Paradis fiscaux : les techniques d’optimisation fiscale appliquées par les plus grosses multinationales

AgoraVox – 1er décembre 2012 – EdenLike
Paradis fiscaux : ces multinationales et ces hyper riches qui ne veulent pas payer d’impôts
Jean-Michel Quatrepoint, journaliste, décrit les techniques d’optimisation fiscale appliquées par les plus grosses multinationales, championnes de l’évaporation fiscale : Apple, Microsoft, Google, Amazon, Starbucks… Plus les profits sont énormes, plus les moyens mis en œuvre pour ne pas payer d’impôts sont énormes…

L’optimisation fiscale, notamment celle pratiquée par les multinationales est dans le collimateur du fisc. Pas seulement en France, mais dans la plupart des pays occidentaux. Il n’était que temps. Car on ne peut pas demander des efforts considérables aux PME, aux contribuables, rogner sur les pouvoirs d’achat des classes moyennes occidentales, en laissant des pans entiers de l’économie échapper à l’impôt.
Voilà des années que quelques Cassandre avaient tiré la sonnette d’alarme. Les États, quels que soient leurs défauts, ne peuvent pas accepter de voir une partie de leur matière fiscale disparaître peu à peu. Or, tel est bien le processus à l’œuvre depuis une décennie. On a fermé les yeux sur la prolifération des paradis fiscaux. On a laissé les multinationales et le système financier les utiliser à des fins plus ou moins avouables. On a accepté, au sein d’un même espace économique, comme l’Union européenne, des disparités fiscales exorbitantes. Bref, on a faussé toutes les règles de la concurrence.
Le succès des Apple, Microsoft, Google, Amazon ; les performances de groupes comme Starbucks et d’autres, ne sont pas dus qu’au génie de leurs fondateurs, aux talent de leurs chercheurs et de leurs services marketing. Leur succès financiers est directement lié à l’imagination de leurs services juridiques, de leurs fiscalistes. Ils ont maximisé les profits en minimisant les impôts. Toute l’astuce de ces multinationales repose sur la déconnexion entre la fourniture de biens et de services, la localisation de la facture, et l’imputation de redevances diverses à partir de paradis fiscaux. Internet facilitant bien sur ces mouvements.
Lorsqu’un consommateur européen achète un livre chez Amazon, il le paie à travers une société luxembourgeoise plutôt que par les filiales locales. Or, le consommateur passe son ordre sur le site Internet Amazon du pays où il vit. Le livre est stocké sur place. Et le produit livré par un distributeur local. Que vient faire le Luxembourg là-dedans ?
Google, de son côté, localise l’essentiel de ses revenus internationaux en Irlande. Où le taux de l’IS n’est que de 12,5. La plupart des contrats publicitaires de Google sont signés par la filiale irlandaise, alors qu’ils s’adressent aux consommateurs de chacun des pays.
Peu à peu, les États tentent de recomposer le puzzle des comptes de ces multinationales. Ainsi, Google a déclaré à la SEC américaine qu’il avait engrangé 4 milliards de dollars de ventes en 2011 en Angleterre. Alors que dans ses documents officiels britanniques, Google n’avait déclaré que 629 millions des dollars. Amazon, de son côté, a déclaré plus de 9 milliards d’euros de chiffre d’affaires en Europe, avec un tout petit bénéfice de 20 millions. Et 8 millions d’euros d’impôts seulement. Les mêmes remarques pourraient s’appliquer à Apple, autre grand champion de l’optimisation fiscale.
Là où l’affaire se corse, c’est qu’avec le développement des ventes par Internet, on assiste également à une évaporation de la TVA. De plus en plus souvent, les prix affichés oublient de la mentionner. Si les sociétés françaises sont, elles, soumises à la réglementation. Bien des sites localisés hors de France, et même hors d’Europe, oublient de faire figurer la TVA sur les factures. Pourtant, le produit a été payé en France, livré en France, stocké voire même produit en France.

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Pour lutter contre cette évaporation fiscale, les États vont devoir passer la vitesse supérieure. Cela passe par une coordination, des échanges d’information. Cela passe aussi par une obligation pour les multinationales de présenter leurs activités pays par pays, avec notamment les bénéfices et impôts payés dans chaque pays, sans oublier les management fees, versements de brevets et redevances diverses ainsi que les lieux où les sommes sont versées. Cela passe également par une réforme du régime de la TVA en Europe, notamment de celles sur la prestation de services. Celles-ci doivent être taxées sur le lieu de consommation, et non sur le lieu où le prestataire a localisé son établissement. Enfin, pour ce qui concerne la TVA sur les biens que certains oublient de facturer, il faudra bien mettre en place des contrôles, à travers les réseaux de télécommunication ou les cartes bancaires utilisées comme moyens de paiement. À charge pour les banques de vérifier que les paiements incorporent bien une TVA payée sur les lieux de consommation. Vaste programme, dira-t-on. Sans doute, et les multinationales concernées vont mobiliser tous leurs lobbies, mais il faudra bien un jour leur faire comprendre que l’égalité fiscale est un principe absolu et que c’est le seul moyen si l’on veut faire, un peu, baisser les impôts du plus grand nombre.

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