Mittal – Malgré les promesses les syndicats n’ont plus confiance en personne : Florange pour les Nuls. Explication

Sud Ouest 07/12/2012 à 11h13 | avec AFP

Florange pour les Nuls : pour comprendre la volte-face de Mittal

[VIDEO] Vital pour l’avenir de Florange, le projet Ulcos est clairement menacé. De quoi s’agit-il ? Pourquoi les syndicats n’ont plus confiance en personne ? Réponses

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Edouard Martin, le leader CFDT de Florange : Mittal « a enfumé tout le monde ». (AFP JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN)
Arnaud Montebourg désavoué, son projet de nationalisation temporaire enterrée : c’est Jean-Marc Ayrault, le Premier ministre, qui a traité en direct avec Mittal et obtenu un accord avec l’industriel indien. Un accord qui repose sur la préservation des emplois et l’investissement de près de 180 millions d’euros sur le site de Florange. Cette somme est destinée à mettre sur les rails le projet Ulcos qui mise sur un procédé permettant de produire de l’acier en respectant l’environnement. Or, depuis jeudi, ce projet innovant et capital pour l’avenir du site, dans la mesure où il permet de maintenir en activité les hauts-fourneaux, est clairement menacé. Explication
Le projet Ulcos
Pour bien comprendre les inquiétudes qui planent désormais au-dessus de Florange, il suffit de savoir que ce projet Ulcos n’est rien d’autre que la bouée de sauvetage numéro un du site. Ulcos doit permettre de produire de l’acier en réduisant d’au moins 50% les émissions de gaz carbonique. Ce qui est essentiel tant cette activité est pourvoyeuse de gaz à effet de serre. Le CO2 serait capté lors de la production et stocké dans des aquifères salins à 100 km environ au sud de Verdun.
 Les hauts-fourneaux dotés d’une telle technologie regagneraient ainsi en compétitivité grâce à d’importantes économies réalisées sur le coût des quotas d’émission de C02. Ulcos est donc censé faire de Florange une vitrine de nouvelles technologies de production de l’acier beaucoup moins polluantes. Ambitieux, donc.
Mittal abandonne d’abord…
Or, si ce projet est vital, jeudi, la Commission européenne a annoncé, contre toute attente, que Mittal se retirait du projet Ulcos, « à cause de difficultés techniques ».
De sources communautaires, on apprenait dans la foulée que tous les projets européens de captage et de stockage du dioxyde de carbone (CSC) qui étaient en lice cette année sont abandonnés. « Plus de 1,5 milliard d’euros de fonds européens disponibles afin d’encourager les projets le captage et de stockage du carbone (CSC) vont maintenant être détournés vers de nouveaux projets d’énergie renouvelable », a déploré le député libéral britannique Chris Davies.
… puis dément, d’une pirouette
Dès l’annonce de son retrait de cet appel d’offres, ArcelorMittal a tenu à démentir. Et à réaffirmer son engagement à poursuivre le projet de recherche Ulcos. L’industriel indique que « dans l’état actuel des recherches, étant donné les difficultés techniques rencontrées, le projet Ulcos remis dans le cadre de l’appel d’offre NER 300 – phase 1 – ne peut être mis en place ».
Les syndicats, comme l’Etat, n’ont donc comme seule solution que de croire l’industriel sur parole. Difficile puisqu’il dit à la fois vouloir continuer ce projet Ulcos tout en précisant qu’il en est incapable.
Ayrault et Hollande démineurs d’urgence
Preuve que la parole de l’industriel est plus que suspecte, sa mise au point, pour le moins douteuse, n’a pas dispensé Matignon et l’Elysée de monter au créneau. Et de jouer une nouvelle fois les démineurs. Ainsi, jeudi, Matignon a indiqué qu’ArcelorMittal, « à la demande du gouvernement », s’était « engagé à poursuivre les travaux liés au projet Ulcos » et que l’accord passé avec Mittal vendredi sur Florange était « toujours valable ». Selon Matignon, « des études vont être immédiatement engagées pour surmonter (les) impasses techniques ».
De son côté, le président François Hollande a affirmé jeudi soir à propos de cet accord que les engagements seraient « tenus » et qu’il en serait « le garant ». « Compte tenu du passé, des manquements, j’ai vu la détresse et la colère, j’en mesure aussi les causes », a-t-il déclaré. Une certitude, cette volte-face de Mittal pose clairement la crédibilité du couple Ayrault-Hollande.
Les syndicats écoeurés
Résultat, malgré les promesses de Jean-Marc Ayrault et de François Hollande et les assurances de Mittal, les syndicats n’ont plus confiance en personne. Ils avaient d’ailleurs exprimé leurs doutes sur la volonté de Mittal de continuer à Florange dès la signature de l’accord avec le gouvernement. Pour Edouard Martin, le leader syndical de la CFDT, le groupe industriel « a enfumé tout le monde ». A ses yeux, ce retrait de Mittal du projet Ulcos, signe « l’arrêt de mort de la filière liquide », dont font partie les hauts fourneaux lorrains. « Merci à Ayrault, c’est la signature de la trahison », a-t-il ajouté, mais « ce n’est pas la fin du combat », a-t-il poursuivi. Ce vendredi, il a estimé : « Il va être très difficile que Mittal respecte ses engagements. Ce n’est pas dans sa culture. Il n’en veut pas d’Ulcos, il n’en veut pas de la filière liquide de Florange ».
Vidéo
La presse vent debout
Après l’abandon par ArcelorMittal du projet Ulcos, plusieurs éditorialistes se déchaînent vendredi contre la gestion du dossier Florange par l’exécutif, dénonçant une « déroute » du Premier ministre Jean-Marc Ayrault et un « échec » du Président François Hollande.
« Ce devait être le symbole de la rupture avec le sarkozysme », rappelle Eric Decouty dans Libération. Or « après avoir balayé la proposition de Montebourg, son ministre du Redressement productif, de nationaliser le site, après avoir affirmé que Mittal s’était plié aux volontés du gouvernement et après avoir fait la sourde oreille aux critiques syndicales justifiées, le Premier ministre a essuyé hier un revers cinglant », poursuit l’éditorialiste du journal de gauche. « La déroute du Premier ministre signe également l’échec du Président », assène-t-il.
Selon Bruno Dive (Sud-Ouest), c’est avant tout le Premier ministre qui sort « laminé » de cet exercice. « On a connu des Premiers ministres conspués par la rue, d’autres secoués par une canicule, d’autres encore – et tout récemment – piétinés par un hyperprésident », souligne-t-il. « Mais jamais encore on n’avait vu de Premier ministre humilié à ce point par un grand patron, qui plus est étranger ».
C’est un véritable « coup de pied de l’âne qui a été administré, hier, par ArcelorMittal au gouvernement », renchérit Jacques Camus (La République du Centre), parlant d’un « cinglant camouflet pour l’exécutif ». « Florange est en train de devenir le Gandrange de François Hollande », ajoute-t-il et il est « grand temps » que le président « se mette vraiment aux fourneaux ».

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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