les portes. Sur un paper-board, on lit « mouvements féministes » à côté d’un cœur. Des journaux et des bananes traînent sur les tables de travail.
C’est ici, au 35, rue Saint-Dominique (VIIe arrondissement de Paris), que se fabrique la parole officielle de la France. Celle de Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement.
« Elle sait rire quand il faut »
On ne fait pas plus corseté que cette fonction-là. « Dès que j’ouvre la bouche, ça peut faire l’objet d’une dépêche AFP. Ça peut avoir un impact sur les cours de Bourse, ça peut avoir des conséquences géopolitiques », décrit celle qui est aussi ministre des Droits des femmes. Impossible d’avoir un mot plus haut que l’autre.

Najat Vallaud-Belkacem, lors d’un point presse à l’Elysée le 23 mai 2012 (Fred Dufour/AFP)
La langue de bois apparaît comme le plus sûr des refuges. Elle est consciente que « ça ne rend service à personne » mais en abuse. Tout en donnant l’illusion de se livrer avec sincérité. « Elle sait rire quand il faut, c’est important », souligne une de ses collaboratrices. Elle a appris ce rôle au cours des deux dernières campagnes présidentielles (2007 et 2012). Ils étaient plusieurs à se partager la tâche, mais elle a admirablement pris la lumière et les journalistes l’ont trouvée « sympa ».
A 34 ans, la voici seule en scène. A part quelques encouragements à la « sobriété » et à l’esprit de « responsabilité », François Hollande et Jean-Marc Ayrault ne lui ont pas fixé de consigne particulière.
Antisèches
Et faute d’avoir regardé les prestations de ses prédécesseurs (Copé, Albanel, Wauquiez, Chatel, Baroin, Pécresse…), elle n’avait pas tellement de références en tête.
« La seule que j’ai vue faire et qui puisse donc me servir de modèle fictif, c’est le personnage de C.J. Cregg dans la série “A la Maison Blanche” [ou “The West Wing”, ndlr]… Un peu inhibant en même temps puisque le personnage excelle dans son rôle. Le plus drôle c’est que dans la série, à chaque fois qu’un autre la remplace au pied levé, il se prend les pieds dans le tapis. Cela montre bien le côté périlleux de l’exercice. »
L’existence de Najat Vallaud-Belkacem ressemble désormais à une interminable veille d’examen. Elle bachotte. Quatre personnes lui préparent ses antisèches :
Juliette Chevalier, la responsable du porte-parolat, ex-dir’ com’ de Médecins du monde et assez bonne imitatrice de Jean-Michel Aphatie – très cheftaine ;
Aurélie Royet-Gounin, qui suit les affaires étrangères et les dossiers régaliens – très Quai d’Orsay ;
Romain Prudent, qui suit le reste – très Sciences-Po (il était secrétaire général de Terra Nova) ;
Arnaud Flanquart, qui tient la boutique le week-end ; il est lui aussi transfuge de Terra Nova.
« Ce ne sont pas des éléments de langage »
Chaque jour, sur une dizaine de pages, ils produisent une synthèse de l’action gouvernementale. Les dossiers techniques sont traduits en français « compréhensible par tous ». Si, sur certains dossiers, des ministres se sont déjà publiquement exprimés, c’est leurs mots qui sont utilisés.
« Je veux servir de courroie de transmission entre mes collègues », explique Najat Vallaud-Belkacem. Cette petite Pravda, baptisée « Questions d’actualité », est donc envoyée en fin de journée à tous les membres du gouvernement. Pour que chacun puisse parler d’une même voix. « Ce ne sont pas des éléments de langage », insiste son équipe. C’est fou, pourtant, comme ça peut y ressembler par moments. Mais à les entendre, ils effectueraient un travail avant tout technique, loin de la mise en scène permanente du quinquennat précédent. Ils rêvent d’une com’ qui ne fasse pas trop com’.
L’oracle de Pécresse
Pour un porte-parole, l’exercice phare reste le compte-rendu du Conseil des ministres, le mercredi matin. La veille, Najat Vallaud-Belkacem dîne à l’Elysée. Les secrétaires généraux adjoints de la présidence et les principaux conseillers de François Hollande décryptent avec elle les sujets du lendemain. Le compte-rendu qu’elle devra lire est déjà presque prêt.
« Pendant le Conseil des ministres, je dois être la plus attentive. Quand il se termine, tout le monde se lève, et chacun essaie d’aller dire un mot au président de la République ou au Premier ministre. Je me glisse dans ces interstices-là pour les prendre à part cinq minutes pour qu’ils me disent s’ils veulent que j’insiste sur un point particulier. »
Puis, en repensant à l’oracle formulé par Valérie Pécresse au moment de la passation de pouvoir – « Il n’y a pas un seul porte-parole dans l’histoire des porte-parole qui n’ait un jour commis une erreur » – « NVB » joue à C.J.
Bientôt en streaming
Texte ânonné, corps trahissant son propre ennui, ses débuts furent assez mauvais. Elle a fini par prendre conscience qu’elle était filmée – d’ici peu, ses interventions devraient même être diffusées en streaming –, qu’elle s’adressait certes à un parterre de journalistes mais aussi à quelques milliers d’internautes. Depuis, elle « recherche une plus grande accessibilité dans [ses] comptes-rendus ».
Vendredi 29 juin, Najat Vallaud-Belkacem a tenté une variante : le porte-parolat décentralisé. Elle est allée porter la bonne parole gouvernementale aux habitants du Teil, en Ardèche. « Je pensais faire à peu près le même exercice que le mercredi, à cette réserve près que je m’adresse à des citoyens et pas à des journalistes. De fait, les questions posées ne sont pas du tout de même nature. Il y a eu beaucoup de questions sur le handicap. D’autres sur les plans sociaux en cours. Un chef d’entreprise a proposé une mesure fiscale…
L’idée n’est pas d’avoir réponse à tout, mais je prends les coordonnées des gens et je demande à mes collègues de leur faire des réponses par écrit. »
« Pourquoi pas en prison ? »
Elle compte renouveler l’expérience tous les mois, « en particulier dans des zones où la politique va difficilement ». « Pourquoi pas dans une université ? Pourquoi pas en prison ? » Son cabinet réfléchit à voix haute.
Najat Vallaud-Belkacem, elle, avance au doigt mouillé. Elle dose sa présence médiatique en refusant quatre émissions sur cinq. Se fie aux réactions envoyées sur son blog pour « prendre la température des choses ». « Depuis que je suis ministre, j’ai l’impression de passer ma vie à travailler. Depuis le 16 mai au matin, on est en permanence en train de préparer le dossier suivant. Je n’ai pas eu le temps de prendre du recul. »
Elle n’a plus le temps de penser. Autour d’elle, personne ne s’en inquiète.
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