Le Canard Enchaîné – mercredi 31 octobre 2012 – J.-F. J.
Il y en a partout. Dans les champs, les parcs, les jardins, les nappes phréatiques. Dans les fruits, les légumes, les céréales. Les pesticides, tueurs d’insectes, de mauvaises herbes ou de champignons, s’insinuent dans nos vies d’Occidentaux depuis plus de soixante ans. Un récent rapport du Sénat vient d’en dénoncer l’addiction toute particulière des français. Laquelle date du lendemain de la libération, quand l’agriculture intensive s’est mise à nourrir le pays et à surproduire, faisant de l’Hexagone le 2ème exportateur agricole mondial.
Et la toxicomanie nationale n’a cessé de croître. Troisième consommateur de la planète, la France a vu se développer des maladies liées à ces poisons chimiques : des dermatoses aux troubles neurologiques, voire aux cancers, en passant par l’asthme et les rhinites. Des affections auxquelles les agriculteurs sont, de très loin, les plus exposés. Surtout les préposés aux pulvérisations ou ceux qui travaillent dans les serres. Théoriquement, les épandages sont aujourd’hui interdits. Sauf que, aux Antilles, à cause d’un champignon qui affecte les feuilles de bananier, les préfectures ont récemment signé des arrêtés dérogatoires.
En 2008, le gouvernement a tenté d’inverser la tendance en décrétant un plan (Ecophyto) qui devait réduire de moitié l’usage des pesticides d’ici à 2018. Un triomphe, pour l’instant : de 2008 à 2011, la consommation de pesticides a encore augmenté de 2,6%… Certains industriels, dont la production stagnait, se redressent. Ainsi, les bénéfices de l’allemand Basf sont en hausse, en partie grâce aux « phytos ».
Pour garantir leurs intérêts face aux irresponsables (et heureusement inefficaces) écolos, ces chimistes, dont Monsanto, Bayer, Syngenta, DuPont de Nemours, se sont regroupés en un lobby au nom rassurant : l’Union des industries de la protection des plantes. Ils fabriquent, assure leur site, des « produits phytopharmaceutiques » (ça sonne mieux que « pesticides »), défendent de « bonnes pratiques » garantissant des « denrées végétales saines » compatibles avec une « agriculture raisonnée ». Et on voudrait vraiment réduire l’activité de ces amis de la nature et de la santé ?