Sarkozysme – droit d’inventaire : rapport Gallois accablant

LE MONDE |  18.11.2012 Par Arnaud Leparmentier et Vanessa Schneider

L’impossible droit d’inventaire du sarkozysme

Ce fut le début de la reconquête. L’indispensable droit d’inventaire exercé par Lionel Jospin sur l’héritage mitterrandien permit au Parti socialiste de reprendre, en 1997, le pouvoir, moins de deux ans après le départ de François Mitterrand de l’Elysée. L’UMP s’est, pour l’instant, montrée incapable de se livrer à cet exercice après la défaite de Nicolas Sarkozy, qui mit fin à dix années de gestion de droite.
Quelques timides voix s’étaient pourtant élevées au lendemain de l’échec présidentiel : celle de Roselyne Bachelot, proche de François Fillon, et celle de l’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui s’étaient émus du tournant droitier de la campagne du président battu. Ils furent vite sommés de se taire par les dirigeants du parti, au nom de la nécessaire unité avant les législatives de juin.
D’UN CHEVEU
L’analyse détaillée du scrutin présidentiel a conduit l’UMP à persister dans l’omerta : selon les zélotes de Nicolas Sarkozy, ce dernier n’aurait perdu que d’un cheveu, sa campagne droitière ayant permis de remonter son retard dans les sondages au plus près de François Hollande. Les 2 millions de votes blancs ont été interprétés comme des votes anti-Hollande. La thèse est contestable, mais elle permet de prétendre, comme l’essayiste Alain Minc, que la gauche n’a gagné que par effraction.
Pourquoi, dès lors, faire le procès d’un homme qui a presque gagné ? Les conditions du retrait de M. Sarkozy de la vie politique, laissant ouvert un possible retour, accentuent la frilosité des plus critiques. L’ex-président saura se souvenir de ceux qui auront tiré les premiers au cas où il déciderait de retourner dans l’arène politique.
Cette ombre a plané sur toute la campagne interne de l’UMP. Jean-François Copé a adopté la position cocasse – au regard des relations notoirement détestables entre les deux hommes – du sarkozyste fervent. François Fillon a dû emboîter le pas pour ne pas déplaire à des militants encore très attachés à celui qui leur avait offert la victoire de 2007 et peu effarouchés par les saillies droitières de M. Sarkozy.
DÉBUT D’AUTOCRITIQUE
Quel que soit le gagnant, dimanche 18 novembre, de l’élection destinée à élire le président de l’UMP, il est fort probable que ce droit d’inventaire ne puisse pas avoir lieu de manière assumée. M. Copé a placé sa campagne dans les bottes de Patrick Buisson, l’idéologue maurassien de M. Sarkozy. Comment s’en prendre à la campagne du président sortant quand on déniche l’idée des pains au chocolat arrachés aux enfants qui refusent d’observer le jeûne du ramadan ?
M. Fillon, lui, a sans aucun doute des réserves. Son positionnement est plus modéré, et il a amorcé un début d’autocritique, notamment sur les questions budgétaires. « On peut nous reprocher de ne pas être allés assez loin ou assez vite », a admis, en octobre, celui qui se disait dès 2007 à la tête d’un « Etat en faillite », mais s’est battu pour rester à Matignon pendant l’intégralité du quinquennat. Critiquer plus avant le bilan de Nicolas Sarkozy reviendrait à se déjuger ou à admettre qu’il n’a pas su imposer ses vues.
FERMER LE BAN
Pourtant, il y aurait à dire. La critique la plus évidente porte sur la personnalité de Nicolas Sarkozy, qui a diffusé un climat de tension au sein de l’Etat et dans la société française. Conscient de cette faille, le président sortant s’en était chargé lui-même, en amorçant un mea culpa au début de sa campagne. Manière de fermer le ban sur un handicap qui, en réalité, demeure un obstacle majeur à son retour en politique.
Le débat sur la droitisation n’est pas plus aisé, nul n’ayant élevé la voix lors de la polémique sur l’identité nationale et le discours de Grenoble sur les Roms, prémices aux diatribes sur l’islam et l’immigration.
POLITIQUE BUDGÉTAIRE LAXISTE
Mais l’UMP ne devrait pas non plus se passer d’un examen de son bilan économique. Elle vit dans le mythe d’un président qui a imposé des réformes impopulaires, comme celle des retraites, et s’est comporté en bon capitaine pendant la tempête. C’est vrai et faux à la fois. Vrai, car Nicolas Sarkozy a convenablement mené la présidence de l’Union européenne lors de la faillite de la banque d’affaires Lehman Brothers, en 2008, et adopté, notamment à la fin de son mandat, une politique de compétitivité. Faux, car il a conduit une politique budgétaire laxiste en juillet 2007, reniant les engagements européens de la France.
Surtout, il a été incapable de limiter la crise de l’euro à la Grèce. Il l’a même accentuée, en adoptant, à Deauville, en octobre 2010, avec la chancelière allemande, Angela Merkel, un compromis prévoyant la restructuration des dettes des pays en difficulté. Ce fut le « Lehman Brothers » de l’euro.
RAPPORT GALLOIS ACCABLANT
Enfin, Nicolas Sarkozy, qui a passé son temps à fustiger les 35 heures de Lionel Jospin sans les abolir, qui s’est promené dans toutes les usines du pays, a laissé la France industrielle décrocher. Le rapport de Louis Gallois, ancien patron d’Airbus, est accablant pour les dix dernières années de chiraco-sarkozysme.
Galvanisée par la chute de popularité de François Hollande, la droite pense pouvoir éviter tout travail d’introspection. Elle devra pourtant en passer par là si elle veut retrouver les allées du pouvoir

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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