Londres – Le royaume veut protéger sa City : « Etre en Europe, ou être hors d’Europe ? »

Editorial LE MONDE | 05.12.2012

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A Londres, la City bataille contre Paris

La célèbre interrogation shakespearienne a quelque peu évolué. Il ne s’agit plus, aujourd’hui à Londres, d’« être ou ne pas être », comme dans Hamlet. Il s’agirait plutôt de répondre à la question : « Etre en Europe, ou être hors d’Europe ? »
La question est relancée par le projet des 27 membres de l’Union européenne (UE) de se doter d’une union bancaire. L’affaire ne va pas vite, comme le montre l’absence de résultats d’une énième réunion des ministres des finances de l’UE cette semaine à Bruxelles.
Les Français veulent aller vite ; plus pointilleux, les Allemands entendent prendre leur temps. L’union bancaire est nécessaire au bon fonctionnement de la zone euro, qui réunit 17 pays de l’UE. Mais elle concerne l’ensemble des 27, donc la Grande-Bretagne et l’institution qui représente 9 % de son produit intérieur brut (PIB) : la City de Londres.
Le royaume veut protéger sa City. Il craint que l’assujettissement de cette dernière à des règles communes européennes n’en diminue la compétitivité. Pis encore, la régulation du secteur bancaire et financier européen devant être confiée, pour l’essentiel, à la Banque centrale européenne (BCE), c’est ainsi une des institutions de la zone euro – dont la Grande-Bretagne n’est pas membre – qui va être amenée à s’occuper des affaires de la City !
Autant le dire tout net : on n’aime pas cela à Londres. On redoute une sorte de majorité automatique des 17 de l’union monétaire européenne qui, en matière bancaire et financière, dicterait sa volonté aux autres. On y voit une menace pour la City – pour laquelle Londres solliciterait volontiers un régime spécial (une dérogation de plus en faveur de la Grande-Bretagne ?).
L’affaire se complique encore un peu plus quand on sait que la City assure 40 % des transactions en euros dans le monde ! Rien que de très logique ici : la City est – de par son savoir-faire et la souplesse de ses réglementations – la grande place financière du continent européen.
Le sage Christian Noyer, patron de la Banque de France, y voit une anomalie grave. Il a confié cette semaine au Financial Times qu’il n’y avait aucune raison pour que le centre financier le plus actif sur le marché des euros se trouve en dehors de la zone euro, hors contrôle de la BCE ! C’était souhaiter le rapatriement sur le continent d’une partie de ces transactions. Tollé outre-Manche, où l’on dénonce une attaque contre la City, et où le maire de Londres, le conservateur Boris Johnson, s’est livré à son sport favori : la saillie francophobe.
La City n’est pas sans arguments, M. Noyer non plus. Et sans doute faut-il que les 17 n’écrasent pas les autres au sein de l’union bancaire. Mais la vérité est que cette bataille masque une question plus profonde : plus eurosceptiques que jamais, les Britanniques veulent-ils rester dans l’Europe ?

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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