Japon – îles Senkaku : Ichiro Komatsu présente ici les faits historiques, regrettant que l’ambassadeur de Chine en France (Le Monde du 31 octobre) est pour le moins une mémoire sélective.

LE MONDE | 10.11.2012

Les îles Senkaku appartiennent au Japon

Par Ichiro Komatsu, ambassadeur du Japon en France
… »Depuis 1885 des études sur les îles prouvant qu’elles étaient bien une terra nullius (« terre sans maître »), dépourvue de la moindre trace d’une administration par la Chine. »…

Navire chinois de surveillance maritime encadré par deux gardes-côtes japonais le 24 septembre – Reuters
« Durant une certaine période dans un passé pas si lointain que cela, le Japon, (…) à travers sa domination coloniale et ses agressions, a causé d’ immenses dommages et souffrances aux populations de nombreux pays, particulièrement à celles des nations asiatiques. Dans l’espoir qu’une telle erreur ne soit plus commise à l’avenir, je considère, dans un esprit d’humilité, ces faits historiques irréfutables, exprime ici encore une fois mes sentiments de profond remords et présente mes excuses les plus sincères. » Cette citation est tirée d’une déclaration prononcée en 1995 par Tomiichi Murayama, alors Premier ministre du Japon. Et depuis cette date, les gouvernements japonais successifs ont réitéré à maintes reprises qu’ils resteraient fidèles à l’esprit de cette déclaration.
A l’issue de la Seconde Guerre mondiale, partant des remords sincères concernant son passé d’avant-guerre, le Japon s’est imposé le principe suivant : les différents internationaux doivent être résolus de manière pacifique et en conformité avec le droit international. Depuis plus de soixante-sept ans, le Japon est resté fidèle à ce principe. De plus, aspirant à participer à la prospérité du monde, le Japon s’est employé à faire de son mieux pour contribuer à de nombreux projets en faveur du développement, notamment par le biais de son aide publique au développement (APD).
Ainsi, l’APD japonaise destinée à la Chine depuis 1979 atteint un montant total d’environ 28,5 milliards d’euros. Grâce notamment à ces efforts en faveur de la stabilité et de la prospérité dans le monde, le Japon a su gagner la confiance de la communauté internationale, comme l’illustre un sondage organisé chaque année depuis 2005 par la BBC qui place le Japon dans le peloton de tête des pays « exerçant une influence positive dans le monde ». Dans une déclaration conjointe signée par les premiers ministres des deux pays et publiée en mai 2008, la Chine a elle-même reconnu et apprécié « les contributions en faveur de la paix et de la stabilité dans le monde consenties par le Japon depuis plus de soixante ans en sa qualité de nation pacifique ».
Dans une tribune (Le Monde du 31 octobre), Kong Quan, l’ambassadeur de Chine en France, évoque de nombreux souvenirs datant des cinq années qu’il a passées au poste de porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères. J’ai bien peur que sa mémoire soit pour le moins sélective.
Concernant les îles Senkaku, la souveraineté du Japon sur ces îles est incontestable tant sur le plan historique que sur celui du droit international, et le Japon exerce son autorité sur ce territoire de manière effective. La décision du gouvernement japonais de rattacher les îles Senkaku au territoire national a été prise en janvier 1895, après avoir mené consciencieusement depuis 1885 des études sur les îles prouvant qu’elles étaient bien une terra nullius (« terre sans maître »), dépourvue de la moindre trace d’une administration par la Chine (dynastie Qing régnant de 1616 à 1911).
L’ambassadeur Kong Quan parle de la nécessité de respecter les traités signés à la fin de la seconde guerre. Le Japon figurant parmi les vaincus de ce conflit, l’étendue de son territoire après-guerre fut déterminée par le traité de paix de San Francisco, signé par le Japon et 48 pays alliés, dont la France. Les îles Senkaku ne furent pas mentionnées dans l’article II de ce traité parmi les territoires auxquels le Japon a renoncé. En revanche, le traité de San Francisco plaça les îles Senkaku sous administration américaine comme faisant partie de l’archipel de Nansei (article III), sur la base d’une appartenance dudit archipel au territoire japonais.
C’est la raison pour laquelle l’administration de ces territoires fut rendue au Japon en 1972, en vertu de l’accord sur la restitution d’Okinawa conclu entre le Japon et les Etats-Unis. Durant leur administration par les Etats-Unis, les îles Senkaku furent utilisées par l’armée américaine comme terrain de manoeuvres pour des exercices de tir, sans pour autant élever la moindre protestation de la Chine. Défier la souveraineté du Japon sur ces îles équivaut à une tentative unilatérale de modifier l’ordre juridique international de l’après-seconde guerre mondiale, défini par le traité de paix de San Francisco, que le Japon respecte fidèlement. Il n’existe par ailleurs aucun accord entre le Japon et la Chine sur une « mise en suspens » de la question des îles Senkaku.
C’est seulement à partir des années 1970, après la publication de rapports faisant suite aux enquêtes océanographiques de la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique en 1968 qui évoquaient la présence éventuelle de pétrole en mer de Chine orientale, que la Chine a commencé à revendiquer sa « souveraineté territoriale » sur les îles Senkaku. Il faudra également signaler qu’avant les années 1970, les documents démontrant une reconnaissance par la Chine de la souveraineté japonaise sur les îles Senkaku abondent : une lettre de remerciement envoyée par le consul de la République de Chine à Nagasaki (Japon) en 1920, un article du Quotidien du peuple (organe de presse du Parti communiste chinois) daté du 8 janvier 1953, le Nouvel atlas de la République de Chine publié en 1933, l’Atlas du monde publié en 1958, etc.

Le rachat par le gouvernement japonais à un propriétaire privé des trois îles formant les Senkaku, reproché par la Chine, n’est qu’un simple transfert du droit de propriété des terres faisant partie du territoire japonais. Il s’agit du moyen le plus sûr et le plus réaliste pour garantir de manière stable et pacifique la conservation ainsi que la gestion de ces îles face aux provocations multiples de la Chine, telles que les incursions répétées dans les eaux territoriales japonaises par des navires chinois, parfois de manière violente, ou le débarquement illégal de militants chinois sur les îles Senkaku.
Enfin, l’ambassadeur Kong Quan souligne la nécessité de renforcer davantage la coopération sino-japonaise, notamment dans le domaine économique. Je partage pleinement cet avis et c’est en effet ce que le gouvernement japonais ne cesse de préconiser. Mais les événements dont nous sommes les témoins en Chine – des actes de violences répétés visant la communauté et les entreprises japonaises, voire parfois des citoyens chinois conduisant des véhicules japonais – ne sont-ils pas aux antipodes de ce qui nous permettrait d’atteindre cet objectif commun ? Le Japon ne fléchira pas devant la violence.
Ichiro Komatsu, ambassadeur du Japon en France

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
Cet article, publié dans Débats Idées Points de vue, International, Résistance, est tagué , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.