MSN Messenger – Skype va absorber MSN : une génération d’internautes qui est en deuil … lettre d’adieu

 Nouvel Obs 09-11-2012Par Fibre Tigre Auteur de fictions interactives

MSN disparaît au profit de Skype : ma lettre d’adieu

LE PLUS. Voilà, c’est fini, comme dirait Jean-Louis Aubert. Avec cette annonce de Microsoft, c’est toute une génération d’internautes qui est en deuil… Skype va absorber MSN. Oui, je sais. Respirez, vous allez vous y faire. C’est en tout cas l’occasion pour notre maître ès « les choses d’internet » Fibre Tigre de publier sa lettre d’adieu au célèbre logiciel de messagerie instantanée.

Microsoft a décidé d’abandonner sa célèbre messagerie au profit du logiciel d’appel en ligne Skype (DR).

Cher MSN Messenger,
 C’est fini, avec toi s’envole une partie de ma vie numérique.
 Quand je t’ai vu arriver en 1999, j’ai tout de suite su que toi et moi, on allait faire de grandes choses.
 Des châtons, de la bonne humeur et du Comic Sans
ICQ était beaucoup trop cool, IRC trop underground, non, grâce à tes typos flashy et ton industrie du mauvais goût, j’allais pouvoir séduire de la mère de famille esseulée, attendrie par un .gif de chaton à paillettes et convaincre le cadre moyen d’entreprise, dépassé par l’arrivée de l’internet, qu’internet, ça pouvait être aussi joli que les annonces « j’ai perdu mon chat » affichées dans sa boulangerie (voyez comme il est difficile de ne pas parler d’internet sans parler de chat).

Ah… le .gif de châton que l’on pouvait glisser dans nos conversations… (DR)
Une fois de plus, tout en subtilité, alors que le marché venait de se révéler probant grâce aux travaux de Yahoo! et de Mirabilis, Windows t’a donné le jour en t’imposant comme logiciel standard de son système d’exploitation. Tu es né un couteau entre les dents, éventrant la concurrence dans ton avènement.
Messenger, en bon anarchiste, tu n’as vécu que pour voir le monde brûler et gésir. Sans arrière pensée, tu as ouvert la boîte de Pandore en donnant le Comic Sans comme deuxième police de choix pour dialoguer, immédiatement adoptée par une nette majorité des utilisateurs. Mais là où des faibles auraient considéré le Comic Sans comme une bombe atomique de mauvais goût, tu as su être visionnaire et rajouter la possibilité d’écrire en rose sur fond cyan, en jaune pâle sur fond blanc, en une phrase : tu ne connaissais aucune limite. Ils voulaient de la bonne humeur, tu as brisé leur âme.
La révolution de l’émoticône
Ô Messenger, parlons un peu de ces « cindy » et autres « bitch012451 » qui s’ajoutaient régulièrement à mon compte pour dialoguer (en anglais, hélas) puis me proposer de visiter des sites payants. Enfin, quand je dis dialogue, ces coquines avaient la verve et l’interactivité d’un répondeur téléphonique – mais oui, quelques instants, tu m’as fait croire qu’à l’autre bout du monde, Melun, Pontoise, Gif-sur-Yvette peut-être, une Cindy se languissait de moi.
Messenger, louons un peu ton architecture technique anti-internet, qui faisait transiter TOUS les messages par des serveurs Microsoft pouvant à loisir censurer et observer mes dialogues ainsi que les fichiers que je transmettais.
Messenger, Messenger, Messenger… j’allais oublier le plus important.
Tes émoticônes.
Ah, le fameux smiley. Après avoir conquis le monde en t’imposant comme standard populaire, tu as également marqué à vie l’histoire du graphisme en normalisant les émoticônes. Et c’était cool, même dans les pubs ils nous glissaient des petits « 🙂 » partout, tu nous proposais un grand rêve : anéantir l’expression d’émotion par les mots, atomiser la nuance du cœur.
 Non content d’avoir des émoticônes cachées (saviez vous que si vous faisiez « (?) » sur MSN, il affichait un « ? » avec « ASL » dessous, soit « Age Sex Location » (« âge, sexe, ville », ASV en Français), mantra de la rencontre casual des années 2000), de nombreux flibustiers de l’entreprise numérique ont bâti des empires sur la commercialisation de smileys – parfois livrés en bundle de toolbars publicitaires qui savaient vous enchanter (et vous enchaîner). Les chiens ne faisant pas de chats, des smileys, des arc-en-ciels et autres animations d’un goût infâme se sont répandues comme la peste sur le monde.
 Bien avant Facebook, bien avant Twitter, tu nous offrais la possibilité de publier un statut. Tu pensais vraiment qu’après avoir lâché du Comic Sans au peuple, il se contenterait d’un sobre « absent quelques minutes » ? Non, le concours planétaire du plus beau statut customisé était lancé. À coup de caractères spéciaux et de répliques de romans photos, on parvenait à de superbes « I AM ☺H☺A☺P☺P☺Y☺! » CAR IL N’Y A JAMAIS ASSEZ D’EMOTICONES.
Messenger, parfois, tu étais dangereux. Vraiment. Toutes ces entreprises qui t’utilisaient pour communiquer en interne, et qui gardaient toutes ces conversations comme preuves que l’on brandissait dans les procès. Et combien de mariages brisés quand le conjoint se pencha sur la lumière de ton historique ?
Un truc marrant que j’aimais en toi, Messenger, c’est ton côté taquin. On te lance depuis un nouveau PC, et aimablement, tu nous imposes une mise à jour. De 60 Mo. Puis encore une autre. Puis d’autres, de temps en temps, obligatoires sinon le service devient interdit, comme si tu avais le projet fou de conquérir tout l’espace de notre disque dur, juste pour que nous puissions envoyer « :- ) » à Cindy.
 MSN, tu vas me manquer pour de vrai
Poing levé, tu es devenu le héraut de la génération « ASL », à tel point que tu figurais travesti dans les publicités télévisées préventives où de vilains monsieurs approchaient virtuellement des jeunes âmes innocentes. Beaucoup encore – pour ceux qui ne le pratiquent pas, en fait – croient que le cybersexe se fait sur des sites spécialisés proposant services et hôtesses, mais il n’en est rien : comme un hôtel de passe planétaire et surtout gratuit, c’est dans tes petits électrons, par ton service de vidéo performant, que hier encore se pratiquait la masturbation collective à distance.
MSN, tes petits pépiements me manqueront. Mais quand la nostalgie de ta tonalité, lointaine et grave, comme tout autant de voix chères qui se sont tues, sera trop forte, je relancerai l’un des nombreux remix de tes sons particuliers qui ont hanté nos nuits : Vidéo  : Messenger avec les sons
Édité par Henri Rouillier   Auteur parrainé par Mélissa Bounoua

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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